Le chef d’état-major de l’armée de terre, un neveu du Président Idriss Deby Itno, le général Abakar Youssouf Itno, a succombé à ses blessures jeudi, non loin de Moudeïna, une localité située à une centaine de kilomètres au sud d’Adré, la ville frontalière du Soudan, aux confins est du Tchad.
Les combats de jeudi opposant l’armée tchadienne aux milices soudanaises «appuyées par des mercenaires» tchadiens ont été très durs, selon l’Etat-major tchadien, et se poursuivant sporadiquement hier. Une soixantaine de blessés graves sont arrivés dans la journée de jeudi à l’hôpital d’Adré, où sont traités les soldats de l’armée gouvernementale. Et le général Abakar Youssouf Itno, chef d’Etat-major de l’armée de terre, a perdu la vie dans cette deuxième bataille d’envergure. Après les rebelles du Socle pour le changement, l’unité et la démocratie (Scud), à Hadjer Marfaïn, un peu plus au nord, il affrontait cette fois le Rassemblement pour la démocratie et la liberté (Rdl), les fameux «mercenaires» dénoncés par les autorités tchadiennes. Celles-ci accusent en effet les dissidents du régime de servir de supplétifs aux djandjawid soudanais, les milices arabes de Khartoum. Selon N’Djamena, ce sont ces dernières qui auraient attaqué, jeudi, la localité de Moudeïna, à partir du Darfour voisin où elles opèrent depuis 2003. Le Rdl affirme le contraire, accusant N’Djamena d’avoir lancé l’offensive contre des positions qu’il aurait établi au Tchad.
«Les djandjawid, appuyés par des mercenaires, ont attaqué dans la matinée du jeudi 30 mars la localité de Moudeïna. L’armée nationale tchadienne a vaillamment repoussé cette nouvelle agression, qui constitue une violation flagrante par le pouvoir de Khartoum des accords de Tripoli du 8 février 2006», indique un communiqué du ministère tchadien des Affaires étrangères. «Nous étions sur le territoire tchadien depuis trois semaines. L’armée tchadienne nous a attaqués sur nos positions et nous l’avons mise en déroute», rétorque l’ancien préfet d’Iriba, dans l’Est tchadien, Issa Moussa, qui se présente à l’Agence France presse (Afp) comme le conseiller du président du Rdl, Mahamat Nour. Pour leur part, les organisations humanitaires estiment à environ 30 000 les Tchadiens déplacés depuis fin décembre par les attaques transfrontalières qui se multiplient dans l’est de Tchad où sont également réfugiés quelque 200 000 habitants du Darfour soudanais. Difficile dans ces conditions de démêler la nature et l’origine des mouvements de troupes.
Côté tchadien, la région d’Adré est en tout cas un abcès de fixation dont N’Djamena répugne à reconnaître l’origine endogène, sauf à revendiquer son éradication comme l’a fait Idriss Déby, le 23 mars dernier, sur le théâtre vide du champ de bataille d’Hadjer Marfaïn où il avait tenu à conduire la presse. «Depuis 2004, nous avons vécu six tentatives de coup d’Etat, et, depuis fin 2005, nous avons assisté à une série de désertions d’officiers…à la solde de l’étranger et décidés à plonger le pays dans le chaos», accusait-il alors, se félicitant d’avoir mis «fin à la déstabilisation» grâce à la destruction de leurs bases avancées au Tchad. «Les déserteurs de l’armée et les auteurs du putsch manqué du 14 mars dernier se sont tous retrouvés d’abord au Soudan, puis à Hadjer Marfaïn», disait-il alors. Aujourd’hui, c’est à nouveau le Soudan qu’il désigne, comme ennemi principal cette fois, le ministre des Affaires étrangères accusant Khartoum de n’avoir «rempli aucun de ses engagements, ni celui de désarmer les djandjawid, ni celui de désarmer les rebelles tchadiens».
Après la bataille de Moudeïna, N’Djamena «s’interroge sur la validité des déclarations faites à Tripoli» par Khartoum en février dernier. Force est quand même de constater que «la maîtrise de la situation» est loin d’être aussi totale que l’avait affirmé Idriss Deby la semaine passée, malgré le «cordon» frontalier dont il avait annoncé le déploiement «pour sécuriser la population tchadienne». Et jusqu’à présent, ce sont surtout les désertions dans son carré zaghawa qui lui ont suggéré «la réforme» destinée, selon lui, à donner au Tchad «une armée nationale digne de ce nom, pour faciliter la paix et la démocratie». Ce disant, le Président Deby confirme, s’il en était besoin, la nature militaire du pilier sur lequel repose son autorité.
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