Mushin Hendricks a acquis une certaine notoriété en Afrique du Sud. Une notoriété qu’il doit à son courage. Il a annoncé sur la radio nationale qu’il était imam, musulman et gay… Mushin Hendricks a payé cher son coming out. Il a dû démissionner des deux écoles où il enseignait le coran. Il a en prime vécu avec la peur que la communauté musulmane lui fasse payer son homosexualité : la plupart des fidèles de l’islam condamnent les relations entre personnes du même sexe, estimant que l’islam proscrit ces unions.
« Mon combat est un Jihad pour l’amour »
Mais Mushin Hendricks a tenu bon. « Mon combat est un Jihad pour l’amour », indique-t-il simplement. « J’ai tous les jours affaire à des jeunes musulmans qui luttent pour concilier l’islam avec leur sexualité. Mon travail consiste essentiellement à leur donner des conseils. Je leur dis d’accepter l’islam pour ce qu’il leur apporte de bien et de le concilier avec leur sexualité. Parce que celle-ci au bout du compte sera toujours présente. Je leur dis de rester dans l’islam et de laisser Allah en être juge à la fin des fins », explique le père de famille qui s’est marié pour cacher sa vraie nature.
On prend parfaitement la mesure de la peine de conjuguer islam et homosexualité dans le documentaire Jihad au nom de l’amour, dans lequel l’Afrique du Sud n’est que la première étape d’un périple mondial. Le réalisateur indien Parvez Sharma, lui-même gay et musulman, a posé sa caméra en Afrique du Sud, mais aussi en Egypte, en France, en Iran, en Turquie, au Pakistan, en Inde et au Canada.
« Au nom d’Allah, j’aime les femmes »
La culpabilité. C’est l’un des sentiments qui ronge ou a rongé les intervenants, qui s’expriment à visage découvert ou caché. Mushin Hendricks se souvient qu’il jeûnait « quatre-vingt jours par an pour se débarrasser de ça ». Maryam, installée en France, est amoureuse d’une Egyptienne, qu’elle va voir quand elle peut. Sa compagne tente de la rassurer, mais rien à faire. Maryam voudrait ne plus avoir de relations charnelles avec Maya parce qu’elle considère que son amour pour elle est un péché…
D’autres, en revanche, jugent qu’il n’y a pas de contradiction entre leur orientation sexuelle et leur foi. A l’image des Turques Ferda et Kiymet, qui vivent ouvertement leur relation. Quant à Sana, elle porte un tee-shirt on ne peut plus explicite : « Au nom d’Allah, j’aime les femmes ». Le visage flouté, cette femme originaire « d’un pays qui pratique surtout l’infibulation » souligne que le jour où elle se retrouvera devant son dieu elle lui dira qu’elle l’« aime autant que [sa] créativité » et que son amour n’avait rien d’un péché car il n’a « causé de tort à personne ».
Persécution
Pas de tort... reste cependant que des pays répriment sévèrement l’homosexualité. Comme l’Iran, qu’Arsham, Payam, Amir et Mojtaba ont fui pour la Turquie. L’Iran où les homosexuels présumés sont régulièrement pendus ou fouettés, comme Amir, qui a reçu « 100 coups de fouets en une heure ». En Egypte, Mazen a été arrêté avec un ami en 2001, avec 51 autres hommes, sur le Queen Boat, une discothèque flottante sur le Nil où se retrouvaient apparemment des gays. Il peine encore à parler de ses trois années de détention pendant lesquels il raconte avoir été battu et violé.
Les portraits de Jihad au nom de l’amour donnent au documentaire de Parvez Sharma, une justesse poignante. En 1h38, il est parvenu à montrer qu’islam pouvait rimer avec homosexualité. Que les gays et lesbiennes musulmans pouvaient souffrir de vifs tourments internes, mais aussi se sentir renforcés par la foi et avoir le sentiment qu’Allah les aime. Comme ils sont.
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