L’opposition gabonaise a jusqu’à jeudi après-midi pour déposer un recours contre les résultats contestés de l’élection présidentielle ayant précipité le pays dans la crise, mais n’a pas encore annoncé sa décision.
La date limite des recours devant la Cour constitutionnelle est fixée à jeudi 16H00 (15H00 GMT). Mais Jean Ping, le candidat de l’union de l’opposition arrivé juste derrière le président sortant Ali Bongo Ondimba selon les résultats officiels, et qui s’est autoproclamé président élu, affirme que la Cour est totalement inféodée à la présidence
Mercredi, à la veille de la date butoir, Ali Bongo, 57 ans, a contre-attaqué, martelant que la saisine de la Cour constitutionnelle était l’unique solution envisageable de sortie de crise.
Renvoyant dans les cordes les observateurs de l’Union européenne qui ont fait état mardi d’une « anomalie évidente » dans les résultats du scrutin à un tour du 27 août, M. Bongo, qui a accédé à la présidence à la mort de son père, en juin 2009, a jugé que « certains (d’entre eux) ont outrepassé leur mission ».
S’exprimant sur la radio française RTL, mais aussi sur RFI et Europe-1, le président sortant a également balayé d’un revers de la main toute possibilité d’un recomptage des voix bureau de vote par bureau de vote.
Ce recomptage est réclamé par l’opposition mais aussi par la France, ancienne puissance coloniale toujours influente dans ce petit pays pétrolier d’Afrique centrale.
M. Bongo a répété qu’une telle disposition n’était pas prévue par la loi électorale et relevait exclusivement d’une décision de la Cour.
M. Ping n’avait pas annoncé mercredi en fin de journée s’il avait décidé ou non de saisir le tribunal. « Nous verrons », s’est borné à répondre son coordonnateur de campagne René Ndemezo Obiang à la presse qui l’interrogeait sur ce point.
– Tacle pour l’opposition –
« Je ne peux pas violer la loi » qui donne compétence seulement à la Cour constitutionnelle pour ordonner un recomptage, a argumenté M. Bongo.
« Mes adversaires le savent, ils ont fait voter cette loi. Et quand cette loi a été votée, je n’étais même pas au gouvernement alors que certains d’entre eux y étaient », a-t-il poursuivi. Il faisait référence à nombre de responsables de l’opposition, dont M. Ping, qui ont travaillé durant de longues années aux côtés de son père, Omar Bongo, décédé en 2009 après avoir dirigé le Gabon pendant 41 ans.
Il tacle d’ailleurs son rival à ce sujet: « ce n’est pas à 74 ans que M. Ping va commencer une carrière de démocrate qu’il n’a jamais été ».
Il a également confirmé son intention de déposer des recours devant l’institution pour contester des résultats de M. Ping dans certains bureaux.
Pour la communauté internationale, l’attention se focalise sur la province du Haut-Ogooué, fief de la famille Bongo.
« Une analyse portant sur le nombre de non-votants et des bulletins blancs et nuls révèle une évidente anomalie dans les résultats finaux du Haut-Ogooué », avait indiqué mardi la chef de la mission d’observation de l’UE à l’élection, Mariya Gabriel.
Cette province, selon les résultats officiels provisoires, a enregistré un taux de participation de 99,93% et permis au président sortant d’être réélu d’une courte tête (5.594 voix d’avance) dans ce pays qui compte 1,8 million d’habitants.
L’annonce des résultats officiels provisoires du scrutin le 31 août a déclenché une vague d’émeutes meurtrières et des pillages massifs à Libreville et dans plusieurs villes de province.
– Destructions ‘très importantes’ –
« Le bilan matériel est très important. Nous sommes encore en train d’évaluer tout ce qu’il y a eu de pillé, de brûlé, de cassé. En ce qui concerne le bilan humain, nous déplorons trois décès et une centaine de blessés », indiqué le chef de l’Etat, reprenant le bilan du ministère de l’Intérieur.
Les troubles ont fait « au minimum 50 morts et disparus », a affirmé le coordonnateur de campagne de M. Ping.
L’AFP a recensé pour sa part sept morts, dont un policier.
Une délégation de chefs d’Etat de l’Union africaine est attendue d’ici jeudi à Libreville pour tenter de désamorcer la crise et éviter que le Gabon, jusqu’à présent un des rares pays stables d’une région troublée, ne sombre à son tour dans le chaos.
Dans l’attente du dénouement de la crise, la vie tourne au ralenti, même si quelques titres de la presse – d’opposition comme proche du pouvoir – ont reparu jeudi, après plus d’une semaine de paralysie.
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