Dans un contexte politique sénégalais marqué par la manipulation, la calomnie et la désinformation, le Professeur Moussa Diaw a salué l'appel à des débats ouverts, comme celui proposé par le Premier ministre Ousmane Sonko. Selon l'enseignant-chercheur en Sciences politiques, ce face-à-face annoncé entre le chef du gouvernement et Amadou Bâ à l’approche des élections législatives, pourrait marquer un tournant décisif pour la consolidation de la démocratie au Sénégal. Dans son texte, l'analyste a souligné l’urgence de réformer l’espace politique pour favoriser des échanges fondés sur des idées et des propositions concrètes.
Voici l’intégralité de sa contribution.
Le réveil de la vitalité démocratique !
Le paysage politique souffre depuis très longtemps d’un manque de débat contradictoire d’idées qui constitue un élément substantiel de la vie démocratique. Cette tradition, qui caractérise les pays de référence en la matière, reste à institutionnaliser dans les pores de notre société démocratique. Mais cela nécessite un ancrage des valeurs consubstantielles à la nature d’un tel régime politique qui exige le respect des règles ou des normes en vigueur pour sa consolidation. Ne faudrait-il pas que les différents acteurs soient imprégnés des valeurs leur permettant d’adopter des comportements et des pratiques conformes à cette aspiration ?
Aujourd’hui, la plupart des acteurs politiques ignorent et ne se conforment pas aux exigences de la vie démocratique. Ils cèdent facilement à la calomnie et à la manipulation, génératrices de tensions permanentes. On assiste à un parasitage du débat public en procédant à la désinformation et des campagnes de dénigrement de l’adversaire politique. C’est l’apanage de ceux qui sont habitués à la quête de l’abondance et des privilèges liés à la proximité du pouvoir. L’absence de garde-fous explique sans doute certains agissements et des stratégies visant à détourner les citoyens de l’essentiel. Il convient de mieux organiser l’espace politique en instaurant des règles et des lois pour pérenniser l’esprit et les pratiques démocratiques, largement entamés par le bouleversement politique.
Les enjeux des élections législatives à venir accentuent les rivalités politiques entre leaders cherchant à mobiliser leurs militants afin de se renforcer dans un espace perturbé par une nouvelle dynamique relative aux « transformations systémiques ».
Ainsi, le défi lancé par le premier ministre à la tête de liste de la coalition « Jam Ak Jarin » pour l’affronter dans un débat contradictoire est une innovation dans les mœurs politiques car les leaders politiques sont peu enclins à la pratique de cet exercice par la faiblesse de niveau de compétences et les risques liés à cette confrontation. Pourtant, le débat contradictoire demeure crucial dans une démocratie dans la mesure où il permet, au sein du paysage médiatique, de l’espace public, de montrer son engagement, ses convictions et sa pugnacité à défendre, à expliquer son offre politique, économique et sociale. Il contribue à la formation d’une opinion éclairée et d’une conscience civique. C’est aussi s’attaquer à la gouvernance, aux propositions de l’adversaire politique aux fins de faire adhérer les citoyens à son projet. Il est vrai que cette communication politique n’est pas sans risque comme le disait l’ancien premier ministre français, socialiste, Michel Rocard, il y a quelque chose de terrible dans cette médiatisation politique qui engendre un processus de construction et de déconstruction. Certes, c’est un exercice de clarification pour une lisibilité politique au profit de sa popularité, de son image, de sa crédibilité, de la sédimentation de l’affectivité auprès des concitoyens. Toutefois, l’effet inverse peut se produire après un débat, desservant considérablement un des protagonistes peu rompu à ce type d’exercice.
Si l’organisation de ce débat entre ces deux têtes de listes aux législatives se confirme, on aura franchi une étape importante dans cette volonté d’asseoir des pratiques politiques confortant la démocratie substantielle. Cependant, l’organe de régulation de l’audiovisuel ne semble pas être favorable à une telle confrontation pour des raisons, dit-on, «de rupture d’égalité entre les candidats», privant ainsi les Sénégalais la possibilité de faire leur choix en fonction de la capacité de l’un ou de l’autre à convaincre par une communication persuasive. A mon avis, il faut repenser cet organe qui ne remplit pas son rôle de restructuration du paysage médiatique qui est marqué par une anarchie et un laisser-faire d’organes de presse ne respectant pas les cahiers de charges et la déontologie des professionnels des médias.
En tout état de cause, ce débat est attendu parce qu’il permet au premier ministre de confirmer sa maîtrise et son imagination politiques face à «un chef de l’opposition» dont le discours est dominé par le registre de l’émotion et des sentiments . Or, les logiques politiques n’obéissent pas forcément à ces deux ressentis, une lecture approfondie des œuvres de Nicolas Machiavel lui donnera certainement des éléments de réponse.
Par Moussa Diaw, politologue, spécialiste des relations internationales ([email protected]).
4 Commentaires
Reply_author
il y a 1 semaine (11:39 AM)Reply_author
il y a 1 semaine (13:10 PM)Moi
il y a 1 semaine (12:30 PM)Après ce débat les populations de Bakel,Matam, Kidira etc seront sorties des eaux ?
Respectez les sénégalais waay. Les priorités sont ailleurs. Les vrais débats c'est avant la présidentielle.
Sonko doit travailler au lieu de passer son temps à parler. L'opposition est dans son rôle mais le pouvoir doit travailler à trouver des solutions aux nombreux problèmes des sénégalais.
L'africain parle trop et travaille peu. C'est pourquoi nous sommes les derniers dans le monde.
Bayyi léen thiakhaan. La démocratie c'est pas seulement des paroles, des débats.
Libérez Bougane est aussi de la démocratie, n'est ce pas ?
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