Trois militants du parti au pouvoir abattus dans l'est du Burundi, sanglants affrontements entre forces de l'ordre et rebelles dans l'ouest: le Burundi, récemment marqué par une longue guerre civile, craint une spirale de la violence à cinq mois de ses élections générales.
Dans la nuit de dimanche à lundi, cinq hommes munis d'armes automatiques ont fait irruption dans un bar de Gisuru, commune de la province de Ruyigi située à quelque 250 km à l'est de la capitale Bujumbura.
Habillés en "tenue militaire", ils "ont ciblé trois militants du parti Cndd-FDD", dont le vice-président de la formation pour la zone, par ailleurs directeur de l'école primaire locale, Pierre Bucumi, a expliqué mardi un responsable local sous le couvert de l'anonymat. Selon la même source, les agresseurs ont ligoté leurs victimes et les ont "couchées par terre avant de les tuer" à l'arme automatique puis "ont brûlé un peu plus loin une maison (de leur) parti qui sert de lieu de rencontre et de réunion".
L'attaque a été confirmée par le porte-parole adjoint de la police du Burundi, Pierre Nkurikiye, qui a précisé qu'une enquête était "en cours pour identifier ce groupe de bandits responsables de cette attaque". Le porte-parole du Cndd-FDD, Onésime Nduwimana, a, lui, immédiatement parlé d'un "crime très grave (...) à caractère politique" à l'approche des élections générales prévues à la mi-2015. Sans donner de noms, il a accusé "la frange extrémiste de l'opposition burundaise" d'être derrière l'attaque. Son objectif serait "de saboter les élections de 2015".
Ce mardi, les autorités ont envoyé des dizaines de renforts policiers et militaires dans la région, où, selon la police, dans la nuit de lundi à mardi dans une commune voisine, une dizaine d'hommes armés, en tenue policière, ont tendu une embuscade à un bus et dépouillé sa vingtaine de passagers. L'attaque contre les militants du parti du président Pierre Nkurunziza est intervenue dans un contexte d'extrême tension : les violences armées se multiplient à l'approche des élections générales prévues en mai et juin.
La semaine dernière encore, les forces de l'ordre burundaises ont affronté pendant cinq jours à une cinquantaine de km au nord de Bujumbura un important groupe de rebelles non encore identifié fort, selon des témoins, de près de 200 hommes. L'armée affirme avoir tué une centaine de ces hommes venus de la République démocratique du Congo (RDC) voisine, un contingent mêlant à la fois de Hutu et de Tutsi, chose inédite dans un pays à l'histoire post-indépendance marquée par les conflits interethniques.
En 2014, cette région frontalière avait déjà été le théâtre de plusieurs incidents impliquant des rebelles burundais en provenance de RDC. "Ce qui se passe aujourd'hui au Burundi est plus que préoccupant", estime Charles Nditije, l'un des principaux chefs de l'opposition. M. Nditije, lui-même récemment écarté de la tête du principal parti tutsi du pays (l'Uprona) par des manoeuvres du pouvoir, n'hésite pas à parler de "véritable guerre" à propos des sanglants affrontements de la semaine dernière dans la province de Cibitoke, frontalière de la RDC.
"La communauté internationale est très inquiète de ces nouveaux développements, à quelques mois du début d'un processus électoral crucial pour le Burundi", renchérit un diplomate qui a requis l'anonymat. En mai et juin seront organisées élections communales, législatives et présidentielle. "On a l'impression que les points de friction se multiplient", poursuit le diplomate. "Jusqu'où cela peut-il aller? On ne sait pas, mais tout cela est devenu alarmant".
De fait, les violences armées viennent s'ajouter à un lourd climat politique: l'opposition, qui accuse le président Nkurunziza de chercher à briguer un troisième mandat de façon inconstitutionnelle, est peu à peu mise en pièce et l'espace public est de plus en plus restreint. Charles Nditije, qui, comme ses collègues de l'opposition, dénonce "des fraudes massives" dans la préparation des élections, notamment dans l'inscription sur les listes électorales, déplore ainsi "toutes sortes de tensions politiques".
"Si rien n'est fait", a-t-il poursuivi, "tout cela peut déboucher sur une crise majeure au Burundi", déjà marqué par une longue guerre civile entre 1993 et 2006.
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