"Faire un album, c'est comme mettre un enfant au monde"
Inspiration : "Confectionner un album peut-être simple et compliqué à la fois. Une fois que vous avez les titres, les mélodies et les textes, c'est de l'inspiration. Elle peut venir de partout, la nuit comme le jour. Dans mon cas, les mélodies me viennent plus pendant la nuit. Généralement, lorsque je propose au reste du groupe les maquettes, je chante tout doucement car, j'évite de réveiller mon épouse et les enfants. C'est après que tout ceci est en place qu'on peut prétendre faire un album. Les arrangements, l'enregistrement, la production viennent après. Seulement pour moi, tant que la première phase n'est pas acquise, je n'ai pas d'album. Elle vient naturellement, on ne la force pas. Faire un album pour moi, c'est comme mettre un enfant au monde. C'est vous dire à quel point, c'est important pour moi. Une chanson peut paraitre insignifiante par rapport à un enfant mais, pour moi, c'est comme si je sortais quelque chose en moi. La famille est le premier public à écouter, à faire des appréciations, des critiques. C'est grâce à elle et à l'entourage immédiat que tu peux rectifier certaines choses. Une fois qu'il est sur le marché, il ne t'appartient plus."
World Music : "Il y a une différence entre un opus local et un international. C'est comme si tu parlais le Wolof et le Français. Avec cette dernière, on peut s'exprimer au delà de nos frontières. C'est comme l'Anglais. Au début de ma carrière, je ne cherchais qu'à me faire un nom au Sénégal. Donc, il était normal que la langue utilisée soit le Wolof. Fort heureusement, ma notoriété est allée au delà du Sénégal. J'ai commencé à voyager. Vers les années 90, la World Music est née. Je me suis engouffré dans la brèche comme nombre d'artistes. Pour ce faire, il fallait chanter dans d'autres langues. Je me suis donc ouvert à l'international et par la grâce de Dieu, on m'écoute partout dans le monde. Suivant les pays ou les endroits où je joue, je m'adapte et je sais à peu près le style de musique dont le public a besoin. A force, c'est l'expérience qui parle. D'autant plus que nous avons un répertoire très riche et varié de plus de 400 morceaux, n'importe quel public peut y trouver son compte. Les gens ont tendance à se tromper sur une chose, en pensant que l'international ne concerne que les Blancs. Chez nos voisins du Mali, de la Mauritanie ou de la Gambie, c'est aussi l'international. Au minimum, nous avons parcouru le continent africain au moins 5 fois avant d'aller vers le reste du monde. Ce qu'il faut savoir, c'est que c'est tout un processus. Cela a commencé par le Sénégal, la sous-région et ensuite l'Europe, l'Asie, les Etats-Unis etc…"
"Je ne sais pas danser, mais je sais écrire les rythmes"
Charles Diop : "Il était un père pour nous. Il avait le sens et une rigueur sans pareil dans le travail. C'est lui qui est le fondateur du groupe "Diamono" par laquelle nous sommes passés."
Moussa Diallo : "C'était un ingénieur de son. A l'époque, c'est lui qui enregistrait nos albums. Il habitait à Thiès et possédait le seul magnétophone qui pouvait le faire. Il se déplaçait à Dakar et après avoir enregistré, il retournait sur ses pas. Il nous a beaucoup marqué. Puisse son âme reposer en paix…"
Marc Samb : "Lui aussi n'est plus de ce monde. C'était un grand trompettiste. Dès le départ, il a fait partie de ceux qui ont participé à la mise en place du Super Etoile. C'est le père de Youssou Samb qui travaille à la Tfm."
Alla Seck : "Pour moi il était une étoile parmi les étoiles, un danseur extraordinaire. Il occupait une grande place au sein du groupe. Il me répétait tout le temps que je n'étais pas un bon danseur, mais que mes rythmes se trouvaient à travers mes mots. Je ne danse pas mais, je sais écrire les rythmes. Pour en revenir à Alla Seck, à la base, il était un tailleur. Il a quitté son domicile pour venir s'installer à la maison. Nous allions jouer jusqu'au petit matin et lorsque nous rentrions, les clients étaient là, à l'attendre parce qu'il avait pris leurs avances. On a vécu de belles choses avec lui. Quand nous sommes allés en France pour la première fois, alors que nous avions une discussion un peu houleuse, il m'a dit : "Ici tu n'es personne." Il nous a beaucoup fait rire. Franchement, Alla, au delà de l'artiste, était un ami, un frère. Son talent était incommensurable. Les Pape Moussa Sonko qui font actuellement la pluie et le beau temps, ne lui arrivent pas à la cheville."
Maguette Dieng : "C'était le premier batteur de l'Etoile de Dakar, un très grand musicien, généreux. Il a aussi marqué d'une belle empreinte notre formation musicale."
"Si les retrouvailles avec Habib n'avaient pas eu lieu avant sa mort, cela aurait été plus difficile"
Habib Faye : "Lorsque je faisais la connaissance d'Habib, c'était en compagnie de ses frères Moustapha Faye, Feu Adama Faye et Ibou Cissé, claviériste. Adama m'a alors suggéré qu'on travaille ensemble. Je lui ai proposé de créer une seconde formation. Beaucoup de chansons sont nées de cette collaboration-là. Et la première fois que j'ai entendu Habib Faye jouer, nous nous apprêtions à partir à Paris dans le cadre d'une prestation avec Africa Fête. J'étais tellement subjugué que je lui ai demandé sur le champ de venir avec nous. On l'a embarqué dans la tournée et par la suite, je lui ai dit de concentrer son énergie dans la musique, car un grand avenir lui y était promis. C'est comme ça qu'il a lâché ses études pour venir habiter avec moi. Ses parents étaient tous d'accord pour dire que j'étais son grand-frère. Avec lui, nous avons fait des réalisations hors normes dans la musique. Habib était un génie et avait beaucoup de volonté. Il avait énormément d'estime pour moi. Lorsqu'il y a eu un break entre lui et le Super-Etoile, certains ont parlé de malaise entre nous. Ce n'était pas le cas. Lui et Jimmy Mbaye avaient fait le choix de mener une carrière solo. D'ailleurs, j'ai même chanté dans l'un des albums d'Habib. Quand ils ont senti le besoin de revenir, cela s'est fait naturellement. Heureusement que nous nous sommes retrouvés avant sa disparition. Autrement, cela aurait été plus difficile. Je rends grâce à Dieu. La vie est un passage et Habib restera à jamais gravé dans nos mémoires. Un grand musicien au grand cœur."
"Grâce à ma musique, j'ai fait le tour du monde plus de 6 fois"
Groupe futurs médias: "Grâce à la musique, j'ai pu mettre sur orbite la radio Sports Fm. C'était un investissement sur fonds propres. Cet argent, je l'ai gagné à la sueur de mon front et il a permis de payer des salaires à des agents. C'est cette même radio qui a donné naissance au Groupe futurs médias aujourd'hui, fleuron dans le paysage médiatique qui compte près de 500 salariés."
Faire annuler la dette des pays pauvres : "La musique m'a aussi donné l'opportunité de faire le tour du monde plus de six fois. J'ai vu toutes sortes de sommités internationales dans ma carrière. D'ailleurs, ces rencontres m'ont permis de faire partie de ceux qui ont réussi à faire annuler la dette des pays pauvres. J'ai insisté auprès du défunt président français Jacques Chirac et de Lionel Jospin afin qu'ils passent là-dessus."
Rencontre à la Maison blanche : "Vous voyez souvent mes clichés avec des politiques de la trempe de Georges Bush, Angela Merkel et consorts. C'est eux qui le sollicitent et dans ces cas, il ne faut pas juste se contenter de prendre la pose. Il faut en profiter pour leur parler des choses sérieuses qui préoccupent l'Afrique. Toujours par la musique, j'ai pu accéder à la Maison blanche, m'entretenir dans le bureau ovale avec Georges Bush. En ce temps-là, je lui en voulais car, les Etats-Unis qu'il présidait, étaient en conflit avec l'Irak. J'ai même fait annuler 60 concerts que je devais tenir aux USA avec le Super-Etoile à cause de ça. J'ai perdu énormément d'argent mais, cela m'était égal. Lors de mon entretien avec lui, j'ai mis de côté mes états d'âmes et nous avons pu lui faire donner une contribution assez considérable pour la lutte contre le paludisme, le sida et la tuberculose en Afrique. Il est certes l'un des présidents américains qui a commis le plus d'erreurs mais, son apport pour l'Afrique n'est pas négligeable."
Professeur à l'Université de Yale : "Toujours grâce à la musique, à la prestigieuse Université de Yale en Amérique, j'ai été élevé au rang de professeur. Le Musée des civilisations noires où nous nous trouvons actuellement, c'est le fruit de ma musique. J'ai intégré le Gouvernement sénégalais en 2012 avec le Président Macky Sall. On a trouvé que sous le magistère de Wade, parmi ses réalisations, il y avait le Grand-Théâtre. Et parmi les premiers dossiers qui ont été soumis à mon appréciation, il y avait ce musée. La question était de savoir s'il fallait le maintenir ou pas. J'ai pesé de tout mon poids pour qu'il soit maintenu et le chef de l'Etat m'a fait confiance. Avec la coopération chinoise, le musée est aujourd'hui sur pied. J'ai beaucoup appris de la vie. La musique m'a aussi apporté des échanges avec moult institutions internationales grâce à quoi, le Forum de Dakar qui regroupe des investisseurs, a pu se tenir l'année dernière sous nos cieux. J'ai un profond respect pour la musique, ce n'est pas un jeu comme peuvent le penser certains. Elle a fait de moi, ce que je suis…"
"J'étais certain que la chanson Nay allait faire des mécontents."
"Réseaux sociaux" : "Ce morceau est inspiré du vécu de la société. Nous sommes des êtres à part entière. A travers nos textes et nos voix, on raconte ce qu'on vit. Ce qui se passe sur les réseaux sociaux, si je devais l'imager ce serait comme une Ferrari. C'est une voiture d'exception et qui fait partie des plus chères et rapides au monde. Faisant référence aux réseaux sociaux, je dirais que c'est une Ferrari, à la portée de tout le monde. Tout le monde a la même vitesse et chacun est libre de rouler comme il veut. Tout dépend de la personne. Si quelqu'un prend le pari de rouler à tombeau ouvert, sans mettre la pédale douce, s'il se crashe, ce sera de sa faute. C'est dire qu'Internet est un puissant levier de communication mais, il faut savoir l'utiliser à bon escient. J'ai une fois entendu une personnalité dire que "si le mal n'existait pas, le bien ne serait pas de ce monde". C'est ainsi que va le monde, il faut vivre avec ça et avoir de la mesure dans toute chose."
"Nay" : " Lorsque je sors des chansons, je cherche à inspirer ceux qui m'écoutent. J'étais certain que cette chanson allait faire des mécontents. J'avais même dit que certains allaient botter en touche, pour dire que je n'ai plus rien à chanter. Et c'est ce qui est intéressant dans l'histoire. On ne subit pas l'actualité, on la crée. J'ai vu les nombreux commentaires qui ont accompagné la sortie de ce single. Il y a deux ans avec "Bodio bodio", c'était pareil. Mais dans tout ça, le morceau "Nay" n'est que le reflet de la réalité. Un homme pingre n'est pas du tout facile à vivre. J'ai été inspiré par un ami qui est malheureusement dans ce cas. Pour vous dire à quel point : même les papiers toilettes, il veille à ce que ses enfants ne les gaspillent pas…"
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