L’accusation, politique ou citoyenne, se répand comme une traînée de poudre et témoigne de la colère profonde générée par cette crise sanitaire sans fin et ses restrictions de liberté désormais contestées par une population saturée, asphyxiée. Mais peut-on parler de “dictature sanitaire” pour autant? France culture a tenté de répondre à cette épineuse question.
“Les Idées claires” est un podcast de France culture et France info voué au décryptage de l’information. L’émission tente chaque semaine de distinguer les faits, les “fake news”, la réalité et les idées reçues. À l’heure où la France entame son troisième confinement national et que l’opposition et la population tirent à boulets rouges sur le gouvernement, le programme se consacre naturellement à la question: “Sommes-nous en dictature sanitaire?”. Pour tenter d’y répondre, un expert, Stanis Perez, historien de la médecine et de la santé.
“Les institutions sont là, la Constitution fonctionne”
Selon le co-auteur de “Pandémies. Des origines à la Covid-19", il ne s’agit, en France, “ni d’une dictature” ni d’une dictature “sanitaire”: “Les institutions sont là, la Constitution fonctionne, on a encore un Parlement et un Sénat”, souligne-t-il. Mais ces parlementaires ont-ils réellement leur mot à dire? Selon Stanis Perez, “l’esprit de la Constitution est appliqué”: “L’État d’urgence a été voté par les parlementaires. Sa reconduction a été votée et sera sans doute votée par les parlementaires. Et tout d’un coup, ils ont l’impression... ou ils donnent l’impression... ou ils veulent donner l’impression à leur électorat qu’ils découvrent qu’on est dans une phase de dirigisme”, complète-t-il.
La santé avant tout, au mépris de la liberté?
“Je pense que le fait de mettre la santé avant toute chose, comme certains le prétendent, n’est pas incompatible avec la liberté. La liberté, finalement, c’est aussi celle de se soigner. C’est aussi celle de vivre dans un certain confort, dans une certaine sécurité. Et c’est aussi, dans un système démocratique, de proposer à toute une population d’avoir accès aux soins (...) Une dictature, c’est aussi le fait d’avoir une élite privilégiée et laisser le reste de la population tomber malade et mourir sans lever le petit doigt”, commente-t-il.
“Santé, égalité, fraternité”
André Comte-Sponville n’est pas du tout du même avis. La santé au détriment de la liberté? Un choix non républicain que combat avec force le philosophe français. “Il n’est pas écrit au fronton de nos mairies ‘Santé, égalité, fraternité’, que je sache. Il est écrit ‘Liberté, égalité, fraternité’ et j’espère ne pas être le seul dans ce pays à penser que la liberté est une valeur supérieure à la santé”, dénonçait-il, d’une conviction profonde, sur le plateau de France info ce 2 avril dernier.
“La santé n’est pas une valeur”
“Non, la santé n’est pas la valeur suprême. D’ailleurs, la santé n’est pas une valeur du tout: c’est un bien. Un bien, c’est quelque chose qui est désirable et, éventuellement, enviable. Une valeur, c’est quelque chose qui est estimable ou admirable”, argumente-t-il. “Je peux ainsi envier quelqu’un parce qu’il est en meilleure santé que moi. Je peux envier quelqu’un parce qu’il est plus riche que moi. Autrement dit, la santé et la richesse, ce sont des biens. Mais si, au contraire, j’admire quelqu’un parce qu’il est en meilleure santé que moi ou plus riche que moi, je suis un imbécile. Je peux admirer quelqu’un parce qu’il est plus courageux que moi, plus juste que moi, plus généreux que moi... Ça, ce sont des vraies valeurs”, martèle-t-il.
Dénonciation du “panmédicalisme”
“Si l’on soumet les valeurs aux biens, on est déjà dans une société nihiliste”, juge le philosophe. “Si l’on vous dit qu’il n’y a rien au-dessus de l’argent, c’est du nihilisme financier. Si l’on vous dit qu’il n’y a rien au-dessus de la santé, c’est du nihilisme sanitaire”, insiste-t-il. André-Comte Sponville dénonce ainsi les dérives du “panmédicalisme”, soit faire de la santé, “à tort”, la valeur suprême” de la société, et le “sanitairement correct”.
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