La parfaite entente entre le temporel et le spirituel constitue le centre de gravité du Sénégal et consolide notre « commun vouloir de vivre ensemble ». Nous le savons et nos ennemis le savent.
L’actualité récente reste dominée par la lutte contre la propagation de la covid 19. Pour autant, certains faits notamment les prières organisées à Touba et Médina Gounass, les frictions récurrentes avec les membres des forces de défense et de sécurité ainsi que les manifestations spontanées des populations de certaines localités semblent mettre en relief la défiance du pouvoir maraboutique contre l’autorité de l’Etat.
Le traitement tendancieux de ces évènements que d’aucuns considèrent déjà comme la naissance d’un front islamique mérite une attention particulière. En fait, l’Etat est souvent appelé à restaurer son autorité en exerçant le monopole de la violence légitime. Cette option est-elle opportune ?
En fait, en plus de la guerre contre lacovid 19, nous sommes entrés dans une guerre de 4eme génération. Totalement asymétrique, celle-ci cherche à déstabiliser l’adversaire en s’attaquant àson système mental et organisationnel. Elle correspond à une forme de guerre qui frappe au cœur du dispositif de l’ennemi en mobilisant ses populations entières en un antagonisme qui touche tous les domaines politiques, économiques, sociaux etculturels. D’ailleurs, parlant de la guerre de 4emegénération,Hugo chavez disait : « le processus est lent et long mais lorsque vous le menez à bien, l’ennemi se réveille mort ».
Or, c’est un truisme de préciser que « L’exception sénégalaise » que nous chérissons tant a certes ses thuriféraires, mais elle a aussi ses détracteurs. Notre ennemi invisible, comme le virus d’ailleurs, est en train de porter un coup très dur sur notre centre de gravité que nous devons défendre avec notre arme la plus puissante : la cohésion nationale.
Cela est d’autant plus urgent que notre ennemi est en train de dérouler sa stratégie d’influence en vue de déstabiliser durablement notre pays. Son modus operandi consiste à employer les populations qui commencent à subir les effets néfastes, mais indispensables des mesures prises par l’Etat pour préserver la vie des sénégalais. Ainsi, lacovid 19 et ses conséquences offrent un terreau fertile aux opérations psychologiques afin de convaincre nos citoyens sur les défaillances du gouvernement et d’alimenter les contestations sociales. S’y ajoute que la gestion de l’aide alimentaire, la pénurie d’eau dans certaines localités, la baisse de l’activité économique, la reprise avortée des enseignements pour les classes d’examen constituent autant de leviers qui permettent d’installer le chaos et de discréditer l’Etat.
Le Président Macky SALL l’a bien compris en désamorçant la bombe très tôt. En conséquence, à sa décharge, loin d’être une faiblesse, les mesures d’assouplissement qu’il a prises, au grand dam des pyromanes, sont l’expression d’un sens élevé de la responsabilité et de la primauté de l’intérêt national. Les autres acteurs devraient s’en inspirer pour préserver notre singularité positive, tant et si bien que depuis un certain temps, notre centre de gravité est mal en point. Des chefs religieux ont été insultés à travers les réseaux sociaux, des divergences et autres rivalités confrériques ont été alimentées par les médias.
En effet, le système politique sénégalais est marqué par sa singularité positive. L’Etat est responsable de l’ordre et de la sécurité, il est chargé de répondre aux aspirations du peuple. Le Sénégal est une démocratie, ce qui suppose une présomption de séniorité. La majorité exerce le pouvoir et l’opposition est reconnue. A côté de ces acteurs formels du jeu démocratique, le pouvoir religieux constitue un troisième qui donne au Sénégal toute sa singularité d’Etat laïque avec un pouvoir religieux.
Chaque pouvoir évolue dans son fuseau et joue sa partition pour la stabilité et la résilience nationale. Le gouvernement (pouvoir temporel), seul dépositaire de la légitimité, s’appuie sur le spirituel afin de mener des batailles idéologiques et d’éviter les conséquences néfastes de la radicalisation. Il n’a pas intérêt et n’a jamais cherché à fragiliser les religieux. Ces derniers n’ont pas besoin de s’opposer pour s’imposer car ils bénéficient d’un prestige symbolique incontestable. Les chefs religieux, musulmans comme chrétiens, sont très respectés et écoutés par toute la communauté nationale.
A la lumière de cette analyse, il faut reconnaitre qu’aucun des deux acteurs n’a besoin de remettre en cause le statu quo. Dès lors à qui profiterait des relations basées sur des rapports de force entre le temporel et le spirituel ? Sûrement à notre ennemi invisible qui nous envient notre singularité positive et notre stabilité. Ce dernier est conscient que l’impact du religieux dans la stabilité du pays est indéniable. C’est l’ADN du Sénégal.
Nous devons donc assumer cette réalité et la formaliser en levant toutes les incohérences héritées de la colonisation. A cet effet, l’Etat devrait mieux communiquer pour contrer les actions de l’ennemi et répondre aux accusations sur la fragilisation recherchée du pouvoir religieux. Les populations étant les principales cibles de la guerre de 4eme génération, l’Etat a le devoir de les sensibiliser davantage pour qu’elles demeurent vigilantes sur la première ligne de nos troupes contre l’ennemi encore invisible.
Enfin, il est temps de matérialiser notre singularité par la formalisation du rôle des religieux. A cet égard, la mise en place d’un conseil des chefs religieux pourrait contribuer à la préservation de notre centre de gravité.
En définitive, il ne s’agit pas de Touba, ni de Tivaouane, ni de Yoff encore moins de Popenguine où on vient de célébrer la vierge Marie, notre Dame de la Délivrande, il s’agit du SENEGAL. L’objectif de l’ennemi est nous manipuler lentement mais sûrement afin d’installer le chaos. Alors Sénégalais debout !
Abdoulaye FALL, journaliste et spécialiste en communication
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