Pour faire face à un besoin estimé à 15 000 instituteurs, le ministre béninois des Enseignements maternel et primaire, Salimane Karimou, met en œuvre un mouvement de réaffectation des postes.
Une ribambelle d’enfants en uniforme kaki balaie la cour ensablée de cette école primaire publique du quartier Fidjrossé, à Cotonou. Il est 7h30, le drapeau béninois est déjà hissé. L’école a débuté le 3 octobre et les habitudes sont prises. «Cette année, on a commencé à la date prévue, c’est bien», se réjouit Florent Finagnon, un des enseignants. Les élèves se pressent vers la «cantine», un abri en tôle où des femmes vendent le petit-déjeuner, bouillie, riz, pain. Puis ils rejoignent leur salle en s’inclinant au passage devant leur instituteur.
En CM2, Irène, 14 ans, est contente. «Je veux apprendre pour devenir quelqu’un», semble-t-elle réciter. Son camarade Noé, 13 ans, est redoublant. «Je vais bien travailler, j’ai raté le CEP à cause du français.» Le Certificat d’études primaires sanctionne les six années du cycle élémentaire. Les résultats ont été catastrophiques: moins de 40% de réussite. Contre 89% en 2015. Explication: les élèves n’ont pas été repêchés, comme c’était le cas avant. Cet échec a créé une onde de choc dans le pays, autrefois qualifié de quartier latin de l’Afrique.
«Voyez les effectifs, dit Nafissatou Mamoudou, la directrice, qui enseigne depuis vingt ans, en montrant les chiffres inscrits avec application à la craie sur un tableau noir. Au CP, 67, au CE1 77. 48 avec moi en CM2!» Avec 80% de réussite à l’examen, elle n’a pas eu à gérer un flot d’élèves. Mais elle n’a que 3 titulaires pour 6 classes. «Les parents d’élèves ont recruté 2 autres instituteurs et ils les payent en attendant que l’Etat envoie des fonctionnaires. Mais ils peuvent partir à tout moment, s’ils trouvent mieux.» Pour faire face à une pénurie de 15 000 instits, le ministre des Enseignements maternel et primaire, Salimane Karimou, ancien inspecteur, a pris le taureau par les cornes. «L’objectif, c’est qu’il n’y ait pas une classe sans maître. On s’est dit qu’il fallait gérer de manière rationnelle le personnel »,explique-t-il.
«J’ai beaucoup d’amertume»
D’autant plus, que l’éducation a des moyens: c’est 30% du budget national! Alors 219 enseignants, employés au ministère ou dans l’administration, ont été renvoyés dans les écoles. 3 000 autres ont été gagnés grâce à une meilleure répartition. Finis les 10 instituteurs pour 6 classes dans des zones résidentielles, alors qu’à côté, ils sont 3 pour le même nombre, laissant des enfants inoccupés. Et puis le ministre a obtenu l’organisation d’un concours pour recruter 3 601 enseignants. C’est un début.
L’accès à une bonne éducation est un enjeu majeur pour le président Patrice Talon, ancien homme d’affaires, élu en mars. L’instauration de la gratuité au primaire il y a dix ans a boosté le taux de scolarisation et permis aux filles d’aller à l’école. «Quelle scolarisation? s’interroge Paul, parent d’élève. Aucune formation ne doit être gratuite, on perd conscience de sa valeur.» Les enseignants pensent aussi que la gratuité à amener la démission des familles, dont certaines ne veulent même pas acheter les fournitures. «J’ai beaucoup d’amertume, reconnaît la directrice. Que vont devenir ces générations? Les enfants ont six ans d’école, mais c’est comme s’ils en faisaient trois.»
3 Commentaires
Anonyme
En Octobre, 2016 (16:27 PM)Anonyme
En Octobre, 2016 (16:46 PM)Anonyme Osil
En Octobre, 2016 (17:22 PM)Participer à la Discussion