La situation est toujours confuse à Bissau après la tentative de coup d’Etat avorté du lundi 26 décembre. S'agit-il d'un vrai ou d'un faux complot ? Le commandant de police Yaya Dabó, suspecté de mutinerie, a été abattu froidement au moment où il se livrait volontairement aux autorités. Les organisations des droits de l’homme et la société civile condamnent un acte « barbare » et pointent la responsabilité du ministre de l’Intérieur. Jean Ping, le président de la Commission de l’Union africaine (UA) déclare de son côté que « la situation est maintenant normalisée ».
Le bilan officiel de l’attaque survenue aux premières heures de la journée du lundi 26 décembre 2011 n’a pas été communiqué.
Suite à l’attaque, des équipes de militaires, policiers et paramilitaires ont aussitôt mené des opérations de recherche de suspects qui ont entraîné la mort d’un agent de police et du commandant Yaya Dabó, qui a été abattu hier.
Selon nos sources, deux versions entourent les circonstances de sa mort. Etant recherché activement depuis le soulèvement car soupçonné d’être impliqué dans l’attaque, Yaya Dabó a d’abord pris contact avec un député du PAIGC, le parti au pouvoir, pour se livrer volontairement aux autorités et s’expliquer. Pour cela et en tant que député, il a alors traité avec le ministère de l’Intérieur qui aurait fourni des garanties : le ministre aurait lui-même ordonné que deux agents de la police d’intervention rapide soient dépêchés pour sécuriser le déplacement du commandant Dabó. Il était également accompagné de deux responsables de la Ligue des droits de l’homme du pays.
Selon une première version, la voiture aurait été interceptée sur la route avant même d'atteindre les locaux de la police judiciaire où voulait se rendre l'officier. Des policiers l'aurait extrait du véhicule et emmené.
La deuxième version indique que c'est une fois arrivé près du commissariat, proche du ministère de l'Intérieur, que le commandant Dabó a été brutalement sorti de la voiture par des policiers et exécuté quelques minutes plus tard sous les yeux de tous ceux qui l’accompagnaient. Manifestement piégé, l'officier a été froidement abattu alors qu'il se livrait volontairement.
Pour le moins embarrassée d'être mêlée à ce traquenard, la Ligue des droits de l'homme a publié hier un communiqué pour dénoncer un acte « barbare » et pointer du doigt la responsabilité du ministère de l'Intérieur dans ce crime.
Coup d’Etat ou manipulation du gouvernement
Yaya Dabó était un militaire qui servait dans la police mais qui n’exerçait plus ses fonctions depuis la mort de son frère : Baciro Dabó, ex-ministre de l’Administration territoriale, tué par des militaires en juin 2009 et proche de l’ancien président João Bernardo Vieira, lui-même assassiné en mars de la même année.
Depuis cette période, Yaya Dabó se battait, au sein d’un groupe de plusieurs partis de l’opposition, pour que justice soit faite. Le collectif des partis de l’opposition démocratique s’en est pris, jusqu’ici, essentiellement à l’actuel Premier ministre Carlos Gomes Junior qu’il accuse de devoir rendre des comptes à la justice sur les assassinats des dirigeants politiques à cette période.
Contacté par RFI, Fernando Vaz, porte-parole du collectif de l’opposition démocratique, s’insurge contre cette « exécution » de Yaya Dabó et dénonce ce qu’il appelle « le plan B » du ministère de l’Intérieur. « Il y a une insurrection militaire et le ministère de l’Intérieur met immédiatement en place son plan B pour l’exécution et l’élimination physique de personnalités politiques opposées au Premier ministre », a-t-il déclaré.
De son côté, Ibrahima Djaló, un des leaders du même collectif de l’opposition qui compte une dizaine de partis, proteste contre l’arrestation de plusieurs personnes par les forces de sécurité, et pose la question de savoir s’il s’agit d’un coup d’Etat ou bien s’il y a eu manipulation de la part du gouvernement.
Ibrahima Djaló, un des leaders du collectif de l'opposition démocratique : "Les gens ne comprennent pas s’il y a eu un coup d’Etat ou bien s’il y a eu une manipulation du gouvernement pour pouvoir arrêter des gens de l’opposition."
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28/12/2011 par Ghislaine Dupont
En fin d’après-midi, le gouvernement a annoncé la mise en place prochaine d’une commission d’enquête. Cependant, le communiqué ne dit pas quand, comment et ne mentionne pas non plus sa composition.
La situation « est maintenant normalisée »
Le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Jean Ping, s’est rendu ce mercredi 28 décembre 2011 à Bissau pour une visite de quelques heures. A l’issue de sa visite, Jean Ping est reparti rassuré. La situation en Guinée-Bissau « est maintenant normalisée », a-t-il déclaré.
Après avoir rencontré le président de l’Assemblée nationale Raimundo Pereira, qui assure l’intérim du chef de l’Etat Malam Bacai Sanhá, actuellement soigné en France ; le Premier ministre Carlos Gomes Junior, des députés et des responsables de l’armée, Jean Ping s’est donc dit optimiste. Il dit aussi avoir passé le message de l’UA. Tous ses interlocuteurs ont regretté les événements de lundi et exprimé leur engagement à travailler ensemble pour faire régner la paix, la stabilité et la concorde nationale.
Le président de la Comission de l’UA a également discuté des réformes dans les secteurs de la défense et de la sécurité, deux secteurs qui sont à la base de tous les soubresauts que la Guinée-Bissau a connus depuis son accession à l’indépendance en 1974.
Néanmoins, et pour la réussite de la réforme, dira Jean Ping, il faut mettre en place un fonds de pension. Plusieurs pays ont promis mais tardent encore à mettre la main à la pâte. Jean Ping a promis d’actionner des mécanismes pour accélérer la mise en place de ces fonds.
4 Commentaires
Amilcar Cabral
En Décembre, 2011 (00:21 AM)Amilcar Cabral
En Décembre, 2011 (00:38 AM)Emlu
En Décembre, 2011 (14:52 PM)Essamye
En Décembre, 2011 (14:45 PM)Participer à la Discussion