A côté du scandale écologique qui mine Bargny avec les industries polluantes et leurs effets néfastes sur l’environnement et la santé des populations, une autre polémique couve. Cette fois-ci il s’agit d’un projet de relogement/indemnisation qui charrie de vives contestations depuis plus d’une décennie. Initié par l’ancienne équipe municipale, dirigée par Gaye Abou Ahmed Seck, le projet concerne les détenteurs de parcelles impactés par la centrale à charbon de Bargny. Entre détournement d’objectif et bras de fer foncier, l’affaire a viré à une grosse nébuleuse.
Retour sur les faits ! L’espace, les 29 hectares où est érigé aujourd’hui la centrale à charbon, devait servir à reloger les populations bargnoises qui ont été expropriés sur le site des carrières de la Sococim mais également les impactés de l’érosion côtière sous le magistère du maire Mar Diouf : il s’agissait des projets de relogement Minam 1 et 2. Ainsi, pour cause d’utilité publique, le président de la République d’alors, Abdoulaye Wade a décidé de vendre ce terrain du domaine national à la Senelec pour 1,4 milliard de francs Cfa afin qu’il sert à l’érection de la centrale à charbon, fer de lance du fameux Plan Takkal en 2009.
Après de longues années de bras de fer avec les populations autochtones, la Société sénégalaise d’électricité a jugé nécessaire ‘’d’indemniser’’ les 1433 détenteurs de parcelles impactés par la désaffectation de ces 29 hectares. C’est le début d’une grosse brouille ! « La Senelec avait, dans un premier temps, décidé de décaisser 600 millions de francs Cfa. Les banques (Bad et Fmo) qui avaient financé le projet, elles aussi avaient décidé d’accompagner financièrement ces détenteurs de parcelles », se rappelle Cheikh Fadel Wade, président de l’association Solidarité Ci Sutura membre du Réseau des Associations pour la Protection de l’Environnement et la Nature (Rapen). Une enveloppe financière que les ayants droits avaient jugée trop modique pour 1433 impactés.
L’ancien maire Gaye Abou Ahmed Seck accusé de détournement de d’objectif
Après une audience (en 2018) avec le premier ministre d’alors Mohamed Boun Abdallah Dione et l’ancien directeur général, Mouhamadou Makhtar Cissé, la Sénélec, convaincue par la délégation de Bargny (composée de l’ancien maire Gaye Abou Ahmed Seck, son futur successeur Djibril Faye et des dignitaires de Bargny), a alors décidé de rallonger les 600 millions de francs Cfa pour finalement mettre sur la table 1 milliard de francs Cfa. L’utilisation de cette somme a suscité une vive polémique entre les populations de Bargny et le maire d’alors qui, selon elles, aurait unilatéralement pris la décision de financer son projet de relogement des impactés de l’érosion côtière en lieu et place d’indemniser les 1433 ayants droits.
Pour Oumar Mbengue, président du collectif « Bargny dit non à Tosyali », il n’y a aucun doute, « il s’agit d’un détournement d’objectif » parce que, dénonce-t-il, « le milliard devait revenir aux détenteurs de parcelles sur les 29 hectares de la centrale à charbon. Le maire d’alors Gaye Abou Ahmed Seck a décidé de son propre chef de prendre ce milliard pour construire 114 maisons pour les victimes de l’érosion côtière. C’est une décision injuste et complètement farfelue en ce sens qu’il y a énormément de familles impactées par l’érosion côtière et qu'aucun recensement n’a été fait ». L’affaire atterrit à l’Office national de Lutte contre la Fraude et la Corruption (Ofnac) en 2019.
« Une plainte a été déposée à l’Ofnac et on a été entendu. Mais le maire Gaye Abou Ahmed Seck n’a jamais été convoqué par l’Ofnac. On soupçonne que c’est parce qu’il est le poulain de Oumar Guèye qu’il n’a pas été inquiété », fulmine Fadel Wade. Auparavant, le 6 mars 2018, la direction générale de la Senelec avait également été saisie pour une clarification sur la destination du milliard.
Dans sa réponse ci-après, la directeur de la Senelec précise que « cette solution devait passer par la commune de Bargny avec qui un protocole a été déjà signé pour un soutien aux détenteurs de parcelles, soutien appelé indûment indemnisation dans le protocole ».
Poursuivant, la direction indique que cette « décision reste donc uniquement motivée par la nécessité du relogement des populations de Bargny dont la mer a arraché ou risque d’arracher les demeures ».
La décision « farfelue » du nouveau maire Djibril Faye
Au début de notre enquête en décembre 2021, à la veille des élections locales du 23 janvier 2022, seules deux maisons témoins étaient en cours de construction. A son installation, l’ex adjoint de Gaye Abou Ahmed Seck devenu son successeur, Djibril Faye avait dans un premier temps décidé de stopper les constructions nous dit-on, « parce que le terrain est litigieux car appartenant à des tiers et le dossier est pendant devant la justice. Ensuite un consensus n’est toujours pas trouvé sur la destination du milliard de francs Cfa de la Senelec ».
Après avoir procédé à l’état des lieux, le nouveau maire a convoqué le conseil pour délibération. « Le nouveau maire Djibril Faye, à son arrivée, a décidé de bloquer les constructions pour faire l’état des lieux. D’après celui-ci 200 millions de francs Cfa ont déjà été décaissés pour servir d’avance de démarrage. A ce jour, 2 villas sont en phase de finalisation, 19 sont au niveau élévation et 12, niveau fondation », informe Fadel Wade, qui cite le rapport présenté par le nouveau maire lors de la réunion du conseil municipal.
Le nouveau maire s’est, aussi, fait distinguer de manière assez particulière en annonçant que les 114 logements n’allaient plus servir à reloger gratuitement les victimes de l’érosion côtière entre moins les 1433 détenteurs de parcelles, mais ils vont être vendus. Il n’en fallait pas plus pour rameuter les vieux démons de la division. « Il (Djibril Faye) a décidé de vendre les logements une fois finalisés. Nous l’attendons de pied ferme », martèlent les associations regroupées autour du Rapen que Seneweb a contacté. Ces dernières annoncent même une plainte contre le nouveau maire de Bargny.
NDLR : Nos tentatives de l’interpeller l’ancien maire de Bargny Gaye Abou Ahmed Seck tout comme son successeur Djibril Faye ont été vaines. Ils ont tous deux déclinés nos demandes d’interview depuis le mois de février dernier. L’ancien maire, qui nous avait clairement signifié qu’il n’avait rien à dire sur cette polémique, nous a récemment contactés pour nous faire part de sa « disponibilité » à donner sa version des faits (après la publication dimanche dernier de l’article d’annonce du dossier dans lequel il a été cité). Notre équipe a réalisé avec lui une interview qui sera publiée à la fin de cette série.
Retour sur les faits ! L’espace, les 29 hectares où est érigé aujourd’hui la centrale à charbon, devait servir à reloger les populations bargnoises qui ont été expropriés sur le site des carrières de la Sococim mais également les impactés de l’érosion côtière sous le magistère du maire Mar Diouf : il s’agissait des projets de relogement Minam 1 et 2. Ainsi, pour cause d’utilité publique, le président de la République d’alors, Abdoulaye Wade a décidé de vendre ce terrain du domaine national à la Senelec pour 1,4 milliard de francs Cfa afin qu’il sert à l’érection de la centrale à charbon, fer de lance du fameux Plan Takkal en 2009.
Après de longues années de bras de fer avec les populations autochtones, la Société sénégalaise d’électricité a jugé nécessaire ‘’d’indemniser’’ les 1433 détenteurs de parcelles impactés par la désaffectation de ces 29 hectares. C’est le début d’une grosse brouille ! « La Senelec avait, dans un premier temps, décidé de décaisser 600 millions de francs Cfa. Les banques (Bad et Fmo) qui avaient financé le projet, elles aussi avaient décidé d’accompagner financièrement ces détenteurs de parcelles », se rappelle Cheikh Fadel Wade, président de l’association Solidarité Ci Sutura membre du Réseau des Associations pour la Protection de l’Environnement et la Nature (Rapen). Une enveloppe financière que les ayants droits avaient jugée trop modique pour 1433 impactés.
L’ancien maire Gaye Abou Ahmed Seck accusé de détournement de d’objectif
Après une audience (en 2018) avec le premier ministre d’alors Mohamed Boun Abdallah Dione et l’ancien directeur général, Mouhamadou Makhtar Cissé, la Sénélec, convaincue par la délégation de Bargny (composée de l’ancien maire Gaye Abou Ahmed Seck, son futur successeur Djibril Faye et des dignitaires de Bargny), a alors décidé de rallonger les 600 millions de francs Cfa pour finalement mettre sur la table 1 milliard de francs Cfa. L’utilisation de cette somme a suscité une vive polémique entre les populations de Bargny et le maire d’alors qui, selon elles, aurait unilatéralement pris la décision de financer son projet de relogement des impactés de l’érosion côtière en lieu et place d’indemniser les 1433 ayants droits.
Pour Oumar Mbengue, président du collectif « Bargny dit non à Tosyali », il n’y a aucun doute, « il s’agit d’un détournement d’objectif » parce que, dénonce-t-il, « le milliard devait revenir aux détenteurs de parcelles sur les 29 hectares de la centrale à charbon. Le maire d’alors Gaye Abou Ahmed Seck a décidé de son propre chef de prendre ce milliard pour construire 114 maisons pour les victimes de l’érosion côtière. C’est une décision injuste et complètement farfelue en ce sens qu’il y a énormément de familles impactées par l’érosion côtière et qu'aucun recensement n’a été fait ». L’affaire atterrit à l’Office national de Lutte contre la Fraude et la Corruption (Ofnac) en 2019.
« Une plainte a été déposée à l’Ofnac et on a été entendu. Mais le maire Gaye Abou Ahmed Seck n’a jamais été convoqué par l’Ofnac. On soupçonne que c’est parce qu’il est le poulain de Oumar Guèye qu’il n’a pas été inquiété », fulmine Fadel Wade. Auparavant, le 6 mars 2018, la direction générale de la Senelec avait également été saisie pour une clarification sur la destination du milliard.
Dans sa réponse ci-après, la directeur de la Senelec précise que « cette solution devait passer par la commune de Bargny avec qui un protocole a été déjà signé pour un soutien aux détenteurs de parcelles, soutien appelé indûment indemnisation dans le protocole ».
Poursuivant, la direction indique que cette « décision reste donc uniquement motivée par la nécessité du relogement des populations de Bargny dont la mer a arraché ou risque d’arracher les demeures ».
La décision « farfelue » du nouveau maire Djibril Faye
Au début de notre enquête en décembre 2021, à la veille des élections locales du 23 janvier 2022, seules deux maisons témoins étaient en cours de construction. A son installation, l’ex adjoint de Gaye Abou Ahmed Seck devenu son successeur, Djibril Faye avait dans un premier temps décidé de stopper les constructions nous dit-on, « parce que le terrain est litigieux car appartenant à des tiers et le dossier est pendant devant la justice. Ensuite un consensus n’est toujours pas trouvé sur la destination du milliard de francs Cfa de la Senelec ».
Après avoir procédé à l’état des lieux, le nouveau maire a convoqué le conseil pour délibération. « Le nouveau maire Djibril Faye, à son arrivée, a décidé de bloquer les constructions pour faire l’état des lieux. D’après celui-ci 200 millions de francs Cfa ont déjà été décaissés pour servir d’avance de démarrage. A ce jour, 2 villas sont en phase de finalisation, 19 sont au niveau élévation et 12, niveau fondation », informe Fadel Wade, qui cite le rapport présenté par le nouveau maire lors de la réunion du conseil municipal.
Le nouveau maire s’est, aussi, fait distinguer de manière assez particulière en annonçant que les 114 logements n’allaient plus servir à reloger gratuitement les victimes de l’érosion côtière entre moins les 1433 détenteurs de parcelles, mais ils vont être vendus. Il n’en fallait pas plus pour rameuter les vieux démons de la division. « Il (Djibril Faye) a décidé de vendre les logements une fois finalisés. Nous l’attendons de pied ferme », martèlent les associations regroupées autour du Rapen que Seneweb a contacté. Ces dernières annoncent même une plainte contre le nouveau maire de Bargny.
NDLR : Nos tentatives de l’interpeller l’ancien maire de Bargny Gaye Abou Ahmed Seck tout comme son successeur Djibril Faye ont été vaines. Ils ont tous deux déclinés nos demandes d’interview depuis le mois de février dernier. L’ancien maire, qui nous avait clairement signifié qu’il n’avait rien à dire sur cette polémique, nous a récemment contactés pour nous faire part de sa « disponibilité » à donner sa version des faits (après la publication dimanche dernier de l’article d’annonce du dossier dans lequel il a été cité). Notre équipe a réalisé avec lui une interview qui sera publiée à la fin de cette série.
7 Commentaires
Wakhe_wakhate
En Novembre, 2022 (10:26 AM)Jarraf
En Novembre, 2022 (11:58 AM)Data
En Novembre, 2022 (12:16 PM)Bargnois D’adoption
En Novembre, 2022 (14:33 PM)Bargny vit à moins de 2 mètres des côtes, pour beaucoup d’experts une partie des quartiers bâtis sur la côte :NDiandia, Diagasamba, Gouye Dioulancar vont disparaître dans les 10-15 ans à venir.
Les experts les plus pessimistes pensent qu’une partie du littoral bargnois va être engloutie avant 2035.
La conséquence la plus redoutée du réchauffement climatique est l’augmentation du niveau de la mer.
Notre littoral est un territoire délabré et menacé où se concentre les populations à faible revenu. L’activité économique principale y est presque inexistante…
L’élégant maire sortant, Mr. Seck est un visionnaire à plus d’un titre. Devant le scénario du pire, il avait une vision, Bargny ville verte qui sous tend un projet la réalisation de maisons /logements sociaux pour ses habitants des quartiers côtiers.
En conclure que c’est un détournement d’objectif est un manque de vision de la part de Mr Wade du Repa.
Je ne me souviens pas d’avoir lu/vu au Sénégal une mairie porteuse d’un projet de cette ampleur: construire des logements pour pallier à l’avancée de la mer pour soulager sa population.
Bargny avait la chance d’avoir un jeune homme providentiel, comme maire.
Aujourd’hui , on n’a pas de lisibilité sur la vision/ politique quinquennale de la nouvelle équipe municipale.
Vivement que la nouvelle équipe nous expose son projet politique économique et sociales . Plus particulièrement, votre stratégie pour aider ces quartiers bargnois bâtis sur le littoral. Un choix qui est urgent:s'adapter ou périr.
Mr le maire en exercice faites appel au maire sortant pour des concertations ouvertes et solutions idoines. L’heure est grave pour les quartiers bargnois bâtis sur le littoral.
PS: Merci l’équipe des journalistes pour votre excellent travail. C’est un exemple à poursuivre pour d’autres localités confrontés à des défis environnementaux comme Hann-Yarakh, Yoff, Saint-Louis, MBoro.
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