Que s’est-il passé le 1er
décembre 1944 dans le camp militaire de Thiaroye, près de Dakar au
Sénégal ? Quatre-vingt ans après les faits, le documentaire "Thiaroye
44" se penche sur ce massacre de tirailleurs, rapatriés au Sénégal après
avoir combattu pour la France durant la Seconde Guerre mondiale. Marie
Thomas-Penette et François-Xavier Destors suivent trois jeunes artistes
originaires de Thiaroye qui, par devoir de mémoire, explorent avec
l’aide d’un historien les zones d’ombre de ce drame.
En novembre 1944, la France est peu à peu libérée de l’occupant nazi. Après quatre années de guerre, 1 300 tirailleurs ouest-africains sont rapatriés par l’armée française à Thiaroye, dans un camp militaire de la banlieue de Dakar. Ils réclament le paiement de leurs soldes de captivité ainsi que diverses primes qui ne leur ont pas été versées. Le 1er décembre à l’aube, des coups de feu éclatent dans le camp. L’armée française évoque une mutinerie qu’elle a dû réprimer dans le sang. Pourtant, de nombreuses zones d’ombre demeurent. On ne sait toujours pas combien ont été tués, ni où ils sont enterrés.
Il y a dix ans, en 2012, le président François Hollande s’était rendu pour son premier voyage officiel en terre africaine dans le petit cimetière militaire de Thiaroye. Son discours avait fait l’effet d'une bombe politique. "Une répression sanglante", avait-il affirmé au sujet des tirailleurs tombés sur ce sol, le 1er décembre 1944, sous les balles de leurs frères d’armes français. Pour la première fois depuis près de 70 ans, la version officielle de l’histoire des événements de Thiaroye était remise en question.
Jusqu’ici, "l’affaire de Thiaroye" était considérée comme une "rébellion lourdement armée et une prise d’otage" ayant nécessité une "riposte" au bilan funeste de 35 morts et 35 blessés. En 2014, en marge du sommet de la Francophonie, le président français évoquait encore "un événement épouvantable, insupportable". Il remettait en grande pompe au président Macky Sall une copie des archives liées à l’évènement. Une commission d’historiens avait même été nommée pour faire enfin la lumière sur ce crime emblématique de l’injustice coloniale. Il n’en a rien été. Rien n’a filtré de ces archives et personne ne s’en étonne. Les élites politiques et scientifiques semblent, au Sénégal comme en France, avoir tourné la page. Le nombre des victimes reste indémontrable. La fosse commune où elles sont enterrées est introuvable. Comme si la mémoire de ces soldats était toujours enfouie, voire dissimulée, dans des rapports de domination qui perdurent.
Pourtant, les faits ne semblent aujourd’hui plus contestables : il s’agit d’un massacre colonial, de l’assassinat prémédité par leurs supérieurs de plusieurs dizaines, voire centaines, de tirailleurs désarmés qui réclamaient le paiement de leurs salaires de combattants. Un crime sans images tombé dans l’oubli, le plus grand crime de masse de l’histoire du Sénégal contemporain. Le premier d’une longue série commise par l’armée française à l’issue de la Seconde Guerre mondiale : Sétif en Algérie, Madagascar, Côte d’Ivoire, Cameroun... Parce que la France estimait ne plus avoir besoin de ses "troupes de couleur", parce qu’il fallait les exclure du récit national, restaurer l’ordre colonial, au mépris de ses valeurs et de ses promesses d’égalité.
Trois jeunes artistes
Aïcha écrit des pièces de théâtre, Magui est une étoile montante du rap, Babacar est comédien. Tous les trois ont grandi à Thiaroye, cette banlieue populaire qui vibre au rythme des cultures urbaines comme le rap, le slam ou le graffiti. Le camp colonial abrite toujours une présence militaire mais une ville s’y est développée dans l’anarchie. Les traces de l’histoire y sont éparses : quelques ruines des baraquements, des portraits de tirailleurs peints sur les murs, un cimetière militaire aux tombes vides délaissé au bord d’une autoroute, l’école des "Martyrs" où les jeunes retrouvent, parfois, des douilles dans le sable. Lorsqu’ils déambulent dans les rues de Thiaroye, peut-être marchent-ils sur leurs cadavres ? Ensemble, ils partent sur leurs traces et cherchent à comprendre ce qui s’est réellement passé.
Guidés par Martin Mourre, un jeune historien spécialiste du massacre qui poursuit en parallèle son travail d’enquête, ils plongent dans les contradictions des archives militaires. Ils rencontrent Biram Senghor, le fils d’un des tirailleurs assassinés qui se bat jusqu’à aujourd’hui pour obtenir réparation, ou encore Dialo Diop, l’une des grandes figures militantes du Sénégal, pour se confronter aux nœuds qui enserrent le récit de ce massacre. La vérité semble parfois tangible et, pourtant, toujours elle se dérobe. La mémoire, elle, se perpétue à travers les performances artistiques d’Aïcha, de Magui et de Babacar.
Le film entend combler un vide important : il n’existait à ce jour aucun documentaire consacré au massacre des tirailleurs de Thiaroye. Un seul film – de fiction – a échappé aux griffes de la censure, "Camp de Thiaroye" d’Ousmane Sembène, couronné à la Mostra de Venise en 1988 mais interdit en France pendant près de dix ans, comme les rares œuvres culturelles qui ont tenté de perpétuer cette mémoire. Ce film participe au même élan, celui d’une histoire partagée entre la France et ses anciennes colonies, entre les générations, les genres, les arts. Il n’a pas l’ambition de faire toute la lumière sur les béances de cette histoire, mais de briser le silence et l’ignorance en dévoilant une mémoire encore bien vive, notamment pour la jeunesse d’aujourd’hui. S’interroger sur le drame de Thiaroye, c’est mettre le doigt dans la mécanique de la violence coloniale et questionner sa résurgence.
En novembre 1944, la France est peu à peu libérée de l’occupant nazi. Après quatre années de guerre, 1 300 tirailleurs ouest-africains sont rapatriés par l’armée française à Thiaroye, dans un camp militaire de la banlieue de Dakar. Ils réclament le paiement de leurs soldes de captivité ainsi que diverses primes qui ne leur ont pas été versées. Le 1er décembre à l’aube, des coups de feu éclatent dans le camp. L’armée française évoque une mutinerie qu’elle a dû réprimer dans le sang. Pourtant, de nombreuses zones d’ombre demeurent. On ne sait toujours pas combien ont été tués, ni où ils sont enterrés.
Il y a dix ans, en 2012, le président François Hollande s’était rendu pour son premier voyage officiel en terre africaine dans le petit cimetière militaire de Thiaroye. Son discours avait fait l’effet d'une bombe politique. "Une répression sanglante", avait-il affirmé au sujet des tirailleurs tombés sur ce sol, le 1er décembre 1944, sous les balles de leurs frères d’armes français. Pour la première fois depuis près de 70 ans, la version officielle de l’histoire des événements de Thiaroye était remise en question.
Jusqu’ici, "l’affaire de Thiaroye" était considérée comme une "rébellion lourdement armée et une prise d’otage" ayant nécessité une "riposte" au bilan funeste de 35 morts et 35 blessés. En 2014, en marge du sommet de la Francophonie, le président français évoquait encore "un événement épouvantable, insupportable". Il remettait en grande pompe au président Macky Sall une copie des archives liées à l’évènement. Une commission d’historiens avait même été nommée pour faire enfin la lumière sur ce crime emblématique de l’injustice coloniale. Il n’en a rien été. Rien n’a filtré de ces archives et personne ne s’en étonne. Les élites politiques et scientifiques semblent, au Sénégal comme en France, avoir tourné la page. Le nombre des victimes reste indémontrable. La fosse commune où elles sont enterrées est introuvable. Comme si la mémoire de ces soldats était toujours enfouie, voire dissimulée, dans des rapports de domination qui perdurent.
Pourtant, les faits ne semblent aujourd’hui plus contestables : il s’agit d’un massacre colonial, de l’assassinat prémédité par leurs supérieurs de plusieurs dizaines, voire centaines, de tirailleurs désarmés qui réclamaient le paiement de leurs salaires de combattants. Un crime sans images tombé dans l’oubli, le plus grand crime de masse de l’histoire du Sénégal contemporain. Le premier d’une longue série commise par l’armée française à l’issue de la Seconde Guerre mondiale : Sétif en Algérie, Madagascar, Côte d’Ivoire, Cameroun... Parce que la France estimait ne plus avoir besoin de ses "troupes de couleur", parce qu’il fallait les exclure du récit national, restaurer l’ordre colonial, au mépris de ses valeurs et de ses promesses d’égalité.
Trois jeunes artistes
Aïcha écrit des pièces de théâtre, Magui est une étoile montante du rap, Babacar est comédien. Tous les trois ont grandi à Thiaroye, cette banlieue populaire qui vibre au rythme des cultures urbaines comme le rap, le slam ou le graffiti. Le camp colonial abrite toujours une présence militaire mais une ville s’y est développée dans l’anarchie. Les traces de l’histoire y sont éparses : quelques ruines des baraquements, des portraits de tirailleurs peints sur les murs, un cimetière militaire aux tombes vides délaissé au bord d’une autoroute, l’école des "Martyrs" où les jeunes retrouvent, parfois, des douilles dans le sable. Lorsqu’ils déambulent dans les rues de Thiaroye, peut-être marchent-ils sur leurs cadavres ? Ensemble, ils partent sur leurs traces et cherchent à comprendre ce qui s’est réellement passé.
Guidés par Martin Mourre, un jeune historien spécialiste du massacre qui poursuit en parallèle son travail d’enquête, ils plongent dans les contradictions des archives militaires. Ils rencontrent Biram Senghor, le fils d’un des tirailleurs assassinés qui se bat jusqu’à aujourd’hui pour obtenir réparation, ou encore Dialo Diop, l’une des grandes figures militantes du Sénégal, pour se confronter aux nœuds qui enserrent le récit de ce massacre. La vérité semble parfois tangible et, pourtant, toujours elle se dérobe. La mémoire, elle, se perpétue à travers les performances artistiques d’Aïcha, de Magui et de Babacar.
Le film entend combler un vide important : il n’existait à ce jour aucun documentaire consacré au massacre des tirailleurs de Thiaroye. Un seul film – de fiction – a échappé aux griffes de la censure, "Camp de Thiaroye" d’Ousmane Sembène, couronné à la Mostra de Venise en 1988 mais interdit en France pendant près de dix ans, comme les rares œuvres culturelles qui ont tenté de perpétuer cette mémoire. Ce film participe au même élan, celui d’une histoire partagée entre la France et ses anciennes colonies, entre les générations, les genres, les arts. Il n’a pas l’ambition de faire toute la lumière sur les béances de cette histoire, mais de briser le silence et l’ignorance en dévoilant une mémoire encore bien vive, notamment pour la jeunesse d’aujourd’hui. S’interroger sur le drame de Thiaroye, c’est mettre le doigt dans la mécanique de la violence coloniale et questionner sa résurgence.
14 Commentaires
En tout cas, n'immaginez qu'on sera un jour respecté avec ces gouvernement suceur de la France qui se succède, ces vendus indignes qui méritent eux, d'etre bien fusillé !
Reply_author
En Mai, 2022 (21:26 PM)Le peu que je sais sur l'histoire de mon pays je le tiens dès émissions de radio.
Le très peu que je sais du massacre de Thiaroye, je le tiens d'une chanson de Ouza et ses ouvertes.
Par contre, sur la Grèce antique et sur l'Égypte, j'en ai plus que bouffé. En plus, j'étais fou amoureux de ma prof donc j'apprenais bien pour lui faire plaisir.
Reply_author
En Mai, 2022 (08:55 AM)Je ne comprends pas votre allusion. Je ne vois pas ce que "noir" vient faire dans cette affaire. Mon comparatif porte simplement sur le fait qu'on nous a toujours enseigné l'histoire des autres et pas la nôtre. Apparemment, nous n'avez pas saisi la nuance mais ce n'est pas grave.
Quant à savoir si j'étais bon élève ou pas, je préfère simplement vous répondre ceci: "il ne faut jamais affirmer ce dont on n'est pas sûr". Même si je suis encore "crétin" à 60 ans passés, je n'en demeure pas moins courtois et poli, cela s'appelle "éducation". Bon dimanche quand même!
Reply_author
En Mai, 2022 (23:34 PM)Mon regretté papa était le genre de rebelle qui vivait au milieu des militaires français et surtout très respecté !
C'était le genre d'officier africain qui n'aimait pas l'injustice et qui n'hésitait à prendre partie pour ses frères africains ... lorsque certains fachos de militaires français se comportaient d'une manière inhumaine envers les anciens tirailleurs sénégalais qui étaient dans le camp de Thiaroye.
Mon père faisait partie des anciens combattants qui faisaient partie du bataillon du général Foch , il était brigadier-chef et avait une compagnie de tirailleurs sénégalais sous sa responsabilité. D'après les récits d'anciens compagnons de bataille...il était admiré et respecté par tous , militaires français compris.
Il a combattu 14/18 et 39/45 et après la libération ...il a était affecté au camp militaire de Thiaroye.
Toujours d'après les récits de ses camarades d'anciens tirailleurs sénégalais...mon père était vraiment un sous-officier qui savait se faire respecter et qu'il n'hésitait à haranguer certains officiers militaires français quand il constatait des comportements racistes vis à vis des anciens tirailleurs sénégalais dans le camp militaire de Thiaroye.
Un de ses anciens camarades tirailleurs.. décédé en 1968 , m'a raconté une histoire sordide le concernant.
D'après ce regretté père...mon père a piqué une crise énorme... lorsqu'il a découvert qu'un ancien tirailleur sénégalais avait été bastonné par des militaires français , suite à un refus d'obtempérer à un ordre reçu de la part d'un officier supérieur français. Il paraît qu'il est allé directement secouer l'officier en question et a menacé d'envoyer un rapport au Général De Gaulle ...des exactions commises par des militaires français dans le camp militaire de Thiaroye.
Parlant du Général De Gaulle , il avait reçu en son temps à l'Elysée...des officiers et sous-officiers d'anciens combattants , mon père en faisait partie ( j'ai toujours les photos ).
C'est donc suite à cette histoire...qu'il a préféré demander son affectation au service d'hygiène de Dakar , où il a servi jusqu'à sa retraite définitive.
Heureusement que le massacre des 40 ou plus d'anciens combattants tirailleurs sénégalais...ne l'a pas trouvé là-bas !
Car au vu de ce qu'on m'a raconté de lui...il ne laisserait pas faire... quitte à y laisser sa vie !
C'est la première fois que je raconte cette mémorable histoire concernant mon regretté père !
Un père dont j'étais fier de porter le nom BA ...son vrai Nom était Mamadou Ousmane Ba plus connu sous le nom de Oumar Diackel né en 1895.... décédé en 1962 !
Paix à son âme !!!
886
En Mai, 2022 (23:29 PM)Xorom
En Mai, 2022 (11:07 AM)Diomi
En Décembre, 2023 (18:43 PM)Il faut une enquête sur le bateau le diola aussi.
Senegalais Authentique
En Décembre, 2023 (19:25 PM)Mon grand_père,avant son décès,épprouvait un ressenti incommensurable,un mal teinté d incompréhesion.
Il ne pouvait pas comprendre que des etres humains puissent retourner leurs armes contres d autres fréres d armes dont certains avaient été enrolés de force,contre leurs volontés et celles de leurs parents.Il nous raccontait l histoire de 2 tirailleurs fils uniques de leurs géniteurs arrachés comme des animaux ,envoyer comme chair a canon face aux allemands puis assassinés au retour.QUEL CYNISME DE LA FRANCE.
Il est absolu que la France devienne la colonie de ses colonies,que toutes les ex colonies de la France fassent bloc afin de réparer toutes les humiliations,les injustices,les massacres et les déportations subies par ce colonisateur monstrueux.
D ailleurs le pire viendra de l intérieur de ce pays qui prétend condamner les haines alors qu il les crée,les nourrit et les entretien par toute sorte d injuistices.
Le Vrai
En Décembre, 2023 (20:51 PM)Le Vrai.
Reply_authororadour Sur Gllane
En Décembre, 2023 (21:41 PM)Reply_authororadour Sur Gllane
En Décembre, 2023 (21:41 PM)Da
En Décembre, 2023 (21:46 PM)Participer à la Discussion