Les habitants de Mboro ne peuvent plus respirer à poumons déployés. Le trafic incessant de camions soulevant une nuée de poussière mélangée aux particules des produits toxiques expose des milliers de personnes à des maladies cardiovasculaires. Ils meurent à petit feu, dans ce coin où les habitants avaient tous les atouts d’être épargnés des besoins élémentaires.
Les camions éventrent la forêt en provenance de la route des Niayes. A hauteur de Keur Ndenné, certains véhicules se suivent, d'autres se croisent. Sur une distance de 2 km entre la mer et les habitations, le rythme est incessant.
Des deux côtés de la route, une forêt touffue d’eucalyptus, de filaos, des pommiers du Kayor entre autres arbres fruitiers créent un décor tropical en milieu sahélien. Le tapis herbacé s’est reverdi. Les singes, très nombreux dans cette brousse, participent à l'accueil. Sur les lieux, un dispositif qui a tout d’une canalisation qui déverse en pleine mer domine. Une petite hutte sert de gît à deux hommes. Ils sortent aussitôt que notre véhicule est garé. A quelque 20 mètres, un homme prédisposé à la surveillance alerte. « L’accès est interdit à toutes les personnes qui ne travaillent pas là ». C’est une zone interdite. Pour y accéder, il faut une autorisation et un équipement spécifique.
Quelques minutes après, un camion-citerne a vidé son contenu. Le chauffeur reprend au mot-près les propos du gardien sur l’interdiction avant de s’en aller au bord de son véhicule. Renseignements pris, c’est la routine tous les jours. Les camions citernes remplis de déchets toxiques des industries chimiques du Sénégal (ICS), traversent la ville avec et les déversent au niveau du site qui donne en pleine mer. Ils empruntent aussi le même chemin avec l’acide brut pour se rendre à Dakar ou ailleurs à l’intérieur du pays. Nous avons décidé de faire ce trajet pour se mettre dans la peau des populations qui souffrent dans leur chair de ce désastre écologique, sanitaire et social.
Le maraîchage en sursis
La commune de Mboro est la capitale des Niayes. La zone est réputée pour son maraîchage fructueux et ses arbres fruitiers. C’est également une zone très industrielle. Elle abrite entre autres les Industries chimiques du Sénégal (ICS). A cela s’ajoutent plusieurs carrières qui exploitent le sous-sol de la localité. L’environnement de la commune est dégradé par l’exploitation minière. Située dans le département de Tivaouane (Région de Thiès), la cité de Mboro est peuplée d’environ 50.000 âmes. Malgré la forte industrialisation, la zone ne dispose que d’un seul axe routier. Une route à deux sens très étroite et où, il est noté un trafic très dense de camions convoyant des produits dangereux pour la santé des populations. Cette pollution déteint aussi sur les cultures avec des effets d’entraînement sur la baisse drastique de la production agricole et maraîchère de cette localité prédestinée depuis l’époque coloniale aux productions maraîchères et fruitières.
Au moins 500 camions de produits chimiques traversent le marché par jour
Les camions des ICS convoient à plein régime des produits toxiques (soufre jaune, acide-mort de l’acide brut entre autres) nocifs à la santé des populations. Cela en traversant un marché et les populations qui vivent dans les contours de la seule route qui existe depuis belle lurette. D’ailleurs, son état laisse à désirer. Elle est jonchée de nids de poules çà et là. Durant l’hivernage, des flaques d’eau perlent le bitume.
A midi déjà, l’embouteillage est monstre. Camions, charrettes, clandos, véhicules particuliers se disputent la route avec les piétons qui évitent les étals des commerçants à hauteur de marché.
La seule route de Mboro a un trafic routier de plus de 500 camions par jour selon des études effectuées sur le secteur. Des voies de contournements n'existent pas. « C'est une zone industrielle et on vit avec des industries extractives. Il y a une vingtaine de carrières dont les produits passent par Mboro. Ils traversent le marché qui est inondé de monde. Ici, les femmes et autres marchands commercialisent des vivres. Il n'est pas du ressort de la mairie d'interdire le passage des camions mais nous comptons veiller à ce que la traversée soit régulée », explique Lamine Diakité, adjoint au maire de la commune. Il est membre de l’observatoire territorial sur le secteur extractif. L’autorité municipale est hantée par la situation. D’ailleurs, il travaille avec la société civile pour que cette ’’poudrière’’ ne fasse pas plus de dégâts. « Le forum civil nous appuie dans ce combat que nous portons à juste raison » dit-il.
Une route à double sens très étroite
Selon ce dernier, les déchets chimiques qui sont déversés à la mer passent à l'intérieur de la commune. Cela a été décrié. « Sans doute les conventions entre l'Etat et les ICS que nous ne maîtrisons pas toujours, leurs donnent la possibilité de transiter par la ville. Tout ce que nous voulons, c'est que cela prenne fin. Il y a des produits très dangereux qui traversent Mboro et dont les populations en souffrent. Ça, tout le monde le sait. Il faut que des solutions rapides soient trouvées ». Des incidents majeurs sont notés parfois. En plus de ceux sanitaires avec des maladies dont les populations sont confrontées on note des déversements de soufre et des accidents sont enregistrés. « On a souvent des retours au niveau des Postes de santé de la commune et des structures au niveau départemental et régional. Nous faisons face à de nouvelles pathologies dues à la pollution ».
Elargissement de la route, contournement des camions
La mairie porte le plaidoyer et les travaux de réhabilitation de la route sont prévus dans un court délai. C’est un projet de l’Etat du Sénégal porté par l'Ageroute. Les travaux devraient commencer officiellement mais pour des raisons d'hivernage, ils sont retardés. Il s’agira de l’élargir pour qu’il y ait au moins deux voies qui puissent contenir le flux. La route est utilisée en aller comme en retour et passe au milieu du marché.
Sur la question à savoir, si les déguerpissements pour l’élargissement ne poseront pas problème, il souligne que si ceux qui sont là de manière anarchique se déplacent, tout se fera sans couac. En plus des heures de circulation proposées pour les camions, il leur faut une voie de contournement. Un seul plaidoyer est de rigueur : des voies de contournement pour désengorger le flux et surtout des voies secondaires, faire de sorte que les normes idoines soient respectées par les industries pour que ce produit ne se déverse plus sur les routes.
Maux de tête, irritations des paupières, infections pulmonaires
L’adjoint au maire parle de retour au niveau des Postes de santé de la commune et des structures au niveau départemental et régional faisant état de maladies dues aux produits toxiques. Il est confirmé par Fama Ndao, superviseur des femmes en charge de la propreté de la ville. « C’est nous qui balayons la voie. Le soufre se déverse partout où les camions passent. Ce produit, il n’est point besoin d’expliquer que c’est dangereux. C’est d’ailleurs ce qui fait que nous respirons en même temps cette poussière infectée par ce produit que transportent les camions citernes. Il s’agit souvent de l’acide venant de Dakar et ou des déchets chimiques qu’ils vont déverser dans les sites à la sortie de la commune » explique–t-elle. Sur les conséquences directes de ce contact avec ce produit, elle explique : « nous souffrons de maux de tête atroces et des démangeaisons et des irritations des paupières. Il y a une asthmatique qui a dû abandonner son contrat parce qu’était gravement malade à cause de ce produit qui se déverse partout. S’y ajoute qu’il y a des jours où les femmes refusent de balayer parce qu'il y a beaucoup de soufre dans les rues ». Poursuivant son raisonnement, il déclare : « on a point besoin d’expliquer qu’il y a une seule route à Mboro et le trafic est très dense. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous demandons que des voies de contournement soient réalisées pour les camions ou qu’ils roulent la nuit. Nous souffrons gravement. Les entreprises ne font rien. Et pourtant dans le cadre de la responsabilité sociétale d’entreprise, elles doivent appuyer et la mairie et autres organisations qui sont victimes de leurs productions ».
Fatimata Mbow membre (FCM, femmes des collectivités minières) : « Ces camions nous exposent et les industries ne prennent pas leurs responsabilités »
Nous avons mis sur pied un observatoire pour pousser les entreprises qui sont dans la localité à respecter leur responsabilité sociale envers les populations. Il a été mis sur pied grâce à l’appui de la mairie et du Forum Civil. L’étroitesse de la seule route de Mboro est un calvaire. Nous vivons le désarroi surtout du côté du marché où les femmes vendent à manger pendant que ces camions chargés de produits toxiques vont et viennent. Chaque année presque on assiste à des accidents et sont souvent mortels. Les femmes sont victimes du trafic dense des camions. Parfois ceux qui assurent le transport urbain refusent de se déplacer simplement parce qu’il y a des heures où les camions des ICS de GCO et tous les autres véhicules prennent d’assaut la route. Cela enregistre un embouteillage monstre et retarde nos activités. S’y ajoute, ce sable qui est transporté par certains camions et qui avec le contact du vent se déverse sur les aliments qui sont vendus sur le marché, cela pose la problématique de l’hygiène et de l’insalubrité.
Il y a aussi un problème d’environnement en plus de celui de la route qui sévit à Mboro. Les déchets toxiques sont déversés sur un site. Ils étaient même obligés de changer de site parce que ce produit déversé à la mer à des conséquences directes sur les populations.
Elle souligne que l’Etat est en train avec Ageroute de trouver des possibilités d’élargir la route mais les entreprises qui sont dans la localité doivent aussi jouer un rôle dans cette recherche de solution. « La population doit ressentir leur implication dans ce qui se fait. Elles ont un devoir envers nous et doivent ériger une voie de contournement et ne plus marcher dans ces zones de fortes occupations. Les autorités locales font leur travail mais ont besoin d’être appuyées au niveau du sommet pour une meilleure prise en charge de cette problématique » note Fatimata Mbow.
L’idée d’élargir la route n’enchante pas les commerçants établis au niveau du marché. Pour la plupart d’entre eux, il faut réfectionner la route et trouver une voie de contournement pour les camions. A défaut, les commerçants réclament un site de recasement à la place du dédommagement insignifiant. Il y a des pères et mères de famille qui vivent de leur travail au marché. Ce n’est pas pour rien qu’ils bravent les camions chargés de produits toxiques tous les jours. Ils ont besoin de faire vivre leur famille. C’est pour cette raison et tant d’autres que les entreprises responsables puissent mettre la main à la poche.
11 Commentaires
Roukhou
En Août, 2023 (10:10 AM)Monsieur Pierre Babacar Kama doit être entrain de se retourner dans sa tombe lui qui a sacrifié toute sa vie et ses forces pour cette industrie, au moment où le fmi et la banque mondiale étaient entrain de tuer le petit embryon d'industrie qu'il y avait dans ce pays lui il bataillait ferme pour développer cette industrie que des politichiens ont fait perdre a notre pays au profit de l'inde
Kassem Diop
En Août, 2023 (10:22 AM)Reply_author
En Août, 2023 (17:35 PM)Ils vont tirer le maximum de profit, détruire la zone et partir.
Ils savent que nos autorités n'ont aucune expertise et esprit de leadership pour les contrôler.
Ils savent que c'est facile de corrompre et passer
Transport Ferroviaire
En Août, 2023 (11:17 AM)Regardez dans les quartiers et anciens Cité HLM conçue villa basse avec des trottoirs dégagées, les immeubles de plus de 5 étages se côtoient sans parking souterraine, le stationnement et les airs de jeux des enfants sont squatter par les véhicules, où allons nous,avec cette manque de prévision de perspective urbaine ?sans des mesures de sans pécuniaire prise ,propriétaires en complicités de maires de communes empiètent sur les trottoirs pour bâtir des magasins en versant des contreparties de pots de vins au agent voyer, l'espace piéton trottoir, les gens sont obligés d'occuper la chaussée à leur risque de périls, les véhicules "TATA" et "Ndaga Ndiaye "qui se comporte comme des véhicules léger pour gagner du temps sur des voies étroites et mal assainie, Sénégal Ndiaye ! ou Senegal Salde?
jamais le sénégal n'aura connu une presse aussi dégueulasse une presse aussi corrompue
jamais le sénégal n'aura connu une presse aussi dégueulasse une presse aussi corrompue
Garage Malien
En Août, 2023 (15:22 PM)Tourisme Local
En Août, 2023 (15:40 PM)Leral
En Août, 2023 (16:28 PM)Reply_author
En Août, 2023 (17:37 PM)Ils vont tirer le maximum de profit, détruire la zone et partir.
Ils savent que nos autorités n'ont aucune expertise et esprit de leadership pour les contrôler.
Ils savent que c'est facile de corrompre et passer
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