Accident, noyades : Y en a… morts du tâtonnement !

Imaginez un instant que votre médecin vous dise qu’il faudrait, désormais, se garder de dormir de la nuit, tout simplement parce que les accidents vasculo-cérébraux, AVC, sont devenus des tueurs en série ! Cette ordonnance prescrite porte les germes de l’impuissance et/ou de l’émotion devant le désarroi des familles face à une question de santé publique. Et les accidents de la route sont une bien cruciale question de santé publique. Pas moins de trois cents voyageurs laissent leur vie, chaque année, sur le bitume. Le dernier sinistre en date, sur la route de Tamba, à hauteur de Kaffrine, a jeté l’émoi chez ce peuple sénégalais. Il s’est réveillé, mercredi dernier, avec des récits d’apocalypse propres à donner des nœuds à l’estomac aux âmes sensibles. Une véritable boucherie sur l’asphalte pourtant réhabilitée il y a quelques mois, grâce à un appui financier de l’Union européenne. Naguère, le prétexte tout trouvé était l’état désastreux de la route Tamba-Dakar très fréquentée par les gros porteurs allant vers la Guinée et le Mali.

Le ministre de l’Intérieur, Mbaye Ndiaye, a fait le déplacement. Ce qui est une très bonne chose. Les gouvernants sont appelés, dans une démarche de rupture, à se rapprocher des gouvernés. Au-delà du dialogue politique entre organisations convoitant l’exercice du pouvoir, la concertation permanente avec le peuple passe par la qualité d’écoute et la compassion. La solution préconisée par le ministre laisse, elle, à désirer : revoir les voyages de nuit ! L’argument principal relève d’un constat : les drames, sur les routes, ont cours lorsque la nature et les hommes sont couverts du manteau vespéral. Il s’agit tout simplement d’une réaction émotionnelle. L’impréparation est manifeste. Un ministre n’est pas obligé d’annoncer tout de suite des mesures à incidences sociales et économiques considérables. Interdire les voyages de nuit revient à remodeler le fonctionnement de tout le système des transports. Les réseaux d’« Horaires » sont appelés à réorganiser les ressources humaines, reprogrammer leurs itinéraires, rationaliser les déplacements pour tenir sur une journée. Il faudra, pour cela, soit acquérir de nouveaux bus pour faire face aux rotations simultanés en diurne et sur différentes destinations.

Cette réforme toucherait aussi une niche économique importante : les convois de marchandises du Port autonome de Dakar vers l’hinterland malien. Ce pays sans façade maritime a des dépôts à Dakar et une gare routière vers Bargny pour les gros porteurs. Si Dakar n’offre pas les chances optimales de faire des navettes de jour comme de nuit, l’axe Abidjan, grippé un moment par l’instabilité politique dans la première économie de l’UEMOA, reprendra du service en redevenant plus attrayant. Cela mettrait à l’eau les efforts consentis par les autorités portuaires dans une perspective de compétitivité. Enfin, une telle disposition pourrait aller à l’encontre des dispositions de l’espace communautaire, notamment la libre circulation des biens et des services. Qui disait qu’il faut bien tourner sa langue… On comprend pourquoi le ministre des Infrastructures et des Transports, Mor Ngom, sur le plateau de la RTS,  n’a pu aller au-delà du mot « mesures » pour donner la position du Gouvernement.

Le ministre Mbaye Ndiaye a fait une annonce sur une autre question cruciale. A la Une du journal « Le Quotidien », il a dit : « l’été sera meurtrier ». Rassurez-vous, il ne parle pas d’une pénurie absolue de farine, de sucre et de riz. Il évoque les noyades. Bien. Mais qu’est-ce qu’un Gouvernement doit faire entre la prévention et l’annonce presque résignée ?