Au Sénégal, au moins autant qu'ailleurs, Nelson Mandela était devenu une véritable icône. Sa lutte contre le régime de l'apartheid a marqué les Sénégalais, même si Dakar a adopté une politique plutôt modérée pendant les années de lutte.
Homme du juste milieu, le président Léopold Sédar Senghor a adopté une position plutôt ambigüe à l’égard de l’apartheid et du combat de Nelson Mandela. Bien entendu, il était fondamentalement opposé au régime de ségrégation raciale qu'il ne pouvait accepter, mais le président sénégalais était plutôt porté vers les mouvements culturalistes noirs et considérait l’ANC comme un mouvement nationaliste proche des régimes communistes, explique le professeur d’histoire et ancien ministre Abdoulaye Bathily.
Etant très lié à la France et aux Occidentaux qui soutenaient à cette époque l’Afrique du Sud, le président Senghor a donc eu une position modérée, avec des gestes forts tout de même comme celui d’avoir accueilli l’un des tout premiers bureaux permanents de l’ANC à Dakar.
Avec le président Abdou Diouf, le Sénégal s'engage plus avant dans la lutte contre l'apartheid, surtout après 1985 quand le président sénégalais devient président de l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Le 1er octobre 1985, Abdou Diouf s’envole pour l’Afrique australe. Il visite tous les Pays de la ligne de front qui soutiennent la lutte armée contre le régime d’apartheid. Il survole même l’Afrique du Sud et l'on redoute, un moment, que l'avion ne soit attaqué !
Un combat de la société civile plus que politique
Au Sénégal, Abdou Diouf fait inscrire sur le tableau de toutes les salles de classes : « Apartheid, crime contre l’humanité ». En 1987, l’île de Gorée abrite les premiers pourparlers en terre africaine, entre l’ANC représenté par Thabo Mbeki et les libéraux, blancs, sud-africains.
« De manière générale, le Sénégal a été trop timide, trop modéré, il faut le reconnaître, explique Landing Savané, une personnalité de la vie politique sénégalaise. Le Sénégal n’a pas été le fer de lance du combat anti-apartheid, comme ont pu l’être les pays de la ligne de front ou la Guinée de Sékou Touré. »
Pourtant, dans la société, la mobilisation a été bien réelle, surtout chez les intellectuels, les étudiants et les syndicalistes. « On était farouchement opposé à la politique modérée de Senghor, se souvient Abdoulaye Bathily qui alors un leader étudiant. On était pour le boycott des produits sud-africains, comme les fameuses oranges outspan que le Sénégal importait à l’époque. On distribuait des tracts. »
« En 1967, lors des journées médicales, se souvient encore le professeur d’histoire, nous nous sommes opposés à l’arrivée de médecins sud-africains qui enseignaient dans des universités qui pratiquaient la ségrégation raciale. C’était inacceptable pour nous de les voir accueillis à Dakar. » Un mouvement sénégalais anti-apartheid a même vu le jour et en 1985, une marche anti-apartheid a été sévèrement réprimée sous Abdou Diouf.
L'engagement culturel
Les artistes eux aussi se sont beaucoup mobilisés, à commencer par Youssou N'Dour et sa chanson Nelson Mandela qui a touché tous les cœurs sénégalais. La cause est devenue populaire et l’on chantait « Free Mandela ».
Quand l'île de Gorée accueille le rassemblement mondial contre l'apartheid, sont présents le président Abdou Diouf et d'artistes : Youssou N'Dour bien sûr, Manu Dibango, Johnny Clegg, Jacques Higelin et d'autres encore.
Le Premier ministre socialiste français Pierre Mauroy, lance alors un serment qui aura une résonance mondiale : « Nous jurons de mener le combat jusqu'à la fin de l'apartheid et dès maintenant, je peux vous assurer qu'aussi vrai que le jour va succéder à cette nuit de Gorée, l'apartheid sera vaincu en Afrique du Sud ! »
Le jour de la liberté retrouvée
« On a tous regardé les images à la télévision. C’était une émotion inoubliable », se souvient par exemple Penda Mbow, une personnalité de la société civile sénégalaise. « Cet homme a incarné la conscience du monde. C’est le symbole de la liberté et de l’indépendance. » « Combien de Sénégalais ont pleuré », se rappelle un syndicaliste.
Nelson Mandela est venu à Dakar, accueilli par une foule immense, « une marée humaine, du jamais vu », selon l’historien Ibrahima Thioub. Nelson Mandela a remercié le peuple sénégalais de son soutien à la lutte du peuple sud-africain pour démanteler l'apartheid.
En, 1992, Nelson Mandela a été fait docteur honoris causa de l’université Cheikh-Anta-Diop.
7 Commentaires
Mvp
En Décembre, 2013 (05:50 AM)Mooo
En Décembre, 2013 (06:56 AM)Fdf
En Décembre, 2013 (08:15 AM)Talibe Serere
En Décembre, 2013 (11:19 AM)Realites "suite"
En Décembre, 2013 (15:17 PM)S’ETANT FORGE UNE STATURE D’HOMME D’ETAT, MADIBA A SUREMENT EU A MEDITER CE QUE lEOPOLD SEDAR SENGHOR LUI AVAIT DIT PRESQUE 30 ANS AVANT ; AUTREMENT DIT ON NE PEUT PAS TOUT BRULER PARCE QUE TELLE PERSONNE EST DE COULEUR DIFFERENTE. C’ETAIT LA UNE DES MULTIPLES RAISONS QUI FAISAIENT DE SENGHOR UN MODERE EN AVANCE SUR SON TEMPS, N’ETAIT PAS COMPRIS PAR CERTAINS. MALHEUREUSEMENT D’AUTRES ASSIMILAIENT CELA A UNE COLLABORATION AVEC L’HOMME BLANC.
ET POURTANT, MEME CERTAINS SUD AFRICAINS NOIRS ONT EU A REPROCHER A MANDELA D’AVOIR FAIT LA PART BELLE AUX INTERETS DES BLANCS LORS DES NEGOCIATIONS SECRETES.
AH LES REALITES ET CONTRAINTES QUI VIENNENT AVEC L’EXERCICE DU POUVOIR !!!!!!
Os
En Décembre, 2013 (18:20 PM)Lili
En Décembre, 2013 (10:54 AM)Participer à la Discussion