100 ! chiffre mythique. Les 102 universitaires et chercheurs sénégalais
ne pouvaient pas mieux trouver comme symbole pour interpeller le
Président de la République sur « la crise de l’Etat de droit ». C’est
donc un échantillon symbolique de l’intelligentsia du pays qui prend
position sur la question des droits et des libertés. Et une lecture
entre les lignes du « Manifeste des 100 » donne à lire que le Chef de
l’Etat n’est pas que destinataire de la tribune. Il est Manifeste-ment
tenu pour responsable de la non-soumission de l’Etat au droit. Or,
d’après Les 100, cette soumission « totale » organise le vivre-ensemble,
indispensable pour faire société.
Les Professeurs en profitent
pour solder les comptes avec "le troisième mandat". Leur verdict qu’ils
veulent sans appel, se résume en un subtil rappel de l’article 27 de la
Constitution : « nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. »
Un manifeste que soutient le socio-anthropologue Ndukur Kacc Essiluwa
Ndao qui le juge cependant tardif non sans jeter un caillou dans le
jardin des universitaires. « Le plus cocasse, titille le sociologue,
c’est que ce sont presque ces mêmes signataires (en tant qu’idéal-type)
et particulièrement les juristes qui manipulent et taillent au quotidien
nos constitutions. Ils devraient plutôt appeler à brûler les facultés
et UFR de droits et sciences juridiques qui nous produisent autant de
compétences pour diviser notre pays. » Que 100 fleurs s’épanouissent,
que 100 écoles rivalisent !
Vendredi noir ou Vendredi Saint ? Le
Sénégal est à l’écoute de son Assemblée nationale. C’est ce jour, en
effet, que les députés vont lever ou maintenir l’immunité parlementaire
de leur collègue Ousmane Sonko, accusé de viol et de menaces de mort par
une masseuse sortie de l’anonymat d’un salon de « douceurs et de beauté
». Adji Sarr a désormais un nom et un visage qu’elle porte sur ses
jeunes et frêles épaules. Entre accusations de viol et accusations de
complot ; entre délations et négations ; entre appels à l’insurrection
et arrestations ; entre actions et réactions ; entre propagation et
vaccination contre un virus mortel, une chose est certaine. On n’est pas
au bal des saints.
Bienvenue au bal des masques et des masqués !
Le sang va-t-il gicler entre la détermination d’une Assemblée nationale
à aller jusqu’au bout de la procédure et le tir de barrage d’un leader
des Pastef et ses partisans ? Mortal Kombat ? Peut-être oui. Peut-être
non. Le redouté, Clédor Sène - sans son « Amadou » – est arrêté. Lui,
rappel des faits oblige, c’est celui-là qui fut jugé et condamné pour
l’assassinat du juge Babacar Sèye, le samedi 15 mai 1993. Même
amnistiés, les faits sont encore frais dans les mémoires. Et têtus. Kou
ndobine rey sa mame, so guissé lou nioul daw ! Chat échaudé craint l’eau
froide ! Droits de l’homme pour droits de l’homme, Etat de droit pour
Etat de droit, chacun est libre de défendre ou de pourfendre. Mais la
cause de Clédor est-elle défendable ?
Le mal de ce cher Sénégal,
c’est souvent l’incapacité des hommes et des femmes de discerner le
héros du zéro, le vrai du faux, le bien du mal, le bon du mauvais.
Venons-en
à la question qui tue. Ousmane Sonko va-t-il répondre à la convocation
du juge d’instruction dans l’hypothèse plus probable, voire évidente de
la levée de son immunité parlementaire en raison du fait majoritaire ?
Avec l’audition, hier jeudi, de la plaignante Adji Sarr, la logique
serait que le magistrat instructeur du 8ème cabinet veuille également
entendre la personne accusée, Sonko en l’occurrence. Instruction à
charge et à décharge, comme le dicte la procédure.
Mais, car il y
a désormais un grand mais, le chef de file des « patriotes » ne semble
pas disposé à répondre à une quelconque convocation d’où qu’elle vienne.
Dialectique entre une justice jugée non indépendante et une justice
décidée à se faire respecter. Après son niet définitif de déférer à la
convocation à la fois de la Gendarmerie et de l’Assemblée nationale, la
perspective d’un autre non catégorique d’Ousmane Sonko au Juge serait
grosse de danger. « Les 100 » auront alors raison ou tort, selon que le
Vendredi soit noir ou Saint.
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