Les récits de cette époque, compilés par des observateurs japonais et européens, évoquent l'étonnante relation entre l'un des plus grands seigneurs de guerre de l'histoire de l'archipel, Oda Nobunaga, et un esclave venu d'Afrique. Les historiens ont longtemps hésité sur l'origine de ce dernier, envisageant sa provenance du Congo. Les études les plus récentes confirment cependant qu'il s'agissait d'un Makua, ethnie majoritaire de son Mozambique natal, dont le vrai nom était Yasufe.
« Monsieur Noir »
Lorsqu'il arrive au Japon, probablement en 1579, Yasuke est le serviteur d'un jésuite italien, Alessandro Valignano, en charge de vérifier les missions de son Eglise dans les Indes (qui incluent à l'époque l'est et le sud-est asiatiques). Les jésuites sont alors en train de bâtir leurs premières églises sur l'archipel.
Si les Japonais ont commencé à s'habituer à voir circuler des commerçants blancs européens, ils découvrent pour la première fois des hommes noirs, venus d'Afrique. La chose est tellement inimaginable à l'époque que certains témoins auraient été exécutés pour avoir raconté leur expérience, soupçonnés de mensonges éhontés.
Outre le fait qu'il est noir, Yasuke est du fait de sa taille beaucoup plus grand que les Japonais de l'époque : un personnage au delà du réel pour ses contemporains de l'archipel. Il montre des aptitudes dans l'apprentissage des langues et acquiert rapidement des notions de japonais. Ceux qui le croisent l'auraient surnommé « kuru san », « Monsieur Noir ».
Yasuke et Nobunaga, rencontre entre deux exceptions
Oda Nobunaga est alors en train de tenter d'unifier l'archipel. Conquérant hors normes, il entend parler de la rumeur de l'homme noir et demande à le rencontrer. Surpris, il cherche d'abord à le déshabiller et à le laver, soupçonnant un subterfuge comme de la peinture ou de la suie. Il s'enthousiasmera des capacités physiques et intellectuelles du Mozambicain et réclamera à son propriétaire de le garder à ses côtés.
LE JAPON EN 1582.
Nobudaga est, à l'époque, un curieux personnage. Dans son enfance, il est appelé « Owari no Oitsuke », le « pitre d'Owari ». Petit, il est en effet connu dans sa région pour ne pas respecter les exigences propres à son rang et de se laisser aller à courir avec n'importe quels enfants. Lorsqu'il deviendra l'un des plus grands conquérants du Japon, il continuera d'entretenir des pratiques étonnantes. Amateur de poésie et de cérémonie du thé, il ouvre le pays aux chrétiens, sans pour autant se convertir ; collectionne les objets venus d'Occident et n'hésite pas à apparaître vétu de tenues européennes ; développe le commerce avec les étrangers. Enfin, il n'hésite pas à récompenser des gens de basse-extraction en leur attribuant des positions toujours plus élevées.
C'est probablement son caractère qui l'amène à se montrer aussi ouvert face à Yasuke. Si la présence du Mozambicain est le gage d'une attraction systématique en public, Nobunaga lui accorde une véritable confiance. Yasuke est nommé samouraï et obtient le droit exceptionnel à l'époque de porter les deux sabres propres à ce rang. Nobunaga lui offre un katana, une maison et lui fait porter sa lance personnelle.
Yasuke, une « bête » qui n'a rien de japonais
L'histoire termine cependant mal. Alors qu'il a pris le contrôle des deux tiers du Japon, Nobunaga passe du temps dans la capitale, dans le temple de Honno-ji, en 1582. Il n'est accompagné que de quelques dizaines de gardes, dont Yasuke, se pensant en sécurité en plein cœur de son territoire. L'un de ses généraux, Akechi Mitsuhide, le trahit et encercle la place. Les hommes de Nobunaga se battent comme ils peuvent mais sont contraints de se rendre ou de fuir. Acculé, il opte pour le suicide rituel, seppuku.
Yasuke, lui, rejoint le fils de son seigneur, Oda Nobutada. Pendant leur repli vers le château de Nijo, ils sont pris par les troupes de Mitsuhide. Le samouraï mozambicain se bat, avant d'être finalement capturé. Pour le félon, l'Africain est une « bête » qui n'a rien de japonais. Il décide de le faire livrer aux jésuites... qui n'ont laissé aucune trace permettant de savoir ce qu'est devenu le samouraï noir.
L'existence de Yasuke est notamment rapportée par l'Histoire ecclésiastique des îles et royaumes du Japon, du père François Solier ; et par le Shinchôkôki, chroniques de la vie d'Oda Nobunaga rédigées par l'un de ses hommes. Plus de quatre siècles plus tard, cette histoire reste légendaire tant les Japonais restent méfiants envers les étrangers, notamment noirs. De fait, Yasuke fût l'un des rares, à cette époque, avant l'Anglais William Adams et le Français Eugène Collache, à porter les attributs des célèbres chevaliers nippons.
2 Commentaires
Weissmann
En Janvier, 2015 (16:37 PM)Non Et Non
En Janvier, 2015 (18:08 PM)l’Afrique est le berceau de l'humanité mais malheureusement l'Afrique est le dernier des continents
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