Le Bangladesh vit une transition politique originale depuis le mois d’août 2024 et la chute de la Première ministre Hasina qui dirigeait de manière autoritaire le pays depuis plus d’une décennie. Un mouvement estudiantin a eu raison de ce régime et a conduit à la mise en place de cette transition, sous la conduite du Dr YUNUS, Prix Nobel de la paix grâce à son action dans la micro finance qui a sorti de la pauvreté des millions de ses compatriotes. La période politique actuelle combine subtilement l’humilité, la neutralité et la vérité pour conduire cette nation asiatique vers ce qu’il appelle « le nouveau Bangladesh ». Ce renouveau qui fait écho à la refondation africaine, fortement portée par la jeunesse et qui sert de ligne conductrice à certaines transitions en cours sur le Continent.
Cette période contient quelques spécificités qui sont utiles à savoir et à approfondir pour les transitions en cours en Afrique et, si par malheur cela devait encore intervenir, pour celles qui pourraient apparaître dans le futur.
La question de la durée de la transition constitue une des particularités du Bangladesh. Les autorités du pays ont décidé de ne pas fixer de durée à la transition. Elles ont plutôt fixé des objectifs, déterminé des actions de réforme à conduire ainsi que des changements à apporter au dispositif électoral qui conditionnent ainsi l’organisation de scrutins mettant fin à la transition. Elles ont fixé ce cadre en étroite collaboration avec les acteurs politiques et la société civile. Un dispositif de suivi évaluation complète le système et permet de situer les progrès et fixer ainsi le moment où le pays pourrait être prêt à engager les consultations électorales. Vue d’Afrique, où nos organisations régionales ont plutôt privilégié la fixation de la durée des transitions aux dépens de leur contenu, cela constitue indéniablement un progrès à intégrer et ouvre la perspective de dialogue avec les autorités des transitions. Le point clé de ce système est la création d’un consensus national au sujet du contenu de la transition, ce qui semble être le cas au Bangladesh.
La qualité des animateurs de celle-ci est sa seconde particularité positive, peut-être la plus significative. Des personnes aux compétences indiscutables dans les domaines concernés ont été choisies pour occuper des postes de responsabilité. Elles ont la particularité de n’être membres d’aucun parti politique et jouissent d’une neutralité connue dans le pays, ce qui est un point clé pour agir en tant qu’acteur d’une transition. Elles ont également été choisies pour leur probité et leur engagement pour le pays, en tant qu’activistes de la société civile dont l’engagement est civique mais non partisan. Tous sont, de ce fait, des responsables dénués d’ambition et qui s’engagent clairement à ne briguer aucun poste au moment des élections. Ils agissent sous la surveillance des étudiants, acteurs du changement et dont quelques responsables ont été nommés au sein de l’équipe de transition. Les forces armées assurent leur fonction dans le cadre d’une stricte neutralité. Ce dispositif, même s’il reste difficilement imaginable dans certains cas de transition en Afrique, reste tout à fait duplicable au moins en partie. Cela avait d’ailleurs été conseillé aux autorités maliennes de transition en septembre 2020. La meilleure manière d’obtenir l’inclusivité dans la conduite de la transition est de faire conduire l’exécutif par des responsables neutres et compétents.
Le rôle des partis politiques reste déterminant dans la mesure où la transition est une période politique particulière. Ils ne doivent pas se sentir exclus même s’ils ne sont pas associés à l’exécutif. C’est ce que le Bangladesh a réussi. Les partis, y compris celui renversé, ont été consultés dans la définition des objectifs de la transition, des étapes à mi-parcours ainsi que des outils d’évaluation et de suivi. Ils disposent ainsi, sans discrimination mais aussi sans favoritisme, d’un rôle consultatif et sont acteurs d’un cadre de collaboration avec les dirigeants de la transition.
Il est ainsi établi qu’il ne revient pas aux autorités de la transition de porter un jugement sur les acteurs politiques. Celui-ci revient au peuple, dans le cadre des prochaines élections, ou à la justice pour tous les actes éventuels commis en violation des règles.
Là encore, le modèle Bangladais tranche clairement avec ce que nous voyons ci et là sur le continent où les paroles et les actes des acteurs des transitions sont souvent très clivants alors qu’il est demandé aux pays de s’unir.
L’une des innovations remarquables de la transition au Bangladesh porte sur les attributs des institutions de transition. D’emblée, les autorités ont marqué le caractère exceptionnel de la période et ont soigneusement évité toute référence à un moment particulier de l’histoire du pays. Elles ont évité tous les titres et appellations classiques. Par exemple, le premier responsable du pays, dans un régime parlementaire, est le Premier ministre. Pour la transition, le Dr YUNUS qui la dirige de ce fait, a choisi de porter le titre de « Chief adviser », ce qui signifie clairement le « Premier conseiller » du Gouvernement. Chaque Ministre porte ainsi le titre de « adviser » de son ministère, soit de « conseiller », au lieu de Ministre. Dans la même veine, les budgets de fonctionnement de toutes les Institutions ont été très fortement réduits pour mettre l’accent sur la période exceptionnelle en cours. Vu qu’il n’y a ni Premier ministre, ni ministre, les avantages ont été conséquemment réduits y compris dans les services publics. Cette réalité, bien normale dans le contexte inhabituel d’une transition et dans un environnement où les ressources peuvent être limitées, paraîtra sans doute incongrue dans certains pays africains dont le Mali. Il convient cependant de l’intégrer, ce que certaines transitions africaines ont d’ailleurs essayé de suivre.
La dernière particularité intéressante et hautement positive de la transition bangladaise est qu’elle se considère comme une transition démocratique, destinée à instaurer une réelle et authentique démocratie dans le pays, ce qui rappelle la transition malienne de 1992 par exemple. En conséquence, là où le régime déchu avait restreint les libertés, la transition les ouvre. Là où de nombreux prisonniers d’opinion étaient enregistrés, la transition les a libérés. Là où de nombreux citoyens étaient contraints à l’exil, la transition leur a demandé de rentrer et de venir contribuer à l’édification d’un nouvel ordre socio politique de justice, de liberté, d’équité et d’unité. Le contraste est saisissant avec de nombreuses transitions africaines où on déplore des personnes emprisonnées pour leurs opinions, des acteurs politiques ou de la société civile en exil et où les espaces d’expression se réduisent.
Pourtant, si on veut réellement rassembler les forces vives, bénéficier de leurs idées et suggestions, on doit travailler dans un environnement de liberté et de partenariat avec elles.
Il n’est pas garanti qu’avec tous ses attributs intéressants, la transition bangladaise va réussir car d’autres contingences peuvent l’entraver. Il est cependant clair, qu’elle accroît ses chances d’unir les Bangladais, de leur tenir un langage de vérité et de conduire les affaires du pays de manière neutre. Ce qui constitue en soi un progrès vers plus de démocratie et de stabilité.
Moussa MARA
8 Commentaires
Ali
il y a 3 semaines (18:31 PM)D'abord ce ne sont pas des puschistes bidasses qui ont pris le pouvoir la-bas
En plus, au bangladesh presque que 100% de la polpulation pratique la meme religion et parle la meme langue. Ce pays est aussi entourer de pays puissants.
Solo
il y a 3 semaines (18:50 PM)Modoufatim
il y a 3 semaines (19:25 PM)Ce qui est valable pour un pays le Bangladesh waww est valable pour 54 pays d Afrique .
Sacre temeraire
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