La Cour constitutionnelle sud-africaine doit décider jeudi si le président Jacob Zuma a violé la constitution en utilisant l’argent des contribuables pour rénover sa résidence privée, un jugement qui pourrait encore alimenter les appels, déjà nombreux, à sa démission.
Jacob Zuma accumule en effet déboires et scandales de corruption, dont le dernier en date implique une richissime famille d’origine indienne soupçonnée d’intervenir dans la nomination de ministres.Le président est aussi malmené à cause des mauvais résultats de la première économie industrialisée du continent, qui a enregistré une faible croissance en 2015 (1,3%).
Jeudi, la plus haute instance judiciaire du pays doit se prononcer sur l’affaire Nkandla, du nom de la vaste propriété privée du chef de l’État en pays zoulou (est), qui empoisonne la vie politique depuis quatre ans.
Le contribuable a payé quelque 20 millions d’euros (au cours de l’époque) pour rénover ce luxueux domaine, officiellement pour en améliorer la sécurité.Les travaux incluaient notamment la construction d’une piscine, d’un poulailler, d’un enclos pour le bétail, d’un amphithéâtre et d’un centre d’accueil des visiteurs.
Le rapport publié en 2014 par la médiatrice de la République, Thuli Madonsela, chargée de veiller au bon usage des deniers publics, est sans appel : le président a "indûment bénéficié" du chantier sur son domaine de Nkandla et doit "rembourser un pourcentage raisonnable des coûts".
En réponse, Jacob Zuma a ordonné des enquêtes gouvernementales qui l’ont au final innocenté.Le ministre de la Police, Nathi Nhleko, a notamment conclu, lors d’une conférence de presse qui a fait le bonheur des humoristes, que les travaux de Nkandla étaient tous justifiés : la piscine était ainsi "un réservoir d’eau" en cas d’incendie, et le poulailler destiné à éviter que les bêtes ne s’égarent près des systèmes de sécurité.
Les explications ont provoqué les railleries et l’ire de l’opposition, qui a saisi la Cour constitutionnelle.
A la surprise générale cependant, M.Zuma a fait volte-face en février, quelques semaines avant l’audience de la Cour constitutionnelle.Il s’est dit prêt à rembourser une partie de l’argent, sans pour autant avancer de chiffre.
"Il s’agissait simplement d’une perception politique que je refusais de payer.Je n’ai jamais dit que je n’allais pas payer cet argent", a-t-il affirmé au Parlement, expliquant qu’il refusait de rembourser "une somme dont le montant n’a pas été fixé".
Devant la Cour constitutionnelle, ses avocats ont maintenu cette stratégie et concédé l’erreur du président, estimant que le rapport de Thuli Madonsela était contraignant juridiquement.
"Ce ne serait pas surprenant si la Cour constitutionnelle décidait (jeudi) qu’il y a eu violation de la Constitution et de la loi par le président", a estimé un expert juridique, Pierre de Vos."Mais même dans ce cas, la Cour constitutionnelle n’a pas le pouvoir (...) d’ordonner une procédure de destitution du président", a-t-il ajouté.
Selon Pierre De Vos, la Cour pourrait exiger du président Zuma qu’il fasse ce que les députés de l’opposition réclament à cor et à cri lors des séances au Parlement : "rendre l’argent".
Pour le principal parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA), à l’origine de la saisine de la Cour constitutionnelle avec le parti de gauche radicale EFF, le jugement de jeudi sera un "moment fondateur pour la démocratie en Afrique du Sud".Il pourrait "imposer des sanctions décisives sur tous ceux impliqués dans des abus de biens publics", a estimé le DA.
L’EFF fait de son côté pression pour destituer le président.Mais le parti de Jacob Zuma, le Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis la chute officielle du régime ségrégationniste d’apartheid en 1994, domine très largement le Parlement.
Au pouvoir depuis 2009, Jacob Zuma l’indéboulonnable effectue son deuxième et dernier mandat qui prend fin en 2019.En dépit de ses nombreux revers, il continue à bénéficier d’un large soutien au sein de son parti.L’ANC, qui s’attend à quelques déconvenues lors des élections locales cette année, a toutefois le pouvoir de le remplacer avant les élections générales.
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