Zone de contact avec la péninsule Arabique, la Corne de l’Afrique est une région stratégique : ports, puits de pétrole, trafics de marchandises, d’armes et de populations. Occidentaux, Asiatiques, multinationales, pétromonarchies et puissances locales — Éthiopie et Érythrée en tête — s’y livrent une lutte d’influence explosive, attisée par le conflit au Yémen.
ans la région de Tsorona (Érythrée), ce 12 juin, des unités de reconnaissance de l’armée éthiopienne, qui avaient pénétré chez leurs voisins peu avant l’aube, rencontrent des patrouilles locales. En quelques minutes, un segment de plusieurs dizaines de kilomètres de l’ancienne ligne de front de la guerre entre les deux pays (1998-2000) s’embrase : tirs d’artillerie lourde, mouvements de tanks, feu roulant pendant près de vingt-quatre heures. Asmara dénonce une« agression », tandis qu’Addis-Abeba conserve un silence embarrassé. Il faut attendre le 14 juin pour que le porte-parole du gouvernement éthiopien publie un communiqué belliqueux proclamant que son pays a « la capacité de mener une guerre totale contre l’Érythrée ».
Une telle menace semble disproportionnée, s’agissant d’un banal incident de frontière comme il s’en est produit des dizaines depuis l’inconfortable armistice d’Alger, signé entre les deux belligérants en 2000 (lire « Les frères ennemis »). Ces vociférations s’inscrivent cependant dans un contexte de tensions beaucoup plus graves qu’il n’y paraît. Le 18 juin, une discrète réunion d’urgence se tient à Washington à la demande du gouvernement éthiopien, tandis que, le 21, le ban et l’arrière-ban de l’opposition armée éthiopienne se réunissent à Genève. Aucune forme d’opposition civile n’existe à Addis-Abeba, le régime ayant marginalisé tous les mouvements dissidents ; le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE) de l’ancien président Meles Zenawi (mort en 2012) détient 472 des 527 sièges à la Chambre des représentants. En 2015 et 2016, les révoltes des populations oromo et amhara, laissées-pour-compte de la croissance, ont été réprimées dans le sang.
Les mouvements politico-diplomatiques de juin 2016 coïncidaient avec des déploiements militaires. Depuis le 6 juin, des soldats éthiopiens sont positionnés dans le district de Tadjourah, en République de Djibouti, conformément à l’accord signé début mai avec le président djiboutien Ismaïl Omar Guelleh. Le chef d’état-major de l’armée (...)
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Anonyme
En Septembre, 2016 (10:51 AM)Participer à la Discussion