L'identité du kankourang a été jusque-là un mystère pour le monde depuis son apparition en 1904 à nos jours. Si certains le voient comme un «personnage» qui se cache sous un masque et vêtu d’écorces rouges, d’autres le conçoivent comme un Djinn protecteur qui prend une apparence humaine pour ne pas choquer le monde afin de se fondre dans la masse et protéger ainsi ce mythe qui se cache derrière. En effet, pour en savoir plus sur ce « personnage » mythique, Seneweb est parti à la rencontre de Cheikh Ibou Koté, petit-fils de Baye Maby Koté, initiateur du Kankourang à Mbour. Dans un entretien groupé, le membre de la cellule ouest des collectivités Mandingue ainsi que Sidy Mandiang, président de la commission scientifique de la collectivité ont levé un peu le voile sur les origines, l’importance, le rôle, les dérapages, (...) et limites. Ces fervents protecteurs de la culture mandingue ont également mis le point sur les personnes habilitées à accompagner et à sortir le Kankourang.
Qu’est-ce que le kankourang ?
Le kankourang est un mythe, un personnage redouté par les démons qui fait son apparition au moment de la circoncision des jeunes garçons (mandingue). Ce rituel, qui s’est étendu à d’autres communautés et groupes de la région, est l’occasion pour les jeunes circoncis d’apprendre les règles de comportement qui garantissent la cohésion du groupe, les secrets des plantes et de leurs vertus médicinales ou des techniques de chasse. Contrairement à ce que l’on pense, c'est-à-dire que les mandingues pratiquent le syncrétisme. Non, ce dernier est un mélange entre la religion musulmane et le paganisme. C’est une complémentarité. Dénommé le Diambadong, il est à la fois le garant de l’ordre et de la justice, et l’exorciste des mauvais esprits. En tant que tel, il assure la transmission et l’enseignement d’un ensemble complexe de savoir-faire et de pratiques qui constituent le fondement de l’identité culturelle mandingue.
Quelles sont les origines de ce personnage mythique et quelle est son importance ?
Parmi les multiples versions de rapport à son origine, Kankourang vient de l’empire du Mali sous le nom de Koma, une société secrète de chasseurs dont l’organisation et les pratiques ésotériques ont contribué à l’émergence des Mandingues. Cependant, certains soutiennent que le kankourang serait originaire de l’ancien royaume du Kabou, et plus particulièrement dans la partie bissau-guinéenne. Il y a beaucoup de choses à dire sur le kankourang. Nous ne pouvons pas trop nous avancer sur cela pour conserver l’aspect mythique. Mais je peux vous livrer trois éléments sur le kankourang et nous n'en avons exploité qu’un seul juste pour vous montrer le côté mythique et la richesse de la culture mandingue. Le kankourang a des vertus thérapeutiques. C’est un génie protecteur mais il y a un autre aspect. Il a un rôle d’éducateur.
En période de maturité de certains fruits, on prenait le ‘xanthiou’ du kankourang pour attacher certains fruits. Jusqu’à la maturité de ces fruits, personne n’osait couper un fruit car si tu le coupes, tu tombes sous la sanction populaire. Tu vas cotiser pour rendre cela à la société qui va le consommer.
Le kankourang soigne aussi la stérilité ou une femme qui a souvent des enfants qui meurent tôt. La jeune femme est amenée dans le ‘pinthieu’. Elle est couverte de tissus au point de ne pas pouvoir voir le kankourang. Cela fait, elle se met par terre et le kankourang fait trois tours avec d’autres actions. Il laisse là-bas un ‘xandj’. Il constitue l’aspect apparent du kankourang. Avant de partir, il attache un ‘xandj’ dans le cou de la jeune femme et un autre dans la main de la jeune femme. En l’espace de neuf mois, elle tombe enceinte.
Quand est-ce que le Kankourang a été initié à Mbour et comment ?
En effet, c’est en 1904 que le Kouyan Mansa (chef, responsable des circoncis et de toute personne résidant dans le bois sacré ‘leleu’) né en 1853 à Mansa dans le Kabou en Guinée-Bissau a introduit le kankourang à Mbour , Sénégal . Depuis ce rite d’initiation s’est répandu dans de nombreuses autres zones de peuplement mandingues du Sénégal (à Sédhiou, Kolda et Kédougou…) de Gambie (à Soma, Birkama, Kanifing…) et de Guinée Bissau (à Mansaban, Bafata, Farim…). Néanmoins, il faut comprendre que le Diambadong circulait dans les rues de la ville avant 1904. Cependant, c’est à cette date que les gens ont commencé à voir le kankourang la journée.
Quels sont les types de Kankourang ?
Ici à Mbour, nous avons le kankourang et l’Ifamondi. C’est seulement les appellations qui diffèrent selon régions, c'est pourquoi certains disent qu’ils existent Fara Kankourang, le Jamba Kankourang, le Fatar Kankourang ou encore le Sisal Kankourang qu’il en soit l’un ou l’autre de ces masques, il faut comprendre le Kankourang.
Pouvez-vous décrire le Diambadong à savoir ce qu’il porte ?
Il nous sera très difficile de parler de ce sujet car c’est un secret que nous devons protéger. Mais sachez que le kankourang demeure un personnage mythique qui serait recouvert de fibres tirées d’écorces d’arbres et de fibres rouges d’un arbre appelé «faara ». Certains disent même qu’il serait «vêtu» de feuilles, avec un corps peint de teintures végétales, maniant deux coupe-coupe et poussant des cris stridents. Tout ce que nous pouvons vous dire à ce sujet est que son apparition est marquée par une série d’étapes rituelles et quoi qu’il en soit, il est un mythe qui a une forme humaine pour ne pas choquer le monde.
Dans quelle circonstance le Kankourang doit sortir et en quelle période ?
En général, cette manifestation célébrant la circoncision est organisée chaque année, de début août à fin septembre selon le calendrier lunaire, surtout dans la ville de Mbour. Il est l'esprit qui parcourt les rues en terrorisant la population pour protéger les jeunes circoncis pendant leur initiation. Le kankourang apparaît généralement en fin d’hivernage et à l’occasion des cérémonies de circoncision entre les mois de septembre et octobre.
Également, quand le pays traverse une mauvaise phase, une épidémie, une catastrophe, les autres ethnies venaient discuter avec les sages (Socé) mandingues afin qu’ils fassent sortir le kankourang. Je me rappelle d’un moment où, Mbour était submergée par des décès de nourrissons, dans les maternités,les femmes donnaient naissance à des mort-nés, une situation assez critique pour la population mbouroise. Mon grand-père et d’autres sages on fait un rituel accompagné du Kankourang dans toute la ville afin de protéger le commun et ses occupants.
Pourquoi le choix du mois de septembre ?
Quand les mandingues faisaient le 'leleu', c’était en fonction du calendrier agricole. Cela correspond au mois de septembre, période de maturité, de récolte et de moisson. Mais aujourd’hui, le mois de septembre correspond aussi aux grandes vacances. Nos aïeux faisaient trois mois dans les champs. Mais avec ce calendrier, on profite du mois de septembre pour que nos enfants, neveux puissent entrer dans le 'leleu' sans perturber leur calendrier scolaire. C’est aussi pour qu’ils restent enracinés dans la culture mandingue.
Qui sont habilités à sortir ‘l’iffamondi’ ?
Seuls les mandingues sont appelés à sortir le kankourang ici à Mbour. Quiconque, essayant d'imiter notre tradition devrait faire face à des problèmes car ce que nous faisons ce n’est pas du jeu. Cette pratique que nous avons apprise auprès de nos ancêtres. Il y a même des choses que nous ne maîtrisons toujours pas malgré que nous soyons la cellule mère .Juste pour dire que c’est une culture très complexe, sensible avec laquelle aucune erreur ne sera pardonnée. Parce que, si jamais les choses tournent mal, une malédiction s’abattra sur nous .Donc, toute personne essayant de jouer avec cette tradition sera punie par la divinité.
Qui doit suivre, accompagner le Kankourang ?
Il est accompagné par les Selbés c'est-à-dire ceux qui ont été initiés dans la tradition. On les appelle des ‘’kintagues’’ en mandingues. C’est eux qui guident et surveillent des nouveaux circoncis dans le Bois sacré et pendant leur retraite. Le selbé apprend aux circoncis comment devenir un homme sage, courageux et vertueux. Ce sont des moniteurs-soigneurs qui crachent dans la nourriture des circoncis et les obligent à la manger dans le but de tremper leurs caractères en leur apprenant la vertu de la modestie. Ils suivent le Kankourang, armés de bâtons et de feuilles de rônier. Par contre, parmi les selbés, il y a des initiés c’est-à-dire ceux qui ont été circoncis dans le bois sacré (leleu) et les ‘’Bauvemans’’, ils ont des parents mandingues (socé) mais ils ont été circoncis ailleurs comme à l’hôpital par exemple.
Quels sont les périmètres de circulation ?
Nous avons cinq voire six ‘leul’ mais dès que le kankourang sort, il n'y a plus d’appartenance. Il peut aller où bon lui semble. Il n'y a pas de limites sur les périmètres de circulation du kankourang. Seulement, il ne peut pas entrer dans une maison où il n'y a pas de ‘socé’ ou d’enfant circoncis.
Comment vous -vous organisez pour limiter les dérapages ?
Les sages vont encadrer les jeunes selbés pour éviter les dérapages. Chaque semaine, avant de sortir le Kankourang, une rencontre d’évaluation va être faite avec le commissaire de la police centrale. En ce moment, nous sommes en train de discuter avec le comité des sages afin de limiter le kankourang aux quartiers traditionnels des Mandingues. Mais cette mesure risque de ne pas prospérer, car le limiter à ces quartiers va causer un préjudice économique énorme à l’écrasante majorité de la population qui en tire profit. Car, le septembre mandingue est la période des bonnes affaires. C’est tout une économie qui prend son envol. Les filles se ruent littéralement vers les vendeurs de tenues vestimentaires, des personnes viennent de partout juste pour assister au Kankourang. Même si nous avons noté des cas de provocation du côté des spectateurs qui profèrent des paroles discourtoises à l’endroit du kankourang.
10 Commentaires
Tiey Afrique Mon Afrique
En Octobre, 2022 (17:15 PM)Un Mbourois
En Octobre, 2022 (17:58 PM)Assez!
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En Octobre, 2022 (21:15 PM)Senegal
En Octobre, 2022 (18:17 PM)Reply_author
En Octobre, 2022 (18:33 PM)Na ñu dem jangi mo gënn. Il y a plus a apprendre dans les sciences la technique la religion. Les américains ont fait voyager 1 sonde sur 11 millions de km avant de le faire percuter sur 1 astéréoide pour voir s'ils peuvent changer sa trajectoire. Le monde avance et nous nous complaisons dans notre retard.
Ce dont je suis certain est que ce bonhomme n'avait rien de divin car il a évoqué tous les saints du monde pendant son embarquement.
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