Visé par une procédure de destitution, le président pakistanais Pervez Musharraf a décidé, lundi 18 août, lors d'une allocution télévisée, d'annoncer sa démission. Après avoir longuement dénoncé "les fausses accusations portées contre lui", le chef de l'Etat quitte donc ses fonctions la veille du lancement de cette procédure par le gouvernement.
En dépit de cette décision, le chef de l'Etat a affirmé avoir, "en toute bonne foi", fait face aux défis rencontrés par son pays sur les terrains économique, politique et face à la montée de l'islamisme. "Malheureusement, a-t-il ajouté, certaines personnes ayant des intérêts personnels ont lancé de fausses accusations à mon égard, ils ont trompé le peuple."
Il a également vanté les progrès réalisés en terme de démocratie sous son mandat et le rôle clé qu'il a joué pour la stabilité du pays. Enfin, il a tenu a rappeller qu'il pouvait se targuer d'une intégrité morale qu'il a semblé, sans les nommer, dénier à ses adversaires politiques qui réclamaient son départ.
Les deux leaders de la coalition au pouvoir depuis leur victoire aux élections législatives de mars, Asif Ali Zardari, le veuf de Benazir Bhutto, pour le Parti du peuple pakistanais (PPP) et l'ex-premier ministre Nawaz Sharif, pour la Ligue musulmane du Pakistan avaient annoncé, le 7 août, le lancement de cette procédure.
Le Parlement pakistanais devait examiner, avant mardi, l'acte d'accusation visant les chefs de "mauvaise administration et violation de la Constitution". MM. Zardari et Sharif lui reprochaient, notamment, d'avoir limogé, en 2007, près de soixante magistrats, dont ceux de la Cour suprême, pour assurer sa réélection et d'avoir instauré, pendant un mois, l'état d'urgence pour ensuite l'imposer. M. Musharraf, alors chef des armées, était parvenu au pouvoir, en 1999, lors d'un coup d'état sans effusion de sang.
M. Musharraf a donc décidé d'éviter le bras de fer institutionnel avec le gouvernement. La procédure de destitution aurait pu durer, en théorie, des semaines, voire des mois avant à aboutir. Pour sa part, le président Musharraf disposait du droit constitutionnel de dissoudre l'assemblée nationale, voire de déclarer l'état d'urgence, ce qu'il a refusé de faire.
Sa décision ouvre donc une nouvelle ère politique du Pakistan. Le pouvoir civil reprend ainsi le contrôle d'un pays qui a été dirigé, plus de la moitié de son histoire, depuis 1947, par les militaires. L'armée, qui s'estime traditionnellement, garante des intérêts du Pakistan, semble ne pas avoir l'intention de s'opposer à cette évolution. Le chef d'état-major des armées, le général Kayani, qui a remplacé, en 2007, l'ex-général Musharraf ne paraît avoir considéré que le départ du chef de l'Etat remettait en cause la stabilité du pays.
M. Musharraf, fidèle allié des Etats-Unis, après avoir fait soutenu ce pays après les attentats du 11 septembre 2001, n'a fourni, au cours de son allocution, aucune indication sur son avenir. Sa démission, en théorie, met fin à la procédure de destitution. M. Musharraf s'était d'ores et déjà déclaré opposé à tout exil et avait affirmé qu'il voulait rester vivre dans son pays.
Cette décision ne remet donc pas en cause l'équilibre actuel de la coalition qui dirige le Pakistan. MM. Zardari et Sharif devraient, sans doute, procéder à une redistribution des cartes. Le leader du PPP n'a pas fait mystère qu'il briguerait le poste de chef de l'Etat si celui-ci se libérait. M. Sharif, farouche opposant à M. Musharraf, sort grand vainqueur de ce bras de fer.
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