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À l’instar de nombreux pays européens ayant légalisé le cannabis à usage thérapeutique, le Sénégal maintient une répression stricte de sa consommation. Les contrevenants, souvent récalcitrants, encombrent de plus en plus les prisons. Devant les tribunaux, beaucoup affirment utiliser le chanvre indien à des fins thérapeutiques. Face à cette situation, Seydi Gassama, défenseur des droits humains, avait appelé en 2020 à une légalisation pour cette catégorie de consommateurs. Aujourd’hui, alors que l’usage du cannabis progresse parmi les jeunes, Seneweb rouvre le débat avec Me Aboubacry Barro, spécialiste en droit pénal, à la Cour.
Me Barro, en tant que spécialiste du droit pénal, préconisez-vous la légalisation de la consommation du chanvre indien à usage thérapeutique, comme cela se pratique dans certains pays européens ?
La légalisation n’est ni envisageable ni souhaitable au vu de nos réalités religieuses, sociales, culturelles et juridiques. Nous sommes un peuple musulman et chrétien, attaché à des valeurs fondamentales. Le droit pénal, tout comme le droit matrimonial ou celui des statuts personnels, doit s’adapter à ces réalités. Je suis catégoriquement opposé à une telle mesure. Connaissant les Sénégalais, certains n’hésiteraient pas à inventer des maladies ou à falsifier des certificats médicaux pour justifier leur consommation.
Selon vous, une légalisation pourrait-elle contribuer au désengorgement des prisons, comme le suggèrent certains ?
Non, la légalisation ne réduirait pas la population carcérale ; elle risquerait même de produire l’effet inverse. Loin de désengorger les prisons, elle pourrait amplifier le trafic de drogue à des niveaux insoupçonnés. De plus, en autorisant son usage, on aggraverait l’agressivité des consommateurs, ce qui entraînerait une hausse des crimes – meurtres, vols, viols – et, par conséquent, une augmentation du nombre de détenus.
À défaut de légaliser le chanvre indien, faudrait-il envisager un aménagement des peines pour les consommateurs ?
Plutôt qu’un simple aménagement des peines, il faut une approche globale pour traiter le problème à la racine. Cela nécessite l’implication des médecins, des juristes et de l’ensemble de la société. Une politique pénale efficace devrait être mise en place, permettant au juge d’évaluer chaque cas individuellement – la personnalité du prévenu, les risques de récidive – afin de décider s’il est préférable d’envoyer la personne en prison ou de la diriger vers un centre de prise en charge adapté.
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