A 28 ans, Blessie vit aujourd'hui de la mendicité dans cette ville qui concentre de nombreux clandestins venus du sud de l'Afrique en instance de départ et de transit vers les côtes de l'Afrique du nord.
Aînée d'une famille de six enfants, elle avait décidé de "prendre ses responsabilités" en 2003, alors que ses parents vivaient dans le dénuement le plus total à Benin city (sud du Nigeria).
"Je faisais du petit commerce, mais ça ne marchait pas", raconte-t-elle.
Blessie part alors à l'aventure après s'être engagée auprès de sa mère à ne jamais rejoindre ses nombreuses compatriotes qui se prostituent sur les trottoirs des grandes villes européennes.
Son odyssée la conduira au Bénin, au Burkina Faso, puis au Mali, où elle rejoint Gao, la "porte du désert".
Grâce à des petits boulots, elle parvient à économiser de quoi rallier le Maroc. Elle se casse les dents à deux reprises mais demeure décidée à ne pas lâcher prise.
Blessie qualifie elle-même d'"acharnement" ses tentatives répétées de rejoindre les côtes européennes pour "fuir la misère".
Lors de sa troisième tentative, Blessie tombe amoureuse d'un compatriote, lui-même candidat à l'immigration clandestine en Europe.
Elle est enceinte au début de l'année et le couple décide tout de même de poursuivre l'aventure via le Maroc.
"J'aimais bien mon homme. Il était attentif. On s'entendait bien", raconte-t-elle.
Il y a trois mois, ils se sont séparés pour embarquer sur deux pirogues à partir des côtes marocaines et ne se sont jamais revus.
"Les deux pirogues ont démarré au même moment. Nous, nous avons été sauvés d'un naufrage par les forces marocaines. Mais je ne sais pas ce qu'est devenu mon mari et ses compagnons d'infortune", poursuit-elle.
Après avoir été expulsée du Maroc vers l'Algérie, elle embarque, en compagnie d'une vingtaine de ressortissants subsahariens, dans un camion qui la conduit à la frontière malienne depuis la ville algérienne de Tamanrasset (sud).
A mi-parcours, Blessie ressent alors de fortes douleurs abdominales. Le camion se gare. Elle descend péniblement et les contractions redoublent. Elle accouche prématurément à même le sable.
"En plein désert, j'ai commencé par accoucher dans le sable. Le premier enfant est venu, c'était un garçon. Il n'a pas crié ou pleuré, j'ai su tout de suite qu'il était mort. Le deuxième enfant est venu au monde, grâce à Dieu, elle a crié, pleuré, j'ai su qu'elle était vivante", explique Blessie, les larmes aux yeux.
Après avoir abandonné le petit corps inerte sur place, elle embarque à nouveau dans le camion qui la dépose avec sa fille dans une structure sanitaire algérienne à la frontière avec le Mali.
Un peu plus tard, Blessie et sa fille Ossas gagneront Gao.
"Ma fille est une miraculée. Dieu sait ce qu'il fait. J'ai toujours été croyante", murmure-t-elle.
Blessie prend sa fillette dans les bras, fixe le plafond de sa petite case et glisse tristement: "Pour ma fille, je veux trois choses. Un acte de naissance, des nouvelles de son père et aller en Europe pour mon bonheur, pour celui d'Ossas".
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