Par analogie à la France dont il se réclame en tout, le Sénégal fait partie de ces peuples dont Cioran dit qu’ils sont littéralement « accablés par la chance ». Les Sénégalais sont convaincus d’être un peuple d’élus. Nos gouvernants se prennent toujours pour des guides éclairés. Notre démocratie est partout vantée comme une exception en Afrique. Si bien que même usurpée, une telle conviction, si l’on n’y prend garde, peut vite tourner au vertige et à la déchéance. C’est précisément là que nous en sommes aujourd’hui dans notre pays. Contemplatifs d’un passé glorieux qui ne nous sert plus que comme passé, nous oublions notre devoir de confrontation intelligente et courageuse aux enjeux du présent. Pour concevoir et configurer un futur à hauteur d’homme, à visage humain. Loin de cette tâche historique, nous dérivons plutôt en tâcherons de notre propre histoire, englués dans une sorte d’instant qui dure et durcit nos cœurs et nos esprits. Pour cette répugnante raison, nos élites autoproclamées n’ont plus pour souci que de faire des Sénégalais « un peuple haletant après le bonheur ». Un bonheur inconcevable sans le pouvoir de l’argent, argent que facilite le pouvoir et que l’on doit gagner par n’importe quelle déviance. Cette culture du crépuscule où les idéaux sont en vacance, favorise l’émergence de forces obscures dont on nous propose l’obscurité comme la lumière de notre salut. Ainsi seulement peut s’expliquer toute cette fureur médiatique autour de « Boy Djinné » et Waly Seck : deux produits authentiques de notre dégénérescence en tant que peuple.
L’image valorisante confectionnée à ce voleur par la presse est ainsi résumée par son avocat, Me Babou : « Avec ses évasions spectaculaires, il est devenu célèbre comme un héros de film. » Cet « as de l’évasion », « millionnaire à 21 ans et propriétaire d’une vingtaine de camions », « paisible garçon à l’esprit vif, qui a horreur de la violence », mais « cité dans l’affaire de la mort d’un Chinois à Gibraltar », a de quoi passer dans l’imaginaire collectif pour un véritable « Djinné ». Son « Histoire jamais racontée » (Une de L’Obs, 20 janvier 2016) peut ainsi être lue au premier degré et susciter des vocations. A Dieu ne plaise.
Quant à Waly Seck, sommé de s’expliquer par sa propre conscience et une incompréhensible pression médiatique, ses explications sont encore plus problématiques. « Je n’ai pas un sac à main dans ma vidéo, j’ai un cartable (…). Je ne vois pas le mal qu’il y a à avoir un sac à main lorsqu’on voyage », s’est-il défendu. Au demeurant, le mal est moins dans l’acte en lui-même que dans son traitement médiatique et son caractère totalement iconoclaste par rapport aux symboles et référents masculins de notre société. En vérité, cette affaire n’est que la minuscule manifestation d’une perversion systématique de nos valeurs identitaires, au nom de la liberté artistique. Mais une liberté qui ne se fonde que sur l’imitation n’est qu’une prison qui s’ignore.
Dans le domaine de l’art comme de la culture en général : « Il ne faut imiter rien ni personne, car un lion qui imite un lion devient un singe », prévient Schopenhauer. De plus, l’art ne saurait se réduire à une récréation de dilettantes ni la culture à un folklore de réjouissances et de divertissement qui nous détourne de l’essentiel. Il s’agit plutôt de réinventer en permanence la vie, en faisant la preuve par l’épreuve, que l’être humain est à la fois créature et créateur.
En définitive, « Boy Djinné » et Waly Seck sont comme « deux miroirs reflétant face à face la même image » : une société contemplative de sa propre décadence. Le véritable mal réside donc dans la tentative de récupérer et transformer leur déviance en simple objet médiatique et communicationnel, en mettant en relief l’aspect spectaculaire. Si bien que désormais, nous sommes prisonniers d’une société du culte et de la culture du sensationnel. Où les actions qui n’auraient dû mériter que mépris et indifférence nous sont imposées comme objet d’admiration. De sorte que tous les Sénégalais qui aujourd’hui s’efforcent de s’extraire de cette société crépusculaire vivent une sorte d’ennui où se mêlent l’indignation, l’incrédulité et la perplexité. Or comme nous l’apprend Cioran : « L’ennui nous révèle une éternité qui n’est pas le dépassement du temps, mais sa ruine?; (…) un absolu plat où rien n’empêche plus les choses de tourner en rond à la recherche de leur propre chute. » À la fin des fins, aucune confusion n’est possible entre un cartable et un sac à main de femme. Aucun dithyrambe ne peut transformer un vulgaire voleur en homme vertueux. Il ne faut pas nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
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54 Commentaires
Péé
En Février, 2016 (09:20 AM)Anonyme
En Février, 2016 (09:24 AM)Anonyme
En Février, 2016 (09:31 AM)Anonyme
En Février, 2016 (09:37 AM)Anonyme
En Février, 2016 (09:39 AM)Bichou Bichou
En Février, 2016 (09:41 AM)1)
Quid de l'appartement sis Bd Raspail avec "nos" deniers (par destination)?
Itou pour le frère de "notre" leader qui a des billes dans "notre" or noir ?
Exemples criants de l'argent que...l’on doit gagner par n’importe quelle déviance.
EN TOUT IMPUNITE
Je pense que ces points auraient mérité votre courroux
2)
Il faut oublier "les forces" obscures" : explications systématiques des décérébrés !!
Un voleur et une tapette sont des faux débats ..
Babs
En Février, 2016 (09:46 AM)Anonyme
En Février, 2016 (09:47 AM)waly est un excellent chanteur et un homme de coeur cest tout ce quon retient de lui,,,en il aime les bling bling et la vie mondaine,,il est victime certes de la mode car il shabille dans les boutiques les plus chers du monde car dans sa tete la ou les artistes de renom doivent aller s'equiper pour montrer a leur pays quil sont branches lui aussi ne va pas se priver ce coup de folie cest pourkoi il aime les belles voitures les habits fashion et se renseigne sur les dernieres tendances..moi je suis dans le satff dun artiste nigerian et je parle souvent avec lartiste senegalais ;;il aime la sape et dans le milieu musical africain quand on cite les plus grands sapeurs son nom revient cest comme ca quon se respecte nous,,,felicitation a lui pour le bercy et we are proud of him...
Anonyme
En Février, 2016 (09:50 AM)Anonyme
En Février, 2016 (09:52 AM)Anonymement Content
En Février, 2016 (09:52 AM)Sénégalais De L'extérieur
En Février, 2016 (10:01 AM)Magnifique résumé de la sociète sénégalaise d'aujourd'hui! , c'est très bien dit!, vous avez toutes mon estime!
Nit day wakh deug!!!
Anonyme
En Février, 2016 (10:15 AM)Sénégal Ndiaye
En Février, 2016 (10:20 AM)Arnaqué
En Février, 2016 (10:26 AM)Faites attention à ne pas être arnaqué vous aussi
Anonyme
En Février, 2016 (10:29 AM)Kmac
En Février, 2016 (10:35 AM)chapeau pour ce article qui malheureusement définit ce Sénégal qui nous fait tant de peine.
Atypico
En Février, 2016 (11:03 AM)Anonyme
En Février, 2016 (11:04 AM)Anonyme
En Février, 2016 (11:05 AM)Bi
En Février, 2016 (11:28 AM)Anonyme
En Février, 2016 (11:31 AM)Kalkulart
En Février, 2016 (11:36 AM)PReuve que nous préferons toujours de vivre en éternel assisté, que d'apprendre l'assistance.
Preuve aussi que nous nous retournons toujours vers notre mère morale et spirituel , la France; sans jamais penser par nous même et pour nous même.
Ceci parce que l'Afrique en particulier les noirs n'ont qu'une seule culure qui se resume au tam tam, à la laudation.
C'est pourquoi aussi nous n'avons jamais eu de prophète.
Le Pap
En Février, 2016 (11:47 AM)Anonyme
En Février, 2016 (12:05 PM)Excellent Article
En Février, 2016 (12:05 PM)Je suis sideree par le "manque de hauteur" de nos politiques, de nos religieux et le suivisme de la population.
Notre hypocrisie legendaire enrobee d'une paresse intellectuelle de plus en plus grande nous enfonce chaque jour un peu plus dans un trou noir de misère, d'impunites, d'intolerance ...
Nous sommes a la derive, nous le savons pertinemment mais preferons plus que jamais, hypocritement, confier nos destins a nos "elites" qu'elles soient religieuses ou politiques.
Continuons dans ce que j'appelle de dofdoflou national.
J'ai juste de plus en plus peur que le jour ou nous voudrons revenir sur le droit chemin, qu'il soit trop tard.
Anonyme
En Février, 2016 (12:15 PM)Anonyme
En Février, 2016 (12:16 PM)Anonyme
En Février, 2016 (12:21 PM)Anonyme
En Février, 2016 (12:24 PM)Anonyme
En Février, 2016 (12:29 PM)Anonyme
En Février, 2016 (12:30 PM)Wassalam
Anonyme
En Février, 2016 (12:31 PM)kou am diote lire ki ?
Anonyme
En Février, 2016 (12:35 PM)On a pas non plus entendu ou vu notre Président condamner JA qui s'est attaqué à Serigne Touba C.A. Bamba, ni accompagner le cortége les manifestants lors de la marche de Dakar. Par contre, il a fait 6000 kms pour aller marcher à Paris en soutien à Charlie Hebdo. Et c'est bien cette forfaiture du PR et l'échec des tentatives de manipulation de Waly qui ont activeé la plume du dessinateur de JA. Les mourides, les musulmans du sénégal doivent le savoir, tout cela est bien de la faute du PR!!!!
Anonyme
En Février, 2016 (12:44 PM)Anonyme
En Février, 2016 (13:03 PM)Xxx3
En Février, 2016 (13:36 PM)Anonyme
En Février, 2016 (14:04 PM)Anonyme
En Février, 2016 (14:05 PM)Des Punaises PlutÔt
En Février, 2016 (14:19 PM)En définitive, si le Sénégal marche délibérément à reculons, nous risquons à ce rythme d'ailleurs d’être les derniers du peloton, déjà, cela commence bien ne sommes nous pas le 25 pays le plus pauvre de la planète?
Nous qui avions hérité des TOUBAS un formidable legs! A l'époque semble't-il, Dakar était le 4eme métropole de la France après Marseille. D'ailleurs, ils sont revenus...par les bons soins de l'ONCLE TOM; plus féroces et moins paternalistes
C'est notre caste politico-religieux qui nous à fait le plus grand mal, ils se sont tous retrouvés être RENTIERS, plutôt que bien gérer notre commune destinée, chacun étant préoccupé par ses propres intérêts cryptopersonnels!
Yat
En Février, 2016 (15:04 PM)Anonyme
En Février, 2016 (15:05 PM)Anonyme
En Février, 2016 (15:40 PM)Anonyme
En Février, 2016 (15:45 PM)Bansas
En Février, 2016 (16:35 PM)sur le saint coran, Galass a pompé le livre de quelqu'un d'autre. Vaut mieux d'aller apprendre à écrire et arrêter de mimer les autres comme vous venez de le dénoncer dans votre soit disant " article ".
Soyez sérieux !
Anonyme
En Février, 2016 (16:41 PM)Anonyme
En Février, 2016 (17:00 PM)Anonyme
En Février, 2016 (19:31 PM)Foudre
En Février, 2016 (20:36 PM)Badou
En Février, 2016 (21:01 PM)Chapeau à toi pour une brillante contribution
Anonyme
En Février, 2016 (23:05 PM)Momotaro
En Février, 2016 (01:01 AM)Mais permettez-moi de dire que le l'essence de cet article et certains commentaires non seulement brillent par leurs contradictions mais aussi ne nous permettent pas de nous extirper de nos fausses valeurs, ces memes valeurs qui freinent notre epanouissement culturel, social et economique.
Tout d'abord, permettez-moi de dire que je n'ai jamais ete fan de Wally Seck. Je n'ai jamais ecoute 5min de sa musique. Mais je vais devoir de le defendre pour une fois.
Que reproche-ton a cet homme? D'avoir exhibe un sac a main "effenime" et d'avoir declanche une vague de mecs essayant de l'imiter. Je ne vais pas jusqu'a engager une polemique sur la definition et la nature d'un sac unisex mais on doit tous reconnaitre que ces sacs dits unisex sont sur le marche depuis longtemps et partout.
Si le port de ces sacs n'est pas compatible avec nos valeurs et nos traditions, alors que de des femmes qui portent le pantalon, de nos hommes qui font du piercing (sportifs, artistes, scientifiques, etc), des femmes parmi les rangs des forces militaires et para-militaires, des hommes qui font la cuisine, la lessive, des femmes qui jouent au foot-ball, des hommes qui s'occupent des enfants quand madama est au boulot, des femmes en bottes et casquette, de nos hommes politiques qu'on maquille a chaque passage a la television, des heures que nos passont a la tele a regarder des clips de R&B et de Pop Music (voyeurisme), etc.
Certainement l'hypocrisie reste une valeur sure au Senegal. Soyons serieux!!!
Au lieu de passer des heures et des journees a debattre sur le sac d'un artiste, on ferait mieux de parler de zika qui menace le futur de notre nation, de l'education de nos enfants, de nos terres qui sont bradees a des etrangers, de la salete de nos villes, de l'indiscipline sur nos routes, de la corruption a tous les niveaux de l'administration, de la brutalite policiere, de l'indiscipline a l'assemblee nationale, du nombre important de nos soeurs, meres, femmes qui rendent l'ame pendant l'accouchement, de la desertification, du pillage de nos ressources halieutiques, de l'erosion cotiere qui menace habitats, cimetieres et infrastructures, de l'etat piteux de nos routes surtout dans les regions de l'est et du sud, du Djola et de ses ames qui restent a ce jour au fond de la mer, de la corruption de nos hommes politiques, de nos jeunes qui preferent rendre leur ame aux frontieres de l'Europe plutot que de rester dans la misere ici, etc, etc, etc.
N'a-t-on pas d'autres priorites au Senegal?
Laissons-les gens vivre leur vie et evitons de jouer au Bon Dieu. Il est le Seul et Ultime Juge. Alors occupons-nous de nos affaires et de nos affaires seulement.
Peace!
Anonyme
En Février, 2016 (01:16 AM)Wolofdeuchnord
En Février, 2016 (11:21 AM)Merci pour cette contribution.
Ouf !
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