Aucun immigré ne semble plus à l’abri d’une ordonnance d’expulsion en France. Les pressions qu’induit ‘la politique du chiffre’ semblent être à l’origine de décisions aberrantes des services de l’immigration.
Etre immigré, légalement établi sur le territoire, n’est plus une sinécure dans l’Hexagone. Ni la durée de sa présence ni son niveau d’intégration en France ne peuvent désormais prémunir d’une expulsion. Me Abdoulaye Coulibaly peut en témoigner. L’avocat malien de 70 ans, vivant en France depuis 1962 et inscrit au barreau d’Aix-en-Provence depuis 28 ans, s’est vu signifier par un arrêté préfectoral du 1er octobre, le refus du renouvellement de son titre de séjour et l’obligation de quitter l’Hexagone dans un délai d’un mois. En demandant, le 21 janvier au tribunal administratif de Marseille, l’annulation de son expulsion, ordonnée par la préfecture des Bouches-du-Rhône, le commissaire du gouvernement Jacques Antonetti a rétabli la mesure face à une décision aberrante. D’autant que le ressortissant malien est marié depuis 15 ans avec une Française. Une seule explication pour ‘cette décision injuste’, selon Me Olivier Lantelme du Syndicat des avocats de France qui a largement soutenu Me Abdoulaye Coulibaly : ‘la politique du chiffre’. Le président Nicolas Sarkozy a en effet fixé des objectifs chiffrés en matière de lutte contre l’immigration irrégulière au ministre chargé de ces questions, Brice Hortefeux. En 2007, ses services auraient dû expulser 25 000 étrangers. Il sera plutôt question d’un chiffre situé ‘entre 23 000 et 24 000’, déclarait le ministre le 7 janvier. Si Brice Hortefeux a voulu seulement voir dans cet échec un démenti formel des accusations des associations de protection des immigrés ‘qui dénonçaient une chasse accrue, des violences exacerbées’, il témoigne aussi de la pression exercée sur les services en charge de la gestion de l’immigration sur le territoire français.
Selon les experts, l’objectif serait intenable et par conséquent source de tension. Un avis partagé même à l’intérieur de ces services. Yannick Blanc, directeur de la police générale de la préfecture de police de Paris, révoqué le 16 janvier de son poste sans nouvelle affectation par un décret présidentiel, l’a admis dans un entretien accordé au Monde la semaine dernière. ‘La politique d’immigration à Paris et la tension qu’il y a sur la question des reconduites à la frontière’ seraient à l’origine, selon lui, d’une ‘pression sur le préfet, sur les services et la police’. ‘C’est ça le sujet, le terrain critique’, poursuit-il. La situation peut être effectivement considérée comme critique quand des étrangers en situation régulière qui présentent, par ailleurs, des attaches réelles avec la France peuvent être expulsés sans motif. Ou encore des personnes en situation irrégulière, dont la présence en France est motivée par des raisons sanitaires, comme cette Turque de 89 ans dont Brice Hortefeux est finalement revenu sur l’ordonnance d’expulsion, vendredi dernier. Exemple parfait de duplication pour une administration qu’on souhaite performante dans la réalisation de ses missions et qui recherche l’efficacité au point de vouloir renvoyer chez eux des Français. Comme Khady Savané, cette Française d’origine ivoirienne, que les policiers n’ont pas reconnu sur le passeport qu’elle fournissait à son entrée sur le territoire en novembre dernier.
L’immigration semble être devenue une obsession en France. Les autorités envisagent ainsi d’inclure la politique de quotas dans la Constitution avec la mise en place d’une commission de réflexion sur la question. Quand dans le même temps, Jacques Attali, président d’une autre commission qui s’est attelée à proposer des solutions pour relancer l’économie, suggère au président français de recourir à l’immigration. Mercredi, Brice Hortefeux considérait qu’il n’y avait ‘aucune opposition’ entre cette suggestion et sa politique d’immigration. Une sortie qui en dit long sur les paradoxes français qui ne doivent pas faire oublier qu’avant d’être des immigrés, les ‘expulsables’ sont des êtres humains, à l’instar de ceux qui décident de leur sort. De la sérénité pour tous, c’est le minimum qu’on puisse attendre du pays des droits de l’Homme.
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