« J’ai compris qu’il ne suffisait pas de dénoncer l’injustice,
il fallait donner sa vie pour la combattre »
Albert CAMUS
Assane Diop, le criminel qui a tiré sur le juge Babacar Sèye et qui a dit à ses autres complices « partons, je l’ai atteint », est mort, brûlé par le feu. Je ne ferai pas l’hypocrite. Aucune mort n’est souhaitable, mais celle-ci me réjouit, puisqu’il ne s’agit pas de n’importe quelle mort. Je l’ai imaginé revoir le film de ses crimes abominables; j’ai deviné sa lente agonie, ses suffocations, ses suppliques, ses mornes regrets et enfin sa mort atroce. Chacun de ces instants m’a procuré une joie intense et un plaisir non feint. J’avais commencé à désespérer de Dieu, depuis que ce grand bandit est sorti de prison pour mener sa vie de pacha aux frais du prince, en redevenant le protecteur patenté des délinquants à col blanc et l’exécutant de leurs basses œuvres. S’il n’avait pas connu cette fin atroce, je me serais reconverti dans la religion du Diable.
Je parle de ses crimes odieux en ayant conscience de parler au pluriel. Puisque remis en liberté par Abdoulaye Wade, cet homme s’est remis à son service. Le commandant Sow, qui a coordonné l’enquête sur la tentative d’assassinat de Talla Sylla, avait établi de la manière la plus formelle, qu’Assane Diop en était l’exécutant principal, mandataire d’une expédition punitive décidée au plus haut sommet de l’Etat. Abdoulaye Wade a lié les mains du juge chargé de ce dossier, en faisant voter une loi d’amnistie sur tous les crimes perpétrés « depuis 1984 ». Ismaila Mbaye, qui avait donné le menu détail de cette « opération » dans un procès-verbal de gendarmerie, est mort dans un accident, en revenant de Touba. Son corps, enterré par les siens, était intact et son frère a vite crié au crime avant de se raviser sous les menaces des feddayines du Sopi.
Abdoulaye Wade avait poussé l’abomination à l’extrême, en octroyant une compensation financière aux enfants de Me Sèye, contre leur renonciation à toute poursuite judiciaire. Je ne doute pas que cette mort, qui suit celle de l’initiateur de la loi d’amnistie, le fameux Ibrahim Ezzan, réjouisse aussi ce président. Il s’agit, après tout, d’une autre bouche qui va se fermer définitivement. Je ne me fais aucune illusion sur le fait que l’homme qui a réveillé en Assane Diop et compagnie leurs instincts de tueurs et commandité tous leurs crimes abominables est non seulement vivant, mais il dirige ce pays. Comment un tel homme, aussi détaché de la morale et de l’éthique a pu être élu et célébré dans un pays aussi attaché à ses valeurs fondatrices, reste pour moi un grand mystère.
Le triomphalisme d’Abdoulaye Wade avait fini par faire croire que la fin justifiait tous les moyens et que la seule logique qui vaille est celle de l’efficacité personnelle. Cette rationalité instrumentale ne connaît que le chiffre, les valeurs monétaires et le compte bancaire. Nous sommes devenus une étrangeté de la nature, nous tous qui abhorrons par-dessus tout l’injustice et qui croyons que l’Etat doit être au service des hommes et non le contraire. Les dogmes du pouvoir à tout prix et de la richesse automatique ont fini par triompher, et nous sommes devenus les malheureux perdants face à la machine de guerre libérale, experte dans la rhétorique mensongère. Sa conviction est que tous les hommes s’achètent, il suffit d’en mettre le prix. Il vient de l’illustrer auprès du marabout de Leona Niassène. Hommes politiques, religieux et simples citoyens se sont converti à la nouvelle religion, celle de l’argent qui fait tous les jours de nouveaux adeptes. Ils se livrent à leur prière quotidienne, la recherche effrénée de l’argent. Seuls les moins doués se font prendre. J’ai eu ce sentiment en voyant le sort réservé à un homme pour qui j’ai éprouvé la plus grande admiration, Taïb Socé. Il a voulu s’essayer à la nouvelle religion.
Evidemment, cette loi du plus rusé a triomphé parce qu’elle possède ses charmes secrets. Nous avons tous été, au moins un jour, éblouis par la perfection avec laquelle ce grand rhéteur ment, manipule et finalement, ridiculise tous ceux qui tentent de lui résister. C’est Calicles contre Socrate. Le sophiste manipulateur a eu raison du philosophe et de son idéal moral. J’avais, dans ces mêmes colonnes, attiré l’attention sur le fait que les avocats, qui croient que tout est défendable et que tout le monde doit être défendu, même les grands criminels, ont envahi notre espace de vie et nous tiennent sous leur joug. Je n’entendais pas là tous les avocats. Un homme comme Mandela en a une conception très honorable. Je parle de tous ceux qui ont appris, dans ce métier, à exploiter les failles du système judiciaire et à se mettre au compte des grands délinquants financiers. Ils sont aujourd’hui à la tête de tous les ministères de souveraineté et ils exigent de se faire appeler « maître ».
Abdoulaye Wade n’a sans doute rien inventé dans cette façon d’exercer le pouvoir en dehors de toute morale. Ses hommes n’ont fait que singer à la perfection les anciens dignitaires socialistes. La détermination avec laquelle Baïla Wane copie Aziz Tall est assez révélatrice, sur ce point. Il ne laisse rien au hasard, jusqu’à lui voler ses cravates jaunes grossièrement nouées et à se blanchir à l’hydroquinone pour mieux lui ressembler. La preuve de notre affaissement moral, c’est que l’ancien Dg de la Lonase passe maintenant pour un vertueux « consultant en management ». Les radios locales ne jurent que par lui, quand il faut apporter un éclairage sur la gestion d’une société d’Etat. Mais nous nous sommes tous dit à un moment donné, « mais quelle perfection ». Même sans ses hommes de main chargés de la faire tourner, sa mécanique frauduleuse marche toute seule. Depuis cinq ans, ce régime a mis en place un système de taxation et de collecte de fonds qui lui permettent d’amasser plusieurs milliards de francs en dehors du budget de l’Etat. Baïla Wane était devenu un fraudeur de petit calibre et un flambeur grossier, face aux méthodes perfectionnées des nouveaux « ingénieurs financiers ».
Il est impossible de revenir sur ses pas, quand on a été aussi loin. La vanité et l’aveuglement empêchent de s’en apercevoir. La seule échappatoire pour ce régime est son effondrement. La succession des évènements ces derniers mois me force à le croire. Les imprécations du sage Abdoul Aziz Sy Dabakh, qui avait maudit tous ceux qui ont trempé dans l’odieux assassinat de « Mbaye Sèye », n’auront pas été vaines. Abdoulaye Wade, que j’ai encore vu traîner la voix et tourner les pages de son discours avec la main gauche, ne connaîtra pas le même sort, il le connaît déjà. Il agonise sans qu’on s’en aperçoive. Les chaudes larmes versées par Baïla Wane n’étaient pas destinées à son collaborateur, elles sont pour annoncer son propre malheur. La Justice divine était devenue le seul et ultime refuge, pour nous tous qui étions déçus de la justice des hommes. C’est le message que je veux adresser à mon ami Bara Tall et à tous ceux qui ont souffert de ce régime. Nous n’avons pas un père puissant comme Karim Wade en a. Mais Dieu est notre père.
SJD
19 Commentaires
Mbokk
En Janvier, 2011 (05:46 AM)Mak
En Janvier, 2011 (06:46 AM)Nit
En Janvier, 2011 (06:55 AM)Pe
En Janvier, 2011 (07:03 AM)merci sjd pour tes efforts
Beugg Senegal
En Janvier, 2011 (08:02 AM)TE BEUGG WA SENEGAL GNOOGUE GNANAL SOULEYMANE GODD FANN AK VEER
BEMO NEEKE PRESIDENT BO SENEGAL AMINN !!!
Bcg
En Janvier, 2011 (08:27 AM)Kordior
En Janvier, 2011 (09:01 AM)Hh
En Janvier, 2011 (09:51 AM)X
En Janvier, 2011 (09:56 AM)K17
En Janvier, 2011 (09:58 AM)Abolahab
En Janvier, 2011 (10:55 AM)Vanessa
En Janvier, 2011 (11:04 AM)Aminata Kane
En Janvier, 2011 (16:43 PM)L?
En Janvier, 2011 (11:51 AM)Ard
En Janvier, 2011 (18:02 PM)Fouk's
En Janvier, 2011 (13:13 PM)Souleymane Dieu est omnipresent ba parè dafa degne ci bepp waniente (bassesse)
wasalam
Eulalie Maingé
En Janvier, 2011 (21:44 PM)Beug Baye London
En Janvier, 2011 (21:10 PM)Ivy
En Janvier, 2011 (14:55 PM)Participer à la Discussion