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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

[Chronique] : Paix à son arme !

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[Chronique] : Paix à son arme !

« Les crimes des sujets sont punis 
par des supplices et on les y condamne ; 
les Princes ne peuvent être punis que 
par les remords et on les en soulage »
MONTESQUIEU

Les temps sont durs, chers lecteurs. Autant dire les sales temps sont durs. On aurait mieux fait de se cacher dans une grotte pour laisser passer la tempête « médiacide », et refaire surface. Ils nous y trouveraient pour nous « bomber » au gaz asphyxiant. Le gaz, c’est le remède à la puanteur des révélations des journalistes. Mais nous aurions tort de blâmer Farba Senghor, auteur de cet acte « pré-mérité ». Abdoulaye Wade nous a donné son Goebbels comme un pantin de chiffon. Quand nous ne sommes pas contents de Wade, nous cognons sur Farba. C’était ça sa fonction première. Mais il occupe un rang plus élevé chez « madame ». On ne traite pas avec les horreurs quelqu’un qui honore une première dame. Vous n’avez jamais connu les raisons de l’arrogance surprenante de ce pied nickelé, je vous les donne. Il est Don Diego, le zorro de la République. L’aventurier masqué qui frappe à la fenêtre tous les soirs pour « délivrer ». C’est lui qui a puni les méchants journalistes. Mais il faut lui reconnaître des circonstances atténuantes. Nous ne pouvons pas continuer à nous acharner sur une vieille épouse qu’il a quittée, alors que le fils du président de la République a, lui, une jeune femme que nous n’avons jamais vue. C’est du jamais vu. La colère de Farba Senghor est donc compréhensible. Même cocher d’une vieille jument avec sa monture, il est fatigué de prendre toute la merde qui lui tombe par derrière. Il vient de nous dire « trou, c’est trou ».
Ce sont les journaux qui ont fabriqué ce Farba Senghor. Abdoulaye Wade ne fait que retourner contre nous un monstre que nous avons fabriqué de nos propres plumes. Même quand il insulte les journalistes, les journaux lui ouvrent leurs colonnes pour sa propagande. Je l’ai entendu un jour lire à la radio sa liste de journalistes « corrompus ». Le Pds a un porte-parole, le président de la République un porte-parole, le gouvernement un porte-parole. Mais la vulgarité de ce rustre aux petits souliers fait recette, et les journaux à 100 francs s’en gavent. Tant qu’il insulte les autres, nous lui ouvrons nos colonnes. De l’autre côté, il est devenu le souffre-douleur patenté de tous ceux qui ont peur de s’attaquer à Abdoulaye Wade. Un peu comme si on tenait le pitbull responsable, en oubliant le maître qui lui a enlevé la muselière. Cette « sobriété » calculée s’est traduite dans le langage de tous les jours des journalistes. On ne parle pas d’Abdoulaye Wade, on parle du régime. Ou alors, on critique le pouvoir, jamais le président de la République. Quand c’est trop dangereux, on parle du « système ». C’est une façon trop commode de critiquer l’homme le plus puissant du Sénégal. Le système, c’est personne. Alors que tout ce grand bazar n’a qu’Abdoulaye Wade et sa camarilla politique comme auteurs. Dans l’ordre des responsabilités, Farba Senghor se situe à un niveau trop bas. C’est un télégraphiste de petite semaine qui a usé ses plaquettes de frein, et qui ne sait plus s’arrêter. Mais s’il quittait la route pour se sacrifier à son maître, un autre félon plus obéissant le remplacerait immédiatement. Je suis d’ailleurs étonné que des journalistes croient naïvement que parce que des empreintes digitales ont été trouvées sur les lieux du crime, le tour est joué, les criminels sont punis. Pour trouver un criminel avec ses empreintes parmi onze millions de Sénégalais, il faut une base de données criminalistique. Il faut ensuite que les empreintes trouvées correspondent au contenu de la base de données. Il faut enfin que les policiers qui les cherchent veuillent bien les trouver. Mais les journaux évoquent cette heureuse éventualité comme si les auteurs du crime se cachaient. Non. Ils voulaient être vus et entendus de tous. Pour qu’une punition soit dissuasive, il faut qu’elle soit démonstrative. C’est pourquoi dans les pays qui les pratiquent, les scènes de décapitation se passent en public. 
Quand ils déversaient leur cargaison de détritus chez Idrissa Seck, les hommes de Farba Senghor y étaient allés en plein jour. S’il ne leur était rien arrivé, je ne sais pas pourquoi il leur arriverait quelque chose cette fois-ci. La Justice avait les moyens de punir un acte plus grave que celui-ci, avec l’agression sauvage de Talla Sylla. Il y avait dans le dossier les aveux d’Ismaïla Mbaye, les douilles qui correspondaient à l’arme de service du calot bleu Bro Bâ. La gendarmerie avait en sa possession les enregistrements de tous les échanges téléphoniques entre les commanditaires à la présidence et les acteurs sur les lieux du crime. Il ne s’était rien passé. Il ne se passera rien. 
Les journalistes vivent avec l’illusion qu’ils ne sont rien, et Abdoulaye Wade avec l’illusion qu’ils sont tout. Et comme le président de la République ne veut laisser aucun pouce de territoire insoumis, il veut conquérir le dernier bastion qui lui résiste depuis huit ans, la presse. Tout le reste du pays est malheureusement à genou, face contre terre. Le chef de l’Etat a réussi à convaincre une bonne partie du pays que les journalistes sont une grande menace contre la morale sociale et la cohésion nationale. C’est une fausse impression doublée d’une mauvaise foi hilarante, mais il a conquis le cerveau de la plupart des marabouts avec son argent. C’est pourquoi les journalistes sont insultés à Tivaouane, bastonnés à Touba. Les écrits des journaux sont subitement revenus au centre de toutes les préoccupations religieuses, devant la hausse des prix des denrées, la famine qui frappe le monde rural. 
L’élite religieuse a toujours pris part au débat national. Les chefs religieux ont parfois pris partie. Mais ils ne l’ont jamais fait avec autant de désinvolture et de soumission intéressée. Ils étaient des juges, ils sont devenus partie. Quand Abdoulaye Wade se livre à ses actes de bassesse, personne ne les entend. Dès que son régime se trouve en difficulté, ils entament leurs médiations. Cet alignement à l’ordre sanguinaire du wadisme dégénéré aura des conséquences fâcheuses sur la marche du pays. Les marabouts étaient les garants de l’ordre moral et de la stabilité de ce pays. Ils sont devenus de vilains suppôts du chef de l’Etat. Pour du franc Cfa et des Limousines, ils se sont engouffrés tête baissée dans les voies du libéralisme maraboutique. Ceux qui clament rageusement leur désapprobation sont mis en quarantaine et déclarés fous. C’est une folie que de renoncer à l’amitié d’Abdoulaye Wade et à ses billets de banque. 
Je comprends la colère de ceux qui pensent qu’il n’y a plus de Justice, et que la nature doit reprendre ses droits. Cette stratégie entretient malheureusement l’illusion qu’il s’agit d’un conflit entre personnes privées, alors que c’est l’Etat qui agit en bandit. Elle offre à Wade et à ses acolytes le désordre insurrectionnel qu’ils attendaient pour imposer un nouvel ordre institutionnel. Mais faire face par tous les moyens est devenu une obligation, pour ne pas mourir indigne. Chacun s’assure sa paix avec son arme, comme au Far West.
Les méthodes de Wade avec la presse sont connues de tous. Il a déjà brûlé une édition du journal Sopi, alors qu’il était simple ministre d’Etat. Quand la question du pourquoi lui a été posée, il a répondu qu’on ne critique pas « un gouvernement dans lequel je suis ». Il a déjà fait tabasser un journaliste de RFI. Il a déjà fait fermer les bureaux de la radio à Dakar, après avoir fait expulser Sophie Malibeaux. Le tort des journalistes sénégalais est d’avoir pensé que l’obstacle était contournable, que cet homme reviendrait un jour à la raison. C’est pourquoi nous lui avons laissé le loisir dire qui est journaliste et qui ne l’est pas. Il se croit maintenant autorisé à dire ce qui est publiable et ce qui ne l’est pas. L’idée d’Abdoulaye Wade est de faire passer par la force sa réforme monarchique. Le devoir de chacun est de défendre sa liberté de dire non. 
SJD
 



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