L’annonce par Facebook, mardi, d'une nouvelle politique de modération plus compatible avec les vues des républicains n'est que le premier d'une longue série de cadeaux offerts à Donald Trump, qui s'apprête à présider de nouveau les États-Unis. Une opération séduction sans précédent de la part de Mark Zuckerberg, le dirigeant de Meta.
Meta devient de plus en plus Maga. Mark Zuckerberg, PDG du géant des réseaux sociaux, fait de nombreux appels du pied ces dernières semaines au mouvement pro-Trump "Make America Great Again" (Maga).
Le multimilliardaire de la Tech a ainsi annoncé, mardi 7 janvier, une profonde refonte des règles de modération sur Facebook et Instagram, en épousant la plupart des revendications trumpiennes. La plus visible : Mark Zuckerberg ne veut plus de fact-checkers professionnels chargés de traquer la désinformation sur ses réseaux sociaux. Il a aussi promis de mettre davantage en avant les "sujets politiques".
Meta et la liberté d'expression "absolue"
Mark Zuckerberg veut également une modération moins stricte des conversations concernant certains sujets chers au camp conservateurs. Dorénavant, il devrait être possible de critiquer les immigrés ou d’évoquer les personnes transgenres comme des individus ayant une "maladie mentale" sans être censuré, détaille le site Wired qui a analysé l’impact potentiel de ces modifications.
À l’inverse, le camp démocrate rappelle que la modération avait été renforcée après le scandale de l’ingérence russe dans l’élection présidentielle américaine de 2016 et la prolifération des "fake news" sur Facebook. L'arrivée de fact-checkers professionnels devaient garantir que les réseaux sociaux ne croulent pas sous la désinformation.
Il se trouve que les utilisateurs identifiés comme politiquement conservateurs ont davantage tendance à promouvoir la désinformation en ligne, a établi une étude publiée en octobre 2024 par la très sérieuse revue Nature. D’où le fait que les règles en vigueur jusqu’à présent avait tendance à censurer davantage les républicains.
Mais qu’importe les travaux universitaires : l’important pour Mark Zuckerberg est "de prouver sa loyauté à Donald Trump", résume Peter Bloom, chercheur en management à l’université d’Essex qui a travaillé sur le "capitalisme autoritaire".
Des modérations made in Texas
L'abandon des "fact-checkers" n’est à cet égard qu’un élément du grand plan pro-Trump de Mark Zuckerberg. Le PDG de Meta compte les remplacer par des "notes de la communauté", c'est-à-dire le même système que celui institué sur le réseau X… par Elon Musk, le PDG de Tesla, devenu le plus trumpiste des patrons de la Tech. "Ce principe de modération fait du coup porter un lourd fardeau sur les épaules des simples utilisateurs censés dorénavant traquer et rectifier la désinformation sur Facebook", souligne le site Axios.
Ce n'est pas tout. Mark Zuckerberg a également annoncé qu'il allait déménager au Texas ses équipes de modération, actuellement basées en Californie. Aux yeux des républicains, la Californie représente le paradis des "libéraux".
Cette grande réorganisation de la modération made in Facebook représente l’aboutissement d'une succession de décisions à même de faire plaisir à Donald Trump depuis sa victoire à la présidentielle de novembre 2024. Mark Zuckerberg n’a pas hésité à imiter ses collègues de la Tech, tels Jeff Bezos (PDG d’Amazon) ou Sam Altman (PDG d’OpenAI), en versant au nom de Meta un million de dollars pour le financement de la cérémonie d’investiture de Donald Trump. En novembre, il avait fait, là encore comme Jeff Bezos, le pèlerinage à Mar-o-Lago, résidence secondaire de Donald Trump, pour tenter de plaire davantage au président-élu.
Mais le patron de Facebook et Instagram est allé plus loin que les autres patrons de la Tech. Il a ainsi nommé, le 3 janvier, un républicain convaincu, Joel Kaplan, au poste de responsable des affaires publiques. Cet ancien conseiller de Georges W. Bush y remplace Nick Clegg, qui avait été le vice-Premier ministre britannique de Tony Blair.
Le conseil d’administration a aussi accueilli, le 6 janvier, deux nouveaux membres, dont Dana White, le patron de l’Ultimate Fighting Championship (UFC). Ce sulfureux hommes d’affaires, connu pour être un proche soutien de Donald Trump, prend la place au conseil d’administration de Sheryl Sandberg, l’une des figures historiques de Facebook et militante féministe fermement ancrée à gauche.
Eviter la "prison à vie" et faire plaisir aux actionnaires
Pourquoi cette surenchère d’offrandes déposées aux pieds de Donald Trump de la part de l’un des hommes les plus riches et puissants au monde ? Car Mark Zuckerberg est le seul patron de la Silicon Valley a avoir été personnellement menacé par le président élu. Ce dernier ne lui a pas pardonné d’avoir financé pour plus de 400 millions de dollars une campagne pour inciter les Américains à se rendre aux urnes en 2020.
Même si l’initiative de Mark Zuckerberg n'était pas partisane, la frange complotiste du camp pro-Trump y avait vu une tentative cachée d'aider Joe Biden. Quatre ans plus tard, Donald Trump avait déclaré avoir le patron de Meta tout particulièrement à l’œil et menaçait de l'envoyer "en prison pour le restant de ses jours".
Mark Zuckerberg juge également que faire allégeance à 100 % "est la bonne chose à faire pour les actionnaires", estime Peter Bloom. L'ère de la modération stricte n'était au final qu'une parenthèse de huit ans dans la vie de Facebook. Elle correspondait à une époque où la direction de Meta jugeait qu’il était politiquement judicieux de lutter davantage contre la désinformation. 'Pour les responsables de Facebook, Donald Trump n'allait pas durer au-delà d'un mandat et la victoire de Joe Biden semblait leur donner raison', souligne Peter Bloom.
Mais la victoire du candidat républicain "a été une surprise pour eux, et les responsables de Meta se sont dits qu’il fallait drastiquement rectifier le tir", estime l’expert de l'université d'Essex.
Risque de catastrophe à venir
Cette multiplication inédite de cadeau au camp pro-Trump prend aussi en compte "le caractère imprévisible d'un dirigeant qui met en avant la loyauté avant tout", assure Peter Bloom. Autrement dit, mieux vaut en faire trop car on ne sait jamais ce qui convaincra finalement Donald Trump.
Caresser le président-élu dans le sens du poil vise aussi à "s’assurer d'avoir le soutien de Washington quand il s'agira d’aller défendre les intérêts de Meta sur la scène internationale", ajoute l’expert. Pour lui, ce pourrait être un atout de poids en Europe. La politique européenne de protection de la vie privée en ligne n’est pas en phase avec les besoins de collecte des données personnelles à des fins publicitaires de Facebook.
Mais c'est aussi un pari risqué. Faire des clins d’œil aussi appuyés aux conservateurs peut avoir des conséquences en termes d’audience. "Meta estime que la victoire de Donald Trump prouve qu'il vaut mieux cette fois-ci donner des gages à cet électorat. Mais l'écart avec Kamala Harris n'a au final pas été si important que ça et le pays reste très divisé", souligne Peter Bloom. La vague récente de départ d’utilisateurs de X prouve que prendre la parti trumpien à 100 %, comme l’a fait Elon Musk, a un coût.
5 Commentaires
Xeme
il y a 4 jours (13:52 PM)Reply_author
il y a 4 jours (15:33 PM)Reply_author
il y a 4 jours (15:46 PM)Reply_author
il y a 4 jours (20:06 PM)Reply_author
il y a 4 jours (20:14 PM)Reply_author
il y a 4 jours (20:16 PM)Mor Ndadie
il y a 4 jours (20:04 PM)Xeme
il y a 4 jours (23:06 PM)« Ils nous ont poussé très fort à retirer des choses qui honnêtement étaient vraies... Ils nous ont essentiellement poussé et ont dit... Tout ce qui dit que les vaccins pourraient avoir des effets secondaires vous devez essentiellement le retirer ».
Participer à la Discussion