Avec 10 lits disponibles et très peu de respirateurs au Sénégal, les cas graves de Covid-19 sont presque condamnés à la mort, si jamais le nombre grimpe. Car, au-delà du déficit de matériel, il se pose aussi un problème de ressources humaines dans la médecine d'urgence.
Le Sénégal a répertorié, ce lundi 30 mars, deux cas graves dont un sous assistance respiratoire. A cet effet, un site de réanimation a été aménagé à l'hôpital Fann, précisément au Centre chirurgical cardio-vasculaire. "Il a une capacité de 10 lits qui, actuellement, accueille les deux patients qui sont sévères", a laissé entendre le directeur du Centre des opérations d'urgence sanitaire (Cous) du ministère de la Santé et de l'Action sociale, Docteur Abdoulaye Bousso.
Autrement dit, à l'heure actuelle, le Sénégal ne peut pas prendre en charge plus de 10 cas graves. Et là encore, il y a des questions qui se posent sur cette supposée capacité d'accueil.
"Docteur Bousso a dit qu'il y a 10 lits. Mais est-ce qu'il y a 10 appareils respiratoires ? Parce que ce service n'était pas dédié au coronavirus. C'est un service consacré au fonctionnement de la chirurgie cardio-vasculaire. Aujourd'hui donc, ils ont bloqué les autres activités pour se concentrer sur les complications de la Covid-19", a lancé le médecin anesthésiste-réanimateur, Docteur Oumar Boun Khatab Thiam.
Médecin anesthésiste-réanimateur : "On n'a pas assez de machines !"
L'ancien chef du Bloc opératoire de l'hôpital Aristide Le Dantec a, ainsi, relevé le fait que le Sénégal ne dispose pas d'assez d'appareils de respiration artificielle pour prendre en charge les potentiels cas graves. "On n'a pas assez de machines ! Surtout dans ce contexte-là, il n'y a jamais assez, quel que soit le nombre", prévient-il.
Avant de souligner : "Supposons qu'on ait deux machines l'hôpital Fann et peut-être 100 malades mal-en-point. Et il faut savoir qu'il y a en aura. Ça veut dire qu'on ne peut pas mettre tous les malades sous respirateurs."
Quid de la commande de l'État du Sénégal de plus de 3 milliards de F CFA en appareils d'assistance respiratoire pour la prise en charge des cas graves ? Docteur Thiam est catégorique. Selon lui, quelle que soit la commande, cela ne suffira pas.
À ses yeux, les raisons sont simples : "La commande de l'État de 3 milliards de F CFA pour 15 millions d'habitants est loin d'être la solution. Ce n'est pas parce qu'on a des machines qu'on est à l'abri. Est-ce qu'on a le personnel suffisant pour les faire fonctionner ? Car ce n'est pas n'importe quel médecin qui sait les manipuler. Il faut qu'il soit bien formé. Il faut des spécialistes en anesthésie-réanimation ou bien un infirmier en anesthésie-réanimation", a renseigné le médecin anesthésiste-réanimateur.
Docteur Michel Yao de l'Oms : "Il faut maintenant penser au pire scénario"
Pourtant, le chef du Service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Fann, Professeur Moussa Seydi, avait déclaré qu'il y aura des difficultés énormes, si le nombre de cas positifs au coronavirus nécessitant une ventilation assistée est élevé. Depuis, le pays tarde à trouver des solutions à ces problèmes.
En plus, le responsable des Opérations de réponse pour l'Organisation mondiale de la santé (Oms), le docteur Michel Yao, a également déclaré que le Sénégal n'est prêt que pour la prise en charge des premiers cas de coronavirus. Il a fait cette déclaration lors de la réunion d'urgence des partenaires sur la préparation et la réponse à l'épidémie de la maladie Covid-19 dans la région africaine.
Selon lui, le minimum est fait au Sénégal. "Le Sénégal a un plan qui couvre tous les aspects, mais dans le cadre de ces urgences, c'est comment on arrivera à l'opérationnaliser dans toute sa grandeur. Si, par exemple, on a 100 cas graves, comment devrons-nous faire ? C'est mentionné dans le plan. Cependant, il faut aller à l'étape de mise en œuvre effective", a-t-il indiqué.
Docteur Michel Yao de signaler : "Nous sommes aux côtés des autorités sénégalaises pour avancer rapidement. Mais je peux dire qu'il y a le minimum en ce moment pour gérer les premiers cas. Il faut maintenant penser au pire scénario, à savoir si on arrive à une contamination massive et qu'on n'a pas les dispositions pour pouvoir faire face."
Ventilation contrôlée ou ventilation assistée
En outre, l'ancien chef du Bloc opératoire de l'hôpital Le Dantec a expliqué le fait d'être sous assistance respiratoire. A l'en croire, il y a deux modes respiratoires : la ventilation contrôlée ou la ventilation assistée. On peut aussi combiner les deux.
Pour le premier, c'est-à-dire la ventilation contrôlée, c'est quand le malade n'est pas capable de respirer et c'est la machine qui tourne. Pour le second, on l'assiste lorsque sa respiration est insuffisante. Dans ce cas, la machine va l'aider à compléter le déficit.
"À l'aide d'une machine, on assiste la respiration du patient. Ce dernier n'arrive plus à respirer ou bien sa respiration n'est pas suffisante pour assurer une hématopoïèse correcte. La fonction du poumon, c'est d'absorber les oxygènes et de rejeter le gaz carbonique. Donc, c'est pour assurer les fonctions attendues", a-t-il soutenu. Ainsi, le malade est mis sous machine.
Dr Thiam : "J'ai toujours misé sur la prévention… Maintenant, on est débordé"
Sachant que la machine est capitale pour la survie des malades et que le déficit est déjà énorme, il reste à savoir pour combien de temps un malade reste sous respiration, afin que d'autres puissent être sauvés.
La durée du programme obéit à des critères hémodynamiques (qui se rapportent aux conditions mécaniques de la circulation du sang), biologiques entre autres. "Le délai est difficile à fixer. Il va falloir laisser évoluer le fonctionnement pour savoir si le malade a une autonomie ou non", répond l'anesthésiste-réanimateur.
À ce propos, docteur Oumar Boun Khatab Thiam de faire remarquer que depuis le début de la maladie Covid-19, son message a toujours été dans la prévention. "J'ai toujours misé sur la prévention. Malheureusement, on est maintenant débordé. La France, l'Allemagne, l'Espagne, tout le monde est débordé, alors que ces pays de l'Europe ont plus de moyens que nous. Mais, aujourd'hui, chacun est préoccupé par son propre sort. C'est l'hécatombe dans le monde", lâche-t-il.
Ce qui reste à faire au Sénégal, pour le médecin, est de continuer la sensibilisation en vue d'arrêter la contamination, surtout celle issue de la communauté pour réduire les dégâts.
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