Les combats finis, la Croix-Rouge locale sillonne les rues pour ramasser les corps abandonnés.
Trois jours après l’arrestation de Laurent Gbagbo, qui a mis fin à la bataille d’Abidjan et à quatre mois de crise politique, on trouve toujours des cadavres dans les rues de la capitale économique ivoirienne. On y meurt toujours aussi. C’est la Croix-Rouge locale qui est chargée de ramasser les corps, avec l’aide des pompes funèbres. Un travail qui s’effectue quartier par quartier. «Il est trop tôt pour faire un bilan, dit le docteur Nioulé, qui dirige l’opération. Le but est de rendre à ces morts un peu de dignité.»
Odeur. Hier, Frank Kodjo, de la Croix-Rouge, a conduit son convoi au Plateau, le quartier administratif. A midi, le fourgon avait déjà chargé 19 corps. Les résidents commencent à peine à sortir de chez eux. Ce sont eux qui indiquent où trouver les corps. Le fourgon s’arrête près de la banque Bicici. «On a trouvé 6 corps dans le sous-sol de ce bâtiment, dit Filani Bamba, des pompes funèbres. Tous tués par balles.» Selon les voisins, ce sont des vigiles des bâtiments alentour. «Certains sont là depuis le 31 mars», premier jour de la bataille. Personne ne dit qui a les tués, s’ils sont morts sur place ou s’ils ont été amenés après leur décès.
Une odeur pestilentielle émane de la camionnette. «Ils sont tous morts depuis au moins cinq jours.» Il y a là des civils, victimes de balles perdues, et des combattants. Mais aussi des personnes décédées chez elles et qui n’ont pas été enterrées à cause de l’insécurité. A l’ambassade du Mali, l’équipe récolte deux cadavres, deux réfugiés maliens d’à peine 20 ans. «L’un d’eux a été tué dans la rue alors qu’il se soulageait. Par des pro-Gbagbo», dit un voisin. Plus loin, sous le pont qui mène au Plateau, des cadavres sont encore étendus sur la route. Deux sont complètement carbonisés. D’après ses vêtements, le troisième, rongé par la vermine, pourrait avoir été un militaire. L’identification se fera plus tard.
L’équipe n’a pas ramassé de corps de personnes tuées récemment. Pourtant, elles existent. Hier, un journaliste a vu un cadavre dans un quartier huppé, où une patrouille des forces du nouveau président, Alassane Ouattara, avait été appelée après des tirs. Le tireur a été tué, et sa maison brûlée.
Confus. La justice pourrait être tout aussi expéditive pour ce prisonnier, ramené hier à l’hôtel du Golf, où réside toujours Ouattara. Il s’accuse d’avoir brûlé cinq personnes. Les soldats qui le houspillent laissent les journalistes internationaux s’approcher du pick-up où il se trouve, le nez en sang. Le prisonnier s’appelle Moïse Yaoué Lidé Daio. Comme Gbagbo, c’est un Bété de la région de Gagnoa, dans le centre-ouest. Il a 28 ans. Il dit être soldat de 1ère classe. Il donne même le numéro de sa Kalachnikov. Il avoue avoir brûlé, il y a deux mois, cinq personnes à Adjamé, sur l’ordre d’un jeune civil, qu’il dit être un dealer de drogue. Il égrène les prénoms de ses victimes, tous musulmans, tous dioula.
Ses propos sont confus, l’homme a peur pour sa vie. «Pourquoi as-tu brûlé des gens ?» lui lance un soldat. «C’est une malédiction, répond-il. Je regrette.»«On ne va pas te toucher parce que cela fait plaisir à notre Président qu’on vous arrête sans vous tuer», lui dit le sergent Ali Dioumada alors qu’un autre homme brandit son briquet. «Tu vas nous dire où trouver tes camarades.» Le sergent ordonne au pick-up de partir. «Il faut le tuer», disent les soldats entre eux en dioula, afin de ne pas être compris.
3 Commentaires
B
En Avril, 2011 (22:10 PM)Undefined
En Avril, 2011 (22:15 PM)Laa Galsenaiize
En Avril, 2011 (11:57 AM)Participer à la Discussion