Fuite et discrétion sont souvent l'apanage des sans-papiers. Pas pour TataDoucouré, Sénégalais, âgé de 33 ans, sous le coup d'une reconduite à la frontière et qui a pris le risque de contacter la police pour secourir trois hommes. Récit.
Tata Doucouré gardera longtemps le souvenir de ce policier hagard lorsqu'il lui a révélé qu'il n'avait ni papiers, ni titre de séjour. «Il m'a dit bravo pour ce que j'avais fait, bravo d'avoir osé appeler et d'être venu au commissariat pour la déposition. Maintenant, ils ont mon adresse et mon portable mais la vie des gens est bien plus importante que des papiers».
Sauvé de l'expulsion en août dernier
Selon la loi, Tata Doucouré n'est pas Français. Malgré 18 ans de présence sur le territoire français. Malgré treize années de travail comme peintre en bâtiment. Connu et fortement soutenu sur Quimper, notamment par le collectif Droit d'asile, Tata se sent pourtant bien plus Français que Sénégalais, pays qu'il a quitté à l'âge de quinze ans, des rêves de footballeur plein la tête. Début novembre, il a accompli un vrai geste de citoyen. La scène se déroule en semaine, à Quimper, où il réside depuis 1999, dans un bar proche de la gare. Il est 22h30 et l'établissement s'apprête à fermer. Un homme éméché s'en prend à trois clients, les insultent. Le ton monte. TataDoucouré assiste, à distance, aux échanges. Il est le seul à voir que l'homme cache une arme sous son blouson. «J'ai senti qu'il voulait les suivre, j'avais la sensation qu'il était prêt à tirer». Il décide d'alerter les forces de l'ordre. Une action que d'aucuns jugeraient anodine. Mais voilà, Tata est sous le coup d'un arrêté de reconduite à la frontière et attend un titre de séjour depuis plusieurs années. En août, il n'est pas passé loin du billet sans retour, réussissant à sortir de justesse du centre de rétention administratif de Rennes pour une question de procédure. Grâce aussi à un battage médiatique.
L'arme était bien chargée
La meilleure solution aurait été d'alerter la police d'une cabine téléphonique. Ni vu, ni connu. «Pas question, je ne suis pas un criminel, je n'ai rien fait de mal. À aucun moment, je n'ai pensé à m'enfuir». Tata saisit son portable et décline son identité. Quelques minutes plus tard, les hommes de la Bac interpellent le suspect dans le bar. Et découvrent que cet ancien militaire avait bien une arme. Chargée de balles réelles, de surcroît. Que serait-il advenu sans son intervention? Sur le blog qui a fait état de cette affaire (www.penhars-infos.com), des internautes espèrent déjà que son geste aura des conséquences positives sur son avenir. À l'image de Libellule: «Téléphoner à la police sur son portable quand on est en attente de régularisation, c'est vraiment brûler ses dernières cartouches pour sauver les autres. Mais lui? En plus d'un merci, ne méritait-il pas un papier, à la place d'une exécution suspendue. Ton geste t'honore... Puisses-tu être reconnu en retour». «C'est bien ce qu'a fait ce monsieur. Qu'est-ce qui se passera si, un jour, la police vient le rechercher? Que faire pour qu'il ait vite des papiers?», ponctue René.
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