Comment analysez-vous la crise qui mine l’Apr ?
Il faut d’abord rappeler que l’Alliance pour la République est arrivée prématurément au pouvoir. C’est un nouveau parti qui a été créé pratiquement sur un coup de tête après la frustration de son leader qui, d’ailleurs, a quitté ses principales fonctions.
Il y a un problème d’affectio societatis comme on le dit dans le droit des sociétés. C’est-à-dire, le vouloir faire ensemble fait défaut. Les gens n’ont pas eu le temps de cimenter leurs relations, celles-ci ne sont pas faites autour d’une idéologie, mais elles sont organisées autour d’une personne. C’est comme un groupe de soutiens à une seule personne.
L’Apr pêche par manque de structuration. Une fois au pouvoir, les contradictions se sont exacerbées parce que d’autres personnes sont venues en masse. Les gens se sont, en quelque sorte, sentis submergés.
Beaucoup de personnalités sont arrivées et ont été promues à des postes de responsabilités. Ce qui a engendré énormément de frustrations. Certains ont osé l’exprimer, d’autres non. En plus de tout cela, il y a la guerre de succession. Certains pensent que Macky Sall va partir en 2024, d’autres disent que ce n’est pas la fin du parti, il faudrait donc bien se repositionner pour assurer la relève. C’est pourquoi, ils se regardent en chiens de faïence.
La conséquence de cette guerre de succession, c’est que Macky Sall a du mal à maintenir l’ordre à l’interne. Il brandit le bâton pour certains, mais pour d’autres, il a des difficultés à le faire, compte tenu de l’histoire, de ce qui le lie depuis très longtemps avec certains comme Moustapha Cissé Lô.
Mais, dès le départ, beaucoup de leaders avaient été laissés en rade, c’est le cas de Mor Ngom, Mbaye Ndiaye, et même de Mimi Touré qui avait été en disgrâce, avant d’être réhabilitée.
Tous ceux qui, naturellement, avaient accompagné dès les premières heures, ont eu des difficultés.
On peut donc dire que l’Apr est sur les pas du Pds ?
Ce sera même pire, je pense. Parce que le Pds est un grand parti qui est là depuis 1974, qui a réussi un encrage au sein des populations qui ont cru en l’idéologie Sopi incarnée par Me Abdoulaye Wade.
Ce n’est pas le cas à l’Apr. Les gens n’ont aucune envie de cheminer vers quoi que ce soit. Et puis Macky Sall n’a pas le leadership d’Abdoulaye Wade. Ce dernier a beaucoup plus de tact, de générosité, de génie politique et de masla en quelque sorte.
Il manque à Macky Sall un certain nombre de paramètres. Peut-être que Marème Faye complète un peu le tableau, elle essaie d’arranger tout ça, mais cela ne lui réussit pas toujours.
Les gens comme Youssou Touré, Moustapha Diakhaté, Moustapha Cissé Lô sont en train de manifester leurs frustrations. Si jamais Macky quittait le pouvoir, ce serait l’implosion totale. Il y naîtrait énormément de partis politiques comme c’était le cas avec le Pds, mais le socle même que constitue l’Apr risquerait de ne plus représenter quelque chose.
A quels scénarii pourrait-on s’attendre lors des prochaines échéances au sein du parti ?
Il faut dire que tout cela va s’exacerber avec les Locales et les Législatives. Parce qu’avec les investitures, il y a toujours eu des frustrations, parce qu’il faut positionner les uns et les autres, chacun s’attendant à avoir sa part du gâteau. Mais aussi, il y a des alliés à côté. Il y aura encore beaucoup plus de frustrations dans les rangs de l’Apr, parce que certains se diront : puisque je n’ai encore rien eu et que j’ai raté les élections, c’est terminé pour moi.
Certains pourraient même quitter la barque et d’aller ailleurs. Le calcul est simple : le dernier wagon, là où on peut espérer être servi, c’est les élections locales et législatives. Alors, si vous n’êtes pas investis ou si vous l’êtes à des positions difficiles, sur des listes majoritaires, vous risquez de ne pas être élu. Et ce sera très difficile de contrôler ces frustrations parce qu’on s’approchera de 2024.
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