La libération décidée lundi par la justice de l'ex-président Hosni Moubarak, qui a régné d'une main de fer pendant 30 ans, vient clore symboliquement le chapitre du Printemps arabe en Égypte.
La fin des affaires judiciaires et la future remise en liberté de M. Moubarak, 88 ans, mettent un point final aux déboires de l'ex-président, qui avait été contraint de quitter le pouvoir le 11 février 2011, à l'issue d'une révolte de 18 jours réprimée dans le sang.
"L'idée du Printemps arabe a cessé d'exister en Egypte", a affirmé lundi à l'AFP Mai Mogib, professeur de Sciences politiques à l'Université du Caire.
Selon elle, "discuter de Moubarak et des symboles de son temps est (désormais) acceptable dans les médias et dans la rue".
Après un intermède démocratique entre la mi-2012 et la mi-2013, qui a vu l'élection de l'islamiste Mohamed Morsi à la présidence, le pays est retombé entre les mains des militaires avec Abdel Fatah al-Sissi, qui a renversé le premier président civil du pays.
L'opposition islamiste a été laminée et nombre de leaders du Printemps arabe ont été emprisonnés ou contraints à l'exil.
Quant à la situation économique du pays, calamiteuse, elle est devenue la préoccupation majeure des Égyptiens.
- Interdit de voyage -
Depuis son arrestation en avril 2011, M. Moubarak a passé le plus clair de son temps dans un hôpital militaire du Caire, en résidence surveillée.
L'avocat Me Farid el-Deeb a affirmé lundi à l'AFP que le parquet avait accepté sa remise en liberté et M. Moubarak "pourra rentrer chez lui lorsque les docteurs diront qu'il peut sortir".
Il ne pourra toutefois pas se rendre à l'étranger, d'après son avocat.
L'ex-président est en effet interdit de voyage en raison d'une enquête de l’organisme égyptien des gains illicites, qui surveille les fortunes accumulées de manière frauduleuse.
M. Moubarak a été jugé dans deux grandes affaires depuis son départ du pouvoir.
Dans l'un des principaux dossiers, il a été accusé d'avoir incité au meurtre des participants aux manifestations pendant la révolte, au cours de laquelle quelque 850 personnes ont été tuées lors d'affrontements avec la police.
Il a été condamné à la prison à vie en juin 2012 mais un nouveau procès avait été ordonné par la justice.
En novembre 2014, un autre tribunal qui le rejugeait avait finalement ordonné l'abandon des accusations, blanchissant ainsi M. Moubarak, mais le parquet avait introduit un recours en cassation.
Le 2 mars dernier, la cour de Cassation a finalement confirmé l'abandon des charges.
A la suite de cette décision, des familles de victimes des violences de 2011 avaient réagi avec colère.
- "Pour rien" -
Mostafa Morsi, qui a perdu son fils Mohamed le 28 janvier, le 28 janvier 2011, a dénoncé une justice "corrompue". "Le sang de notre fils a coulé pour rien (...) La corruption est de retour en force", avait-il dit à l'AFP.
"J'aurais pensé que le Printemps arabe nous aurait donné une meilleure qualité de vie, mais c'est pire. Tout est pire", avait-il dit.
A l'inverse, Mahmoud Ibrahim, 37 ans ancien responsable du Parti démocratique national, le parti de M. Moubarak, a affirmé à l'AFP qu'"après six ans de soi-disant Printemps arabe, les gens regardent le temps de Moubarak avec nostalgie".
Dans un autre grand procès, la cour d'appel avait confirmé en janvier 2016 une peine de trois ans de prison pour M. Moubarak et ses deux fils, Alaa et Gamal, dans une affaire de corruption.
Il était accusé avec eux d'avoir détourné plus de 10 millions d'euros, alloués à l'entretien des palais présidentiels. Outre les trois ans de prison, tous trois ont été condamnés ensemble à payer une amende de 125 millions de livres égyptiennes (environ 15 millions d'euros) et à rembourser à l'État 21 millions de livres (2,5 millions d'euros).
Pour cette affaire, M. Moubarak a purgé sa peine et ses deux fils ont été remis en liberté.
Après 2013 et la destitution de Mohamed Morsi par l'armée, les démêlés judiciaires de ce dernier avaient éclipsé ceux de M. Moubarak.
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