Il est aujourd’hui clair que la décision rendue en première instance par la Chambre d’Assises des Chambres africaines extraordinaires (Cae) ne convenait pas aux parties prenantes du procès de Hissein Habré. Hier, c’était la valse des avocats de l’ex-président tchadien, pour réclamer la nullité de la procédure qui a conduit à la condamnation de leur client à la prison à perpétuité. Ce mardi 10 janvier 2017, ce fut le tour de leurs confrères défendant les intérêts des victimes de monter au créneau pour solliciter de la Chambre d’infirmer ce jugement et de statuer à nouveau.
Me Jacqueline Moudeina qui a fait face aux juges de la Cae, a listé les sollicitations des milliers de victimes de cette affaire qui a valu au président Habré d’être poursuivi pour crime de guerre, crime de torture et de crime contre l’humanité, crime de viol. «C’est très grand ce que nous sollicitons évidemment. Nous avons pu catégoriser les victimes. On a fait cette catégorisation des victimes selon la gravité des situations. Et nous avons demandé également des réparations collectives et morales. Mais les premiers juges n’ont même pas accédé aux réparations collectives par exemple. Donc, c’est tout cela qu’on a reformulé en appel. On a demandé que ce jugement soit infirmé et qu'à nouveau le juge devrait statuer».
Pour l’avocate inscrite au Barreau du Tchad, par ailleurs défenseure des droits de l’homme dans son pays, le procès en appel est une aubaine pour ses clients. Ce, parce qu’elle estime que «le procès en première instance a été bâclé. Parce qu’on était versé dans une ambiguïté totale. Et c’est ce qui a donné l’impression que ce procès a été, concernant les réparations, complètement bâclé. Et c’est faute de temps. Les juges ont passé beaucoup de temps sur le pénal et arrivé au civil, il n’y avait plus de temps. Et ils l’ont bâclé en nous renvoyant vers la Chambre d’appel. Ça c’est mon sentiment personnel», a-t-elle tenu à préciser.
Aujourd’hui où l’occasion, leur est offerte, ses confrères et elle, de plaider, à nouveau la cause des victimes, Me Moudeina s’en réjouit. «Vraiment quand vous voyez le jugement, on a eu du mal à le comprendre d’abord, ensuite on a du mal à le digérer. Ce n’est pas possible que des milliers de victimes soient rejetés sur aucun critère en fait. Parce que les hypothèses qui ont été annoncées par les juges ne répondaient pas surtout aux situations vécues. Et on ne savait pas s’il fallait épouser un critère (témoins ou partie civile) et laisser l’autre. Il y en avait deux hypothèses qui étaient émises que nous avons pu déceler dans le jugement. Et à ces deux critères, le rejet de ces milliers de personnes ne répondait même pas. Donc, c’était une ambiguïté totale, il a fallu qu’on vienne en appel pour pouvoir avoir des éclaircissements et, aussi pour que l’appel infirme ce jugement et statue à nouveau. Parce qu’on ne peut pas accepter que des milliers de victimes n’aient pas droit à la réparation. C’est impossible !», tranche l’avocate.
Concernant l’absence de Hissein Habré à ce procès en appel, elle trouve que cela ne la gêne pas. «Aujourd’hui, il n’est pas là de toute façon, moi cela ne me fait rien du tout. J’aurais voulu qu’il soit là de bout en bout. Mais ce qu’on avait à lui dire, en première instance, il l’a bien entendu de bout en bout. Il a bien suivi toutes les victimes. Il les a bien vus. Cela est plus important pour moi», a-t-elle confié.
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