La successeure de David Cameron devra tenter de réconcilier un pays déchiré depuis le référendum sur la sortie de l'UE. Boris Johnson devient ministre des Affaires étrangères, et David Davis ministre du Brexit.
Theresa May, une nouvelle Première ministre avec un Brexit sur les bras
Il est parti. Elle est arrivée. Dans un ballet parfaitement chorégraphié par des décennies de tradition, David Cameron et Theresa May se sont croisés, sans se voir, dans la cour de Buckingham Palace. L’un venait présenter à la reine Elizabeth II sa démission, après six ans au pouvoir, l’autre venait demander à la reine l’autorisation de former un gouvernement.
Quelques minutes plus tôt, David Cameron, accompagné de sa femme Samantha et de ses trois enfants, avait quitté Downing Street après avoir prononcé quelques mots. Il a notamment affirmé être convaincu de laisser derrière lui un «pays plus fort», notamment économiquement, et n’a pas évoqué un instant le Brexit.
“There was just the power of goodbye, he didn’t really need a script” says @bbclaurak as Cameron hands over to May https://t.co/m9cMOTCLVP
— BBC Politics (@BBCPolitics) 13 juillet 2016
A 17h43 locales (18h43 à Paris), une photo officielle – une première - a été publiée. On y voit Theresa May, 59 ans, faire la révérence devant la souveraine. Par ce geste, Elizabeth II intronisait le treizième Premier ministre de son règne et la deuxième femme à ce poste, après Margaret Thatcher.
«Brexit veut dire Brexit»
Ce geste signait aussi la fin du premier chapitre d’une crise d’hystérie politique sans précédent, entamée le 24 juin dernier. Ce jour-là, les résultats du référendum consacraient la décision des Britanniques de quitter l’Union européenne.
Il revient désormais à Theresa May, qui occupait depuis six ans le poste de ministre de l’Intérieur, d’écrire la suite de la saga du Brexit. Elle s’était rangée dans le camp des partisans du maintien au sein de l’Union européenne, mais s’était faite très discrète pendant la campagne. Elle a affirmé vouloir respecter la décision du pays et a répété à plusieurs reprises que «Brexit veut dire Brexit».
Elle a annoncé dans la soirée les premiers postes pour son gouvernement. Et notamment celui, très attendu, d’un ministre chargé des négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Manifestement déterminée à rétablir un semblant de stabilité après les bouleversements de ces dernières semaines, Theresa May a prononcé un discours extrêmement fort devant Downing Street. Elle a promis de «rassembler» le pays, entre les «différentes nations du pays mais aussi entre ses citoyens». A rappelé qu’elle n’était pas là pour servir les «privilèges de quelques-uns mais pour nous tous».
Le référendum du 23 juin a mis en lumière de larges divisions dans le pays, géographiques, mais aussi sociales et générationnelles. L’Irlande du Nord et l’Ecosse ont voté en faveur du maintien au sein de l’UE, alors que le Pays de Galles et l’Angleterre ont voté pour la sortie. Les régions les plus défavorisées économiquement ont aussi choisi le Brexit, alors que les villes plus influentes, et notamment Londres, souhaitaient résolument rester membres de l’UE. Et puis, si les plus de 65 ans ont souvent préféré le Leave, les plus jeunes ont penché pour Remain.
Article 50
Hors des frontières, Theresa May devra aussi trouver le ton pour discuter avec ses partenaires européens et négocier la sortie de l’UE. Elle n’a pas dit quand elle entendait invoquer l’article 50 des Traités européens qui enclenchera le processus officiel. Il y a quelques jours, elle avait évoqué la fin de l’année.
Dans les deux heures à peine qui suivaient son entrée au 10, Downing Street, Theresa May créait déjà la surprise en nommant Boris Johnson, l’ancien maire de Londres et l’une des têtes de file du camp du «Leave», au très prestigieux poste de ministre des Affaires étrangères.
Boris Johnson n’a jamais occupé de poste ministériel et, il y a quelques jours, il se retirait pitoyablement de la course à la tête du parti tory. Ce qui ressemble à une promotion pourrait se révéler en fait un cadeau empoisonné. Les véritables négociations sur le Brexit seront gérées par un ministère spécialement créé et par le cabinet du Premier ministre. Le secrétariat d’Etat en charge de la sortie de l’Union européenne sera dirigé par David Davis, un autre partisan du «Leave». David Davis, qui fût candidat à la tête du parti conservateur contre David Cameron en 2005, était aussi ministre à l’Europe sous John Major. Il avait alors été surnommé «Monsieur Non». Cette fois-ci, il est déjà qualifié de «ministre Brexit».
Par ailleurs, Liam Fox, un autre Brexiter, a été nommé en charge du Commerce, ce qui ne laisse pas grand-chose dans le brodequin de Boris Johnson. En revanche, il se retrouvera en première ligne pour être blâmé en cas d’échecs dans les négociations.
La nouvelle Première ministre a également nommé Philip Hammond, qui gérait le portefeuille des Affaires étrangères et a fait campagne pour le «in», au poste de chancelier de l’Echiquier (ministre des Finances). Elle a du coup signifié son congé à George Osborne, la deuxième moitié du tandem Cameron, auquel elle n’a pas souhaité offrir un autre poste au gouvernement.
Alors que le parlement s’apprête à prendre ses congés d’été le 21 juillet prochain, le Royaume-Uni espérait pouvoir, pour la première fois depuis trois semaines, respirer un peu plus calmement. Ce n’est pas encore assuré.
Sonia Delesalle-Stolper Correspondante à Londres
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