Mme Monique Gagnon-Tremblay en visite au Sénégal après un périple qui l’a menée en Algérie, en Tunisie, au Maroc, au Burkina Faso, revient sur le sommet de la Francophonie, prévu du 17 au 19 octobre prochain au Québec. Elle a abordé dans cet entretien entre autres questions, les relations que cette province du Canada entretient avec les autres pays, sa politique d’immigration.
Pourquoi l’appellation de ministère des Relations internationales ?
Quand on parle de ministère des Relations Internationales, c’est spécifique à une province ou un Etat fédéré parce qu’on a un gouvernement fédéral avec un ministère des Affaires Etrangères. Donc, je ne fais pas de politique étrangère. Le Québec est un Etat fédéré avec 7 millions d’habitants majoritairement francophones. Il a toujours défendu sa langue, son identité et ses spécificités. Le Québec a su également développer au fil des années, tout un réseau à l’international pour attirer des capitaux et en même temps sélectionné des migrations. C’est en cela qu’elle est une terre d’immigration, d’accueil avec une politique d’émigration. Le Québec est également présent dans 18 pays et dans 30 villes. Nous avons des délégations générales dans certains pays comme en France avec laquelle nous entretenons une quasi-diplomatie. Ailleurs, nous avons des bureaux. Par exemple, nous sommes présents au Japon depuis 35 ans. A l’époque, nous avions des visionnaires, des gens qui pensaient que le Québec devrait être là. J’ai déposé, il y a deux ans, une nouvelle politique de relations internationales avec un plan d’action concertée de l’ensemble des ministères du Québec pour avoir une action beaucoup plus articulée. Sans compter les liens privilégiés que nous avons avec les Etats-Unis, principal pays d’exportation de nos produits. Nous sommes présents aussi en Chine, en Inde. Mais nos bureaux se trouvent à l’intérieur de l’ambassade canadienne. Nous avons un réseau assez important.
Madame la ministre, peut-on connaître le but de votre voyage au Sénégal ?
J’ai fait 05 pays en 13 jours. C’est une mission très rapide. Je suis allée en Algérie, en Tunisie, au Maroc et au Burkina Faso. Je dois terminer par le Sénégal. L’objectif de cette mission, c’était de parler du sommet de la Francophonie qui aura lieu au Québec du 17 au 19 octobre prochain. Ce sommet sera marqué par des innovations avec une formule nouvelle, beaucoup plus dynamique. Les chefs d’Etats et de gouvernement échangeront sur des thèmes d’enjeux très précis comme la démocratie, les droits des personnes, la gouvernance économique, la langue française, qui est une langue de rapprochement et en même temps une langue de la solidarité, de la diversité, l’environnement abordé sous l’angle des changements climatiques. On sait que les changements climatiques affectent aussi bien les pays du Nord que les pays du Sud. C’est important de pouvoir échanger nos technologies, nos expertises, nos expériences. Les chefs d’Etat se retrouveront en table ronde pour échanger sur ces enjeux. Le sommet du Québec permettra à ces opérateurs de mieux faire connaître ces actions. Ce sommet se situe aussi dans le cadre du 400ème anniversaire de la fondation de la ville de Québec.
Par rapport à ce sommet, où en êtes-vous dans les préparatifs ?
Les préparatifs vont très bien. Il y a le secrétariat en collaboration avec le gouvernement canadien. Nous sommes deux pays hôtes. Actuellement, le secrétariat est déjà créé depuis l’année dernière. Nous avions un peu moins de personnes. Mais au fur et à mesure que le sommet approche, l’équipe grossit. Les représentants des différents pays se rencontrent à Paris régulièrement pour discuter de l’agenda, de la résolution. C’est la résolution qui sera entérinée par les pays. On la veut concise. Pas une résolution de plusieurs pages, cela pour faciliter le suivi après le sommet.
Va-t-on vers un programme spécial en octobre prochain ?
Il y a beaucoup de programmes tout au long de l’année. L’ouverture de ce 400ème anniversaire de la fondation de la ville de Québec s’est déroulée le 31 décembre dernier. Nous avions accueilli en quinze jours ce qu’on appelle Futuralia en collaboration avec la France. C’était pour mettre en relation les entreprises venant du Sénégal, du Burkina Faso et d’autres pays dans le but de les jumeler avec des entreprises québécoises. Nous aurons au mois de juin, le congrès eucharistique où nous attendons 50 cardinaux. L’ouverture officielle se fera le 3 juillet prochain. Cette ouverture, c’est la base de l’arrivée de Samuel de Champlain. Rappelons que Samuel de Champlain est arrivé avec le premier homme noir au Canada. Il s’appelait Mathieu Dacosta. Même la population ne le sait pas. Après, il va se tenir plusieurs congrès au Québec : ceux des professeurs de français, des juristes, de l’association des parlementaires francophones. Aussi, y aura-t-il plein d’activités culturelles, avec des artistes qui se produiront partout au cours de cette année. Le sommet de la Francophonie clôturera finalement cette célébration.
Le Canada a déjà abrité de grandes rencontres internationales du genre. Comment va se passer cette organisation ?
Même si le Canada a beaucoup d’expérience dans ce genre de sommet, il y a eu le sommet en 2004, au Burkina Faso. On ne peut pas ignorer cette expérience réussie. Comme aussi en Roumanie en 2006. C’est important et ils ont des choses à nous dire. Ils ont vécu certaines expériences. J’ai rencontré le Président Compaoré. Il sera notre porte-parole auprès de certains pays africains capables de vendre cette nouvelle formule. Dès fois, quand on fait des changements, cela suscite des craintes. J’ai rencontré le Premier ministre du Sénégal, le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères ainsi que le ministre chargé de la Francophonie. Ils sont tous d’accords avec notre façon de faire.
Quel est l’état des lieux de la coopération entre le Québec et le Sénégal ?
La coopération entre le Québec et le Sénégal se situe au niveau de nos ONG. Nous avons beaucoup d’ONG qui travaillent ici dans tous les domaines. Naturellement, l’Agence Canadienne de Développement International (Acdi) qui est un organisme gouvernemental canadien, aide beaucoup les projets. Lorsqu’un projet est bien structuré, le Québec donne son expertise. Les projets présentés à l’ACDI sont généralement acceptés. C’est dire que notre coopération avec le Sénégal se manifeste à travers nos ONG et dans l’enseignement supérieur. Nos universités sont présentes ici et il y a beaucoup de Sénégalais qui sont allés étudier au Québec, qui ont leurs entrées là-bas, qui connaissent des universitaires, des chercheurs, des professeurs. Cela aide beaucoup. La coopération se fait également par ce canal. On peut échanger et permettre à des chercheurs sénégalais de venir au Québec et vice versa. Le Québec offre aussi des bourses d’exemption de frais de scolarité pour les étudiants sénégalais. Ces bourses, nous les avions modifiées pour aider les deuxième et troisième cycles. Nous conservons les premiers cycles pour les besoins techniques de certains pays comme par exemple quelqu’un qui voudrait se perfectionner en agriculture.
Et sur le plan économique ?
Sur le plan économique, on ne peut pas dire que c’est à une grande échelle. C’est surtout à partir de projets de nos grandes entreprises d’ingénierie et d’autres domaines. Ce sont des entreprises qui viennent ici à partir de projets de coopération financés par la Banque Mondiale et d’autres institutions, touchant aux domaines de l’eau, des infrastructures... Le gouvernement peut appuyer ces entreprises. En Algérie, « SMP La Vallée » est là-bas pour développer un projet en hydraulique, électricité et gaz. C’est un projet majeur où il y a beaucoup de personnes qui y travaillent. A ce niveau on peut aider.
Récemment, une délégation de la Chambre de Commerce de Dakar était invitée à un forum économique au Québec. En avez-vous des échos ?
Je sais qu’il y a eu beaucoup de rencontres qui se sont tenues. Naturellement il faut que chacun y trouve son compte. Il faut aussi que cela soit très ciblé. Je n’ai pas eu vent de suivi de cette rencontre. Généralement cela rapporte. Ce sont des contacts à partir des besoins des pays. En ce moment là, on peut voir comment ces entreprises en contact du même niveau ou du même secteur d’activité puissent échanger et faire des affaires ensemble.
Dans le domaine de la coopération décentralisée, en marge du sommet, l’association internationale des Maires (Aimf) se réunira en congrès au Québec. Votre ville est-elle prête à accompagner Dakar ou d’autres communes sénégalaises ?
Au Québec, le gouvernement est autonome par rapport au gouvernement fédéral. Les villes sont aussi autonomes par rapport au gouvernement provincial. C’est aux villes de décider de faire ceci ou cela. C’est à partir des relations qui existent entre deux maires que se noue une coopération.
A part les étudiants, est-ce que le Québec est prêt à accueillir d’autres catégories de sénégalais ?
Le Québec sélectionne dans la catégorie des indépendants qui répondent aux besoins de travail au niveau de l’économie du Québec. C’est ainsi avec tous les pays, avec une grille de sélection. Pour avoir parlé avec le ministre d’Etat, ministre des Affaires Etrangères du Sénégal, votre pays veut garder ses cerveaux. Il en a besoin. Le gouvernement du Québec ne peut pas venir puiser dans ce groupe. Ce qui pourrait être intéressant, c’est d’échanger pendant un certain temps, permettre à un sénégalais de venir au Québec, pendant deux ans, suivre une formation d’appoint et revenir aider son pays. C’est cela que le gouvernement sénégalais souhaite et que le Québec respecte. On ne peut pas sélectionner des gens formés sur une grande échelle pour répondre à une pénurie de main d’œuvre au Québec. Le Québec ne peut pas venir chercher les meilleurs éléments du Sénégal alors que ce pays a besoin de ses cerveaux, de la main d’œuvre qualifiée pour se développer. On serait mal à l’aise si ce serait ce genre de promotion qu’on fait.
Votre dernier mot ?
Le Québec est toujours fier de venir ici. C’est un ami du Sénégal. Les gens sont accueillants. Il y a beaucoup d’habitudes entre nos deux pays. Je suis venu ici, il y a quatre ans. Mais, je suis agréablement surprise de voir l’évolution. Le Sénégal se développe à mon grand enchantement. Je suis heureuse de cela. Lorsqu’on voit des constructions un peu partout, des nouvelles routes, cela me réjouit. Je me dis qu’il y a de l’espoir et il faut continuer à travailler.
CHEIKH ALIOU AMATH ET OUMAR NDIAYE
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