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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

[ Chronique ] Honneur aux voyous

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[ Chronique ] Honneur aux voyous

« On imagine mal la somme de catastrophes
que chacun peut supporter dans l’indifférence,
pour peu qu’elles s’abattent sur autrui »
Georges ELGOZY

 

Du président de la République, nous n’attendions plus qu’il fasse des miracles. Mais nous étions en droit d’espérer qu’il assure le minimum, la fonction présidentielle, qui exige un peu de tenue. Le limogeage-reconduction de certains ministres, le retour de certains ministres-conseillers sont malheureusement la preuve qu’Abdoulaye Wade n’est pas prêt à s’abandonner à sa fonction. Son Premier ministre forme son gouvernement, il s’emploie à le corriger publiquement. Les membres du gouvernement sont nommés, il les reçoit à la présidence de la République pour leur apprendre les rudiments d’un métier qu’il ne connait même pas. La principale caractéristique de cet esprit indigent, c’est qu’il n’est pas capable de s’élever au-dessus de l’anecdotique. Il est toujours le seul qui monte la charge, le seul qui la descend, assuré que tous ceux qui ne sont pas capables de comprendre son génie réformateur sont des minables. En dépit de tous les signaux de désapprobation, il pense toujours qu’il est le seul à avoir raison. Quand il se découvre en contradiction avec lui-même, il ne se dédit pas. Il change d’avis. Dieu se peut-il jamais dédire ?
Mais l’exercice du pouvoir personnel, s’il s’est révélé catastrophique ces dernières années, n’est pas le plus grave problème que pose la présidence d’Abdoulaye Wade. Ailleurs, comme en Tunisie, des autocrates ont mis en place des politiques économiques cohérentes qui ont permis à leurs peuples de s’arracher de la misère. Ce que la réalité du pouvoir de Wade nous révèle ces dernières années est encore plus affreux. Le chef de l’Etat partage sa souveraineté -et donc le pouvoir qu’il a sur nous tous- avec les bandits qui l’entourent, chacun monnayant aux prix fort le bout de secret qu’il tient dans son armoirie. Il fait honneur aux voyous au mépris de son peuple.
Ousmane Ngom profère des menaces, le voilà rétabli dans ses fonctions. L’épouse d’Abdoulaye Faye refuse dans les médias le « sacrifice » de son mari et voilà l’ancien ministre d’Etat reconduit dans sa digne fonction. Le plus désarmant c’est que l’ayant compris, Aminata Lô, cette gonzesse sortie des limbes du Sopi, fait des siennes depuis quelques jours, parce qu’elle saurait « des choses sensibles ». Même Bacar Dia, que l’on croyait parti pour toujours, exige son ministère des Sports.
Jusque dans son premier cercle des thuriféraires, tout le monde se demande si l’octogénaire qui s’était battu le 27 février 2007 pour gouverner gouverne toujours. Ou alors, chose encore plus terrifiante, sa bande de mafieux a constaté d’elle-même la vacance du pouvoir et s’en est emparée. Il reste qu’à chaque fois qu’il lui a fallu choisir entre sa compassion pour les Sénégalais qui souffrent et sa compromission avec les tenants de ses intimes secrets, Abdoulaye Wade a préféré se rabibocher avec les délinquants. La satisfaction d’Abdoulaye Faye, Cheikh Tidiane Sy, Samuel Sarr et Ousmane Ngom passe avant les problèmes des sénégalais.

Il était un homme de l’avenir, il a incarné le passé. Il est devenu un homme du passé et son avenir l’obsède. Voilà Abdoulaye Wade tout craché. Tout son art se résume à vouloir laisser la place à ceux qui, demain, pourront le mieux garder le secret sur ses crimes abominables. Il veut obtenir le silence pour son futur cadavre. Mais de là à faire la promotion de la lâcheté comme il vient de le faire avec la nomination de Sitor Ndour comme porte-parole, quel roulé monumental ! Le chef de l’Etat avait entrepris la même manœuvre quand il a voulu liquider Idrissa Seck, jusqu’à nommer un inconnu sans instruction au poste de président de Conseil d’administration. L’on connait le résultat tant attendu. Il fera la même chose puisqu’après Sitor Ndour, Me Alioune Badara Cissé est sa nouvelle cible. Il n’arrêtera pas tant qu’il n’aura pas fait le vide total autour de Macky Sall, quel qu’en soit le prix… gouvernemental. S’il se livre à ce tâtonnement sans fin, c’est que pour une fois, Adjibou Soumaré a refusé de lui laisser l’initiative. L’ancien Premier ministre a refusé d’attendre jusqu’à la nomination d’un vice-président en s’entendant traiter tous les jours de « poisseux ». Il a forcé Abdoulaye Wade à le remercier, quitte à « remanier » tous les jours, jusqu’à la disparition finale de l’actuel Premier ministre.
Quand on lui enlève les quelques signes de caprice liés à l’âge, ce gouvernement de carnaval se résume au sacre de Karim Wade. Ce n’est pas un ministère que son père vient de lui octroyer, c’est un magistère. La nomination se fête sur un ton jovial. Excusez-moi mais à voir Karim Wade savourer goulument son combat de lutte, j’ai du mal à croire que c’est l’homme qui a perdu son épouse il y a moins d’un mois et pour qui toute la République s’était mobilisée. Il porte bien son deuil, il faut dire !
A lui tout seul, le fils d’Abdoulaye Wade a désormais un contrôle sur le ciel et sur la terre, et sur tout ce qui y vit. On se demande comment, après avoir attribué autant de départements à son fils, il en reste encore à distribuer. Mais le pouvoir du Zeus de Kébémer est sans limite. Il s’étend aux bassins de rétention, aux lacs, aux océans et sans doute aux canaux à ciel ouvert.
Il y a sans doute, à côté de ce lourd passif, quelques motifs de satisfaction. Le savant bâtisseur nous a gratifiés de quelques réalisations qui, selon ses dires, survivront à la postérité. Mais la réalisation d’une unité électrique de sept milliards ne nous fait pas oublier que depuis 2001, les Sénégalais ont payé plus de 600 milliards de francs Cfa d’impôts supplémentaires par an sans en connaître la destination.
Tout un chacun s’en va, répétant que le président de la République a droit à l’erreur. Oui, mais on ne peut pas habiter dans l’erreur et mourir dans l’erreur. Les bailleurs de fonds ont demandé la dissolution des agences nationales, son esprit industrieux les transforme en ministères. L’Anoci devient ministère de la Coopération internationale, des infrastructures, des Transports aériens et de l’aménagement du territoire. Le Festival mondial des arts nègres se retrouve ainsi érigé au rang de département ministériel, comme l’ont déjà été la Case des touts petits, les Bassins de rétention et les Lacs. Ils lui disent que le Sénat n’a pas sa raison d’être et qu’il devrait disparaître, il le transforme en Conseil économique et social.
Dans les prochains jours, les députés seront à nouveau convoqués en procédure d’urgence pour voter la loi instituant la vice-présidence. C’est pour faire passer cette loi nauséabonde qu’Abdoulaye Wade appelle tous les Sénégalais à « l’unité ». Après la gifle reçue le 22 mars dernier, même la dernière des crevures se serait abstenue d’une telle récidive. Mais c’est sans compter avec Abdoulaye Wade. Car ce qui frappe chez cet homme, ce n’est pas l’absence de tout sens de l’honneur. C’est l’absence de tout sens du ridicule.
SJD

 



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