Malgré l'émotion suscitée par les interdictions émiraties imposées aux Tunisiennes, le ministère des Affaires étrangères tunisien se veut rassurant ce mardi. Les deux pays sont en cours de discussion pour désamorcer une crise dont les réelles raisons demeurent encore floues.
Au ministère des Affaires étrangères tunisien, on se veut confiant ce mardi 26 décembre : « Des contacts amicaux et quotidiens existent à travers les ambassades des deux pays et je sais que des contacts téléphoniques subsistent entre les deux ministres chargés des affaires étrangères », confie à Jeune Afriqueun haut fonctionnaire du ministère.
Le sujet est la crise que traversent les relations entre la Tunisie et les Émirats arabes unis. À en croire le ministère des Affaires étrangères, « des contacts directs et échanges d’informations entre les services sécuritaires des deux pays sont en cours au sujet de l’alerte émise par les Émiratis ». Ces derniers assurent en effet que leur décision d’interdire momentanément aux Tunisiennes d’embarquer sur les vols en direction de leur pays était motivée par une alerte de leurs renseignements selon laquelle une femme détentrice d’un passeport tunisien devait exécuter un attentat à Dubaï.
Une partie tunisienne tempérée
« La partie tunisienne essaie de répondre avec tempérance et respect. Bien que quelques officiels aient montré leur étonnement, le gouvernement essaie de calmer le jeu », remarque l’analyste politique Youssef Cherif, chercheur auprès de l’université de Columbia. Ce dernier relève d’ailleurs que ces derniers temps, et notamment au moment de l’éclatement de la crise du Golfe en juin dernier, « la Tunisie s’en est fermement tenue à une position de neutralité et de dialogue » et s’est gardée de se fâcher avec l’un ou l’autre des acteurs de la brouille.
Du côté des officiels tunisiens, la décision émiratie ne serait pas liée à la visite au début du mois du ministre des Affaires étrangères du Qatar à Tunis. Leur langage reste très diplomatique. Au ministère des Affaires étrangères en effet, après avoir assuré qu’une alerte terroriste était bien la cause de la décision émiratie, confirmant la déclaration de la porte-parole de la présidence tunisienne, on répète : « Les deux parties sont animées par la volonté d’aplanir le problème dans les plus brefs délais. »
Une société civile en colère
Mais l’opinion publique, elle, est bien moins encline à la tempérance. « Sur les réseaux sociaux ou via la presse, le ton de la société civile est à la colère. Les différentes étapes de la crise sont prises comme des marques de mépris ou des volontés de pression », remarque le chercheur Youssef Cherif.
Les tensions entre les Émirats arabes unis et la Tunisie ont commencé à l’aune de la révolution de 2011, et renvoient depuis un certain temps directement à la vie politique intérieure de la Tunisie. Les différents camps politiques tunisiens s’accusent d’ailleurs parfois les uns les autres de jouer pour telle ou telle nation de la Péninsule arabique.
Hassen Zargouni, le patron de Sigma Conseil, relie également les affaires extérieures et intérieures du pays : « Il y a un schisme désormais total entre, d’un côté, les amis du Qatar et de la Turquie, et de l’autre, ceux qui soutiennent l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis ».
Une division basée sur le constat que si Doha s’est montrée propice à soutenir les islamistes dans la foulée des révolutions de 2011, les Émirats, eux, ont plutôt joué en faveur d’un retour à l’ordre, et qui peut jouer sur les relations, ou du moins influencer la parole officielle tunisienne. Et Cherif de mettre en relief : « La communication émiratie a en partie été faite sur Twitter [Anwar Gargash, le ministre des Affaires étrangères émirati, s’est en effet notamment exprimé à travers ce média, ndlr]. Les internautes tunisiens commentent, souvent sur un ton acerbe ou moqueur leurs déclarations… »
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