S'il est légitime de soulever les problèmes et d'être critique et vigilant, tous les reproches faits à Facebook de la part des médias, des autorités et des internautes sont-ils pour autant justifiés ? L'utilisateur lui-même n'a-t-il pas sa part de responsabilité quant à ce qui est divulgué ou exposé le concernant ? N'est-il pas temps d'accepter de vivre avec son temps et d'adapter ses propres réflexes aux nouveaux enjeux en termes de vie privée proposés par la révolution des réseaux sociaux ?
FACEBOOK : UTILISATEURS VS. EDITEURS
Interrogeons-nous sur l'objet et les finalités de Facebook, en tant que réseau social pour ses utilisateurs d'un côté, et en tant qu'entreprise commerciale pour ses créateurs de l'autre ; les intérêts n'étant pas les mêmes, les conflits sont forcément inévitables, mais certainement pas rédhibitoires.
Un réseau social, a fortiori sur Internet puisque accessible par le plus grand nombre qui soit, est par essence un espace fait d'individus qui partagent volontairement des éléments de leur vie, quelles que soient la qualité et la quantité de ces informations ; sans partage, pas de réseau social. Adhérer à Facebook est bien une démarche volontaire, mue par une envie de partager avec d'autres des éléments de notre quotidien, de notre sphère privée : vouloir préserver celle-ci tout en la rendant publique sur Internet est donc a priori paradoxal et contradictoire, justifiant assez difficilement les attitudes exagérées de vierge effarouchée de certains. Pour clore le débat avant l'heure, nombreux sont ceux qui disent : « Y' a qu'à pas s'inscrire ! » Bien sûr, mais cela ne peut constituer une réponse acceptable ; si vous vous faites agresser dans la rue un soir, personne ne pourra sérieusement vous expliquer que vous n'avez qu'à ne pas sortir la nuit ! Chacun doit pouvoir être présent sur Facebook s'il en a envie, au même titre qu'il doit avoir la liberté de circuler le soir sans être agressé. Poursuivons le parallèle : ne pas se faire attaquer au coin de la rue la nuit dépend aussi de chacun ; la sécurité est certes un droit, mais notre époque veut malheureusement que nous nous adaptions et agissions avec intelligence en réduisant les risques et en ne tentant pas le diable en sortant dans les quartiers les moins sûrs. Et bien il en va de même sur Internet où la prudence est de mise, et sur Facebook : nous devons en connaître les règles, par ailleurswww.facebook.com/policy.php" target="_blank">, les accepter si on s'y inscrit, et ajuster les variables qui sont de notre ressort : cette plate-forme permet à chacun de ses membres une multitude de réglages pour la définition des niveaux de confidentialité des informations qu'il y publie, et donc de ce qui peut être rendu publique ou pas à divers degrés.
Facebook, du point de vue de ces créateurs et éditeurs, est une entreprise commerciale dans le plus pur style capitaliste américain : la philanthropie n'est pas en tête des objectifs, contrairement à la profitabilité financière. Si son modèle économique n'est pas encore bien défini, il est toutefois très proche de celui de nombreux autres acteurs de la nouvelle économie, Google en tête : des revenus générés par la publicité, et par elle seule puisque dans les deux cas le service est gratuit pour l'internaute. Or pour attirer les annonceurs, Facebook ne se base pas seulement sur la quantité et ses 400 millions de membres — ça ne suffit plus aujourd'hui —, mais surtout sur la qualité afin de créer des panels à présenter aux annonceurs qui soient les plus définis et affinés possible. Partant de cette réalité mercantile, personne ne peut donc blâmer Facebook d'essayer de profiter des données de ses utilisateurs autant qu'il le peut en fixant la confidentialité par défaut à des niveaux très larges ; à chacun, répétons-le, de restreindre ces niveaux dans les paramètres de confidentialité de son compte au gré de ses besoins et des limites qu'il veut fixer. Et d'accepter que la gratuité, nouvelle donne elle aussi, soit légitimement liée à une contre-partie : vouloir le beurre et l'argent du beurre n'est pas très réaliste, bien que dans les faits cela reste tout à fait possible sur Facebook.
DROIT DE CRITIQUE, DEVOIR DE BON SENS
Si les critiques faites à l'encontre de Facebook sont saines et souvent légitimes, que tout garde-fou est bon et salutaire par principe, surtout face à un tel géant en position de monopole, crier au loup en permanence ne fait pas beaucoup avancer le débat. Comme pour beaucoup d'autres aspects de nos vies, individuellement tout autant que socialement, le bon sens doit cependant, et avant tout, prévaloir : si des éléments de votre existence sont exposés sur la toile — et pas seulement du fait de Facebook —, c'est d'abord parce que vous le voulez bien (exception faite de ce que d'autres, souvent des proches, publient sans votre autorisation), et que le cas échéant vous n'avez pas utilisé les moyens qui vous sont donnés pour limiter cette exposition. À ce titre, Facebook vous permet d'aller tellement loin que ça en deviendrait grotesque : si vous en êtes utilisateur, regardez bien vos paramètres de confidentialité, vous verrez que vous pouvez les fixer de telle façon que seul vous, pas même vos amis, puissiez voir ce que vous publiez, réduisant de fait à néant la fonction sociale et l'objet même du réseau pour son utilisateur...
Nous vivons généralement tous sous une Constitution proclamant sous une forme ou une autre que « nul n'est censé ignorer la loi », donc ses droits et ses devoirs. Facebook a aussi ses règles, et nous y avons nos droits, dont celui de préserver notre vie privée avec un grand contrôle. Avons-nous ce même pouvoir en tant que titulaires d'une carte de crédit ou utilisateur d'un téléphone portable, grâce auxquels nos mouvements, faits et gestes sont parfaitement contrôlables, et ce, de manière extrêmement opaque?...
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