Chassez le naturel, il revient au galop ! Les politiques se sont, encore une fois, illustrés, à l'occasion de ce grand combat national contre le coronavirus. Depuis le début de la pandémie, les actions, a priori d'ordre social, cachent mal des calculs politiques derrière. Les rassemblements folkloriques, le plus souvent devant les caméras, pour une simple distribution de dons en disent long…
Le Sénégal a enregistré 99 cas confirmés de coronavirus dont 9 guéris, à la date du mercredi 25 mars. Une situation alarmante qui n'a pas laissé indifférent le président de la République Macky Sall qui a décrété un état d'urgence, à compter du mardi 24 mars, sur toute l'étendue du territoire national.
Mais depuis l'apparition de la maladie du coronavirus au Sénégal, le 2 mars dernier, les compatriotes mobilisent des fonds pour appuyer l'État à faire face à cette pandémie.
Pendant ce temps, d'autres personnalités, le plus souvent de la classe politique, ont opté pour une récupération… politique. D'abord, c'est Aida Sow Diawara, Député-Maire socialiste de Golf-Sud, qui est la première à se signaler. Une image largement partagée sur les réseaux sociaux montre un tee-shirt de couleur verte (symbolisant le Parti socialiste) sur lequel il est écrit : "La commune de Golf-Sud derrière Aida Sow Diawara pour vaincre le coronavirus."
Mais elle n'est pas la seule. Sur une autre photo, ce sont les militants du Pastef qui s'illustrent. Mettant en avant leur leader Ousmane Sonko, ils lancent un appel : "Patriotes du Sénégal, combattons le Covid-19 ensemble."
À noter également que dans ce lot, il y a le ministre des Forces armées, Sidiki Kaba, par ailleurs responsable "apériste" à Tamba. Ainsi, dans un message envoyé aux médias le 20 mars, par ses services de communication, il est bien mentionné ceci : "Photo de remise de la participation du ministre Sidiki Kaba et son association." Il s'agit donc d'une enveloppe que son organisation de soutien a remise à l'autorité administrative locale, en guise d'appui au comité local de gestion de lutte contre la Covid-19.
À Diourbel, c'est le ministre Dame Diop, en charge de l'Emploi, de la Formation professionnelle et de l'Artisanat, qui a porté une sérieuse atteinte à l'arrêté ministériel n°0007782 du 13 mars 2020 pris par son homologue Aly Ngouille Ndiaye, portant interdiction des grands rassemblements. Une manifestation aux allures folkloriques que le chef de l'Exécutif régional, Gorgui Mbaye, a bénie juste à la devanture de la gouvernance.
En effet, hormis les communicateurs traditionnels, il y avait également les maires, députés, élus du Hcct et d'autres responsables du parti de Macky Sall (Alliance pour la République).
Pendant ce temps, un "néo-apriste", Me Malick Sall, qui a récemment rejoint le bateau marron-beige, a réussi à réunir autorités politiques, administratives locales et dignitaires religieux de Matam pour décaisser la rondelette somme de 140 millions de francs Cfa. Même si l'idée du garde des Sceaux est "noble et salutaire", la manière a été fortement décriée, si l'on sait que les rassemblements sont interdits en cette période de coronavirus.
"Opportunisme politicien"
À Saint-Louis, qui a enregistré son premier cas de coronavirus, c'est le ministre-maire Mansour Faye, par ailleurs beau-frère du chef de l'État, qui assure le "show". En compagnie de quelques éléments de la fondation Servir le Sénégal, de sa sœur et première dame (Marième Faye Sall), il fait le tour de la ville pour distribuer dans les rues des produits désinfectants. Tout ceci dans une ambiance qui n'a rien à envier à des activités politiques dans ce contexte si sensible de forte progression du virus. Et c'est pratiquement le cas dans presque toutes les localités du pays.
Autant de faits qui n'ont pas manqué d'attirer l'attention des observateurs de la scène politique. Dans une contribution intitulée "Coronavirus et l'opportunisme politicien", Moustapha Diakhaté, ancien ministre-conseiller du président Macky Sall, a fait remarquer, pour s'en offusquer, qu'"en ces moments d'interdiction de regroupements de masse, de distanciation des individus, c'est une grave contradiction de laisser des politiciens organiser des rassemblements ostentatoires, sous le regard des caméras de télévision, de remise de produits et matériels de protection".
L'ancien parlementaire d'indiquer que "ces cérémonies représentent un puissant appel à l'incivisme et à la défiance à l'autorité de l'État". Car, rappelle Diakhaté, "l'arrêté ministériel relatif à l'interdiction de rassemblements est une disposition d'ordre public qui s'impose à tous les Sénégalais".
Interpellé sur les rassemblements des responsables politiques pour la remise de dons, le Dr. Momar Thiam, expert de la communication politique, considère que ce nouveau modus operandi est "contre-productif" parce que, dit-il, c'est juste l'effet médiatisation qui est recherché dans un contexte où les rassemblements sont interdits à cause de la prolifération de la maladie.
"Clin d'œil politique"
"Aujourd'hui, le message qui est culminant, c'est comment faire pour contrer ce virus, c'est montrer avec pédagogie comment se prémunir de cette maladie. Que ça soit les membres de l'opposition ou du pouvoir, le contenu du message est plus important que celui qui le transmet, à savoir les médias", a-t-il fait savoir, soulignant avec insistance que la contribution est beaucoup plus importante que la symbolique.
"On est dans une situation de crise, de guerre qui demande des prises de position exceptionnelles", déclare le communicant. "Toute forme de communication qui va dans le sens de délivrer un message qui est utile pour les populations et qui renforce cette conviction selon laquelle la maladie est vraiment présente dans ce pays et peut entacher notre santé jusqu'à provoquer la mort, peut être considérée comme quelque chose de bien", ajoute M. Thiam.
Il reste convaincu que "nous, observateurs, pouvons quand même déceler un clin d'œil politique sur certains actes afin de mieux exister, d'être entendus. Et dans ce cas, on peut parler abusivement de récupération politique".
Toutefois, l'expert en communication politique pense qu'"il s'agit d'une concorde nationale". "Je ne pense pas que ce soit, a priori, une question de récupération politique. Mais il y en a qu'on n'a jamais entendu jusque-là et qui sont sortis de leur ornière pour se prononcer sur la question", tranche le docteur Momar Thiam.
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