Dans son premier roman Hermès T. ou l’ultime secret d’Akhénaton*, Abdoul Édouard Dia nous mène dans un voyage captivant au style pittoresque. Pour Seneweb, l’auteur évoque cet ouvrage riche et passionnant. Entretien.
Vous signez avec Hermès T ou l’ultime secret d’Akhenaton, un roman qui oscille entre philosophie, histoire, ésotérisme, mythe et pléthore de références culturelles. Ce qui est inattendu lorsqu'on connaît votre parcours de banquier international. Racontez-nous la genèse de ce projet.
Bien qu’étant de formation scientifique et ayant eu une carrière de près de 30 ans dans le monde de la finance internationale, j’ai toujours eu un faible pour la littérature. Contrairement à la croyance populaire, les chiffres et les lettres ne sont pas antinomiques puisqu’ils concourent tous les deux au plaisir des sens et de l’esprit. J’ai toujours su que j’allais écrire un jour, ce n’était qu’une question de temps, d’inspiration et d’opportunité.
Hermès T. en particulier m’a été inspiré lors d’un voyage où j’ai côtoyé par hasard un jeune homme qui visionnait des photos de mathématiciens célèbres et de philosophes sur son iPad. Des coups d’œil rapides, obliques et curieux m’ont fait comprendre que c’était un étudiant en philosophie. Je l’ai donc abordé et nous avons discuté pendant des heures d’épistémologie et d’art. Son surnom était Hermès, et j’y ai tout de suite vu un clin d’œil au personnage mythique d’Hermès Trismegistos, considéré comme le père spirituel de l’alchimie et d’une multitude de courants ésotériques.
Il y a beaucoup de références littéraires, artistiques et musicales dans le roman. On sent l'œuvre d’un passionné et l’on serait curieux de savoir les œuvres, artistes ou écrivains qui vous ont marqué ?
En effet, je suis passionné d’art au sens large du terme, je passe beaucoup de temps à étudier et à admirer les peintures dans les musées, à lire toutes sortes d’ouvrages littéraires ou scientifiques, à écouter différents styles musicaux. Entre autres auteurs, j’ai très tôt succombé aux délices des Mémoires d’Outre-tombe de Chateaubriand, dégusté les poèmes lyriques sublimes de Lamartine, d’Alfred de Vigny et de Victor Hugo. J’aime tout autant Umberto Eco et François-Henri Soulié qui cisèlent les mots à la perfection dans leur mystérieux univers médiéval. Camara Laye, Hampaté Ba et Chinua Achebe sont également des références que je mets dans mon panthéon littéraire, de même que le Roumain Eminescu et le Russe Dostoïevski. Pour la musique je suis amateur de Jazz et de certaines musiques traditionnelles. Écouter les polyphonies corses ou sérères ainsi que la flûte peulh peuvent m’émouvoir aux larmes.
“Cet ouvrage n’est pas une autobiographie au sens classique, chronologique du terme, mais il est clair que les situations, les personnages, les lieux et les réflexions émises sont inspirées en grande partie de mon vécu”
Si Thierno Amadou Hill est le personnage principal du roman, un autre retient également l’attention, Seck Braya. Peut-on faire un parallèle entre les binômes Thierno/Seck Braya et Faust/Méphistophélès ?
Même si le parallélisme des formes est respecté dans l’œuvre de Goethe et dans la mienne, à savoir un compagnonnage ésotérique entre un érudit en quête de connaissances et un thaumaturge, Faust a vendu son âme pour assouvir sa passion du reste insatisfaite alors que Thierno s’élève spirituellement tout en élevant l’humanité sans se perdre. Le binôme Faust / Méphistophélès est construit selon un schéma vain et forcément destructeur alors que Thierno / Seck Baraya sont des constructeurs de ponts entre différentes cultures, différents horizons, différents schémas de pensées qui s’enrichissent mutuellement selon la formule de Teilhard de Chardin : « tout ce qui monte converge ».
Ce roman est également un voyage riche en découvertes. Y a-t-il une part d’autobiographie dans le personnage de Thierno Amadou Hill ?
Rires… Cet ouvrage n’est pas une autobiographie au sens classique, chronologique du terme, mais il est clair que les situations, les personnages, les lieux et les réflexions émises sont inspirées en grande partie de mon vécu. Hermès T. reste tout de même une œuvre romanesque, une fiction qui a un triple objectif : fournir au lecteur du plaisir à lire une belle histoire, lui élargir son champ de connaissance au travers de thèmes touchant à l’histoire, la philosophie, les sciences, l’art, la musique, l’ésotérisme et enfin le pousser à la réflexion introspective et au questionnement sur ses certitudes pour les transformer en convictions.
“Ce n’est pas faire preuve d’ingénuité et de naïve méconnaissance de la situation actuelle du monde que de vouloir le rendre plus beau, plus juste, plus bienveillant à travers la culture et l’art”
On sent chez vous une volonté de faire ressortir la beauté du monde et de ses merveilles culturelles. Est-ce une façon pour vous de rompre avec les récits déclinistes qui semblent rythmer cette époque ?
Comme dans toute chose, c’est une question de point de vue. Je préfère voir le verre à moitié plein et apprécier les progrès effectués par l’humanité dans son ensemble plutôt que de me morfondre dans une logique décliniste, pessimiste et victimaire. Je réfute vigoureusement les postures visant à polariser et à hystériser le débat, à se satisfaire de certitudes, de dogmes, de prêt-à-penser d’ailleurs le plus souvent intellectuellement et moralement indigents, à nier l’intelligence de l’être humain et à le confiner dans un rôle de consommateur d’histoire plutôt qu’acteur de son destin. Ce n’est pas faire preuve d’ingénuité et de naïve méconnaissance de la situation actuelle du monde que de vouloir le rendre plus beau, plus juste, plus bienveillant à travers la culture et l’art. Il me semble que le monde actuel manque cruellement de perspective artistique.
“Il faudrait que l’acte écologique soit un réflexe universel de tous les jours et de tous plutôt qu’un acte militant revendicatif et agressif”
L'écologie semble vous tenir à cœur. C’est un thème souvent négligé dans les politiques publiques au Sénégal, et qui n’est pas au centre des préoccupations des électeurs. Pourtant cette question devrait être centrale, comment y remédier ?
L’homme a besoin de la nature, la nature n’a pas besoin de l’homme. Nous sommes le produit de cinq extinctions de masse survenues dans l’histoire de notre planète, près de 95% de toutes les espèces animales et végétales ont déjà disparu cinq fois dans le passé et la nature s’est toujours régénérée différemment. Il y va de notre survie de mieux respecter, de préserver et de transmettre la nature à l’identique sinon meilleure à nos enfants.
Je demeure toutefois circonspect par rapport à l’écologie politique qui se nourrit plus de slogans et d’intérêts économico-idéologiques. Il faudrait que l’acte écologique soit un réflexe universel de tous les jours et de tous plutôt qu’un acte militant revendicatif et agressif. Je crois à la mise en œuvre d’une écologie citoyenne, responsable, intelligente de tous les jours avant de faire confiance au dogme idéologique et hypocrite de l’écologie politique.
Ce premier roman, note votre éditeur, est le premier d’une longue série. Est-ce à dire que le second est déjà dans les starting-blocks ?
Rires … En effet, Hermès n’est pas un accident littéraire, ce n’est que le premier roman d’une longue série. Je suis en train de finir l’écriture de mon deuxième ouvrage qui aura un univers diffèrent d’Hermès. Je peux d’ores et déjà vous révéler que l’histoire se déroule entre la France capétienne du XIVe siècle et l’empire du Mali de Mansa Moussa. Toujours à la recherche des ponts entre des mondes à priori différents, mais je ne vous en dis pas plus. Rendez-vous l’an prochain.
*Le livre est disponible aux 4 Vents à Dakar , à la Librairie de France à Abidjan et sur les sites d’Amazon, de la Fnac, Cultura et en livre électronique sur Kindle.
23 Commentaires
Anonyme
En Novembre, 2024 (11:25 AM)Un crack au vrai sens du terme qui a brillé de mille feux au lycée Van Vollenhoven - Lamine Gueye dans les années 80..
Un vrai modèle pour notre jeunesse.
Félicitations Abdoul Aziz!
Reply_author
En Novembre, 2024 (12:41 PM)Reply_author
En Novembre, 2024 (12:51 PM)Lebaolbaol Tigui
En Novembre, 2024 (13:49 PM)Urokodaki
En Novembre, 2024 (13:08 PM)Le parallèle entre Faust/Méphistophélès et Thierno/Seck Braya est fascinant : là où Goethe nous parle de l’abîme de la quête égotique, vous proposez une voie où le savoir devient un pont, unificateur et ascendant. Votre référence à Teilhard de Chardin, ‘tout ce qui monte converge’, illustre parfaitement cette nécessité de transcender les frontières intellectuelles et culturelles.
Vous avez raison : les chiffres et les lettres sont les deux faces d’un même Janus. Hermès Trismegistos n’aurait-il pas aussi dit que l’univers est mathématique autant qu’il est poétique ? Merci de nous rappeler que, pour retrouver une perspective artistique, il nous faut non seulement admirer mais surtout participer à cet héritage universel.
I bend the knee devant une telle finesse d'esprit! Merci Mr Dia.
Reply_author
En Novembre, 2024 (13:47 PM)Congratulations !
En Novembre, 2024 (13:57 PM)Fatima
En Novembre, 2024 (15:12 PM)Où qu'il soit le Sénégal a besoin de lui pour offrir à ce nouveau régime toute son expertise
Jom
En Novembre, 2024 (15:18 PM)Esprit Sain
En Novembre, 2024 (15:44 PM)Siré
En Novembre, 2024 (16:05 PM)Un homme qui a fait ses preuves et a des valeurs humanistes chevillées au corps.
Nagi
En Novembre, 2024 (13:06 PM)Le problème est que soit ils ont quitté le pays ou alors ils sont en exil intérieur.
De peur d'être détruit par une société qui préfère promouvoir les médiocres et le flouze.
Hélas pour ce beau pays jadis tant envié !
Et dans tous les domaines !
Nos dirigeants adorent Wally Seck et La Fouine.
Mort de rire !
Lebaolbaol Tigui
En Novembre, 2024 (14:01 PM)Tous les ploucs se sont lancés dans la politique
Ceux qui étaient humiliés parce que trop nuls.
Leur vengeance sur les cracks sera terrible !
Un vrai !
Il était vraiment temps.
Différent de ces Docteurs incultes qui squattent les plateaux télé du pays.
Moumina D
En Décembre, 2024 (21:20 PM)Participer à la Discussion