Montréal, 15 décembre. Métro Snowdon. Un froid glacial règne sur la ville. Le thermomètre affiche moins vingt cinq degrés. Le tapis blanc qui décore les rues de la ville ralentit la marche des piétons et des automobilistes. À part le vrombissement des moteurs de voiture et le vent qui siffle, le silence dicte sa loi partout en cette matinée hivernale. On s’empresse de s’engouffrer dans la station et d’aller retrouver la chaleur du métro, qui mènera les usagers à leurs différents lieux de travail. Profitant de ce petit moment d’attente avant l’arrivée de la prochaine rame, je me verse dans une réflexion existentielle sur le temps parcouru par les blancs avant d’en arriver à confectionner autant de merveilles que sont les infrastructures démesurées qui surplombent les grandes métropoles. De même, je m’émeus devant la chance qu’ils ont de pouvoir profiter de tant de facilités de déplacement et de moyens de locomotion aussi pratiques que le métro.
Cette pérégrination cognitive sera interrompue par les rires assez forts de deux hommes qui n’arrêtaient pas de plaisanter derrière moi et de se donner de petites tapes amicales de temps à autre. Leur bonne humeur contrastait beaucoup avec la mine maussade dans laquelle la rigueur hivernale avait plongé toute la population. Je me retourne pour les regarder et celui qui paraissait le plus âgé lance à son compagnon : « Je te l’avais dit. C’est ton compatriote. Un vrai Sénégalais» Je réponds par un sourire à cette remarque. Cela détend davantage l’atmosphère. Après les présentations, entrecoupées par l’arrivée du métro, nous nous asseyons côte à côte. Dans la discussion, mes deux nouvelles connaissances m’expliquent qu’ils allaient travailler…dans un entrepôt de vêtements.
Jean Christophe, d’origine congolaise, est médecin de formation. Il a pratiqué pendant neuf ans avant de quitter son pays il y a une dizaine d’années en compagnie de sa femme et de ses trois enfants. Quant à Cheikh, nouvellement marié, cela fait huit mois qu’il a abandonné son emploi d’ingénieur en télécommunications au Sénégal pour tenter l’aventure canadienne. Après nous être séparés, je me mis à réfléchir toute la journée sur la situation des nouveaux cadres et intellectuels qui viennent par milliers chaque année recommencer une nouvelle vie au Québec et dans le reste du Canada. Pourquoi ont-ils renoncé à tant de privilèges et d’avantages sociaux pour venir occuper, dans la plupart des cas, des travaux qui sont à des années lumières de leur domaine de compétence? Comment ont-ils été séduits aussi facilement par les autorités de l’immigration canadienne? Comment expliquer autant de perte de matière grise pour un continent qui peine toujours à décoller?
En fait, pour vendre la destination Canada, les services de l’immigration ne manquent pas d’arguments. Si le manque de main d’œuvre est la raison principale de cette nouvelle boulimie migratoire, force est de constater que beaucoup de choses sont cachées aux futurs immigrants. L’accent est davantage mis sur toutes les belles opportunités qui attendent les futurs travailleurs qualifiés. En effet, si pour tous les nouveaux arrivants, l’entrée sur le sol canadien garantit la résidence permanente, qui débouchera plus tard sur la citoyenneté, cela constitue effectivement un sésame dont pourraient profiter largement les immigrants et leur progéniture. Par ailleurs, avec un système de santé relativement gratuit, l’attrait est vif pour des personnes qui ont beaucoup de peine à se soigner correctement dans leur pays d’origine. Pour ceux qui sont à la recherche d’un havre de paix, le Canada, à l’instar des États-Unis, garantit la liberté d’expression et le droit à la différence, ce qui est primordial pour un bon épanouissement personnel et intellectuel.
Toutefois, il faut également souligner que les informations reluisantes fournies ça et là ne constituent que la face visible de la médaille. En effet, pour la très grande majorité des nouveaux arrivants, trouver un emploi convenable relève d’un véritable parcours du combattant. Beaucoup de professions telles que : avocat, médecin, ingénieur, comptable, etc. sont régies par des Ordres. Ce qui exclue d’office les prétendants à ces postes peu importe leur expérience professionnelle et leur parcours académique. Ainsi, une nouvelle formation accompagnée d’une petite expérience seront souvent nécessaire avant de trouver une vraie chaussure à sa pointure. Dans un pays où les études coûtent cher et exigent un manque à gagner considérable, il est clair qu’il faut une bonne dose de courage, un sens élevé du sacrifice doublé d’une grande motivation, pour retourner dans les bancs des amphithéâtres. Par conséquent, beaucoup se retrouvent à occuper des empois subalternes dans les centres d’appels, les taxis, les restaurants et autres supermarchés. Que faire si on a des bouches à nourrir au quotidien et des sollicitations qui pleuvent en permanence de l’autre côté de l’Atlantique? Il faut trouver un emploi à tout prix et espérer trouver mieux un jour. Un pari risqué!
Certes, les motivations et les arguments qui poussent à l’immigration varient d’une personne à une autre: dictature du pouvoir en place, fuite de la guerre, pauvreté extrême, besoin de nouveaux défis, pressions familiales dues à forte la demande sociale... Toutefois, il serait toujours plus judicieux de venir tâter le terrain et rencontrer du monde pendant quelques mois avant de tout laisser derrière soi pour imaginer aller à la conquête du paradis terrestre.
L’être humain demeure toujours dans une quête perpétuelle de richesse, de bonheur, de savoir et de nouveauté, mais il doit être rare, voire inexistant, ce pays qui offre tout et qui répond parfaitement à toutes les attentes. Ainsi, beaucoup en arrivent à regretter leur acte après avoir découvert plus tard le pot aux roses sur le sol canadien. Même si certains tirent leur épingle du jeu en trouvant un travail adéquat après un temps plus ou moins long, cette minorité constitue la goutte d’eau dans cet océan de désillusions et de regrets d’une grande partie des immigrants africains.
Lamine Niang
7 Commentaires
Inconnu55
En Juin, 2012 (18:05 PM)Reply_author
En Juin, 2023 (07:23 AM)Mensonge
En Juin, 2012 (05:16 AM)Louve Au Senegal
En Juin, 2012 (16:27 PM)Omega
En Juin, 2012 (23:11 PM)Les mid-career qui tentent cette aventure, sont deçus dans leur tres grande majorite. Pour l'avoir testé je ne le recommande pas aux cadres africains. VOUS NE TROUVEREZ PAS CE QUE VOUS ETES ALLEZ CHERCHER!!! J'ai la chance de ne pas rester au Canada
Parcontre le Canada cherche de la main d'oeuvre qualifiee (sa superficie fait 7 fois la France et sa population 3 fois inferieure) les etudiant qui sont en fin de cycle et qui sont encore dans cette logique de finir leurs etudes ( 3eme cycle.... ) sont mentalement preparer a ce defi d'obtenir un diplome canadien qui leur garantie une intregration professionnelle et reussir ainsi leur nouvelle vie au Canada.
Telbi
En Juin, 2012 (15:09 PM)La Cohérence du vote du 25 mars voudrait que l'on continue à se débarasser du système Wade au soir du 1er Juillet en élisant une Assemblée de rupture avec Benno Bokk Yakaar qui cristallise l'essentiel des forces du 23 juin, des Assises Nationales qui oeuvrent au service du Peuple. Je donnerai mon vote à Bokk Yakaar pour permettre une majorité de rupture à l'Assemblée.
Deg Deug
En Septembre, 2012 (08:14 AM)Je vous dis une chose, même s'ils (les immigrants) rentrent au Pays, même si l'Afrique a besoin intellectuels, ils vont travailler et se donner le meilleur de eux même pour faire avancer l'Afrique.
Ils sont tous pareil, paresseux, feignants, manque de motivation. Vous croyez qu'avec ça on va faire avancer l'Afrique? je ne pense pas.
Les sénégalais ou les africains aiment trop les mots comme cadre, bureau, chef, etc.. Arrêtez un peu d'être arrogant et travaillez.. "Ouè moi je cadre informatique" qu'est ce ça veut dire ? "mon bureau" que des mots comme ça.. Mais s'il s'agit de travailler ils font rien et ils sont nuls et même incompétents. Vous faites que parler.. Les occidentaux eux travaillent bien et développent leur pays sans montrer qu'ils sont cadres ou machin.. Vous êtes accrochés à ces mots alors que ce n'est pas ça compte..
Je travaille dans une société en France, mais j'ai jamais entendu mon directeur générale dire mon bureau, je suis cadre, etc.. il vient le matin de bonheur avant tout le monde et il rentre en dernier le soir.. Même les employés s'habillent mieux que lui. Tu le vois habillé, tu ne pense même pas qu'il dirige une entreprise de plus de 1000 salariés.
Donc c'est pareil arrêtez avec ces mots cadre, bureau ect.. et travaillez..
A dakar tu vois des directeurs d'agence de banque qui viennent à 10h ou 11h le matin et partir l'après midi 15h chez eux. Vous croyez qu'avec çà l'Afrique va se développer ?
Donc c'est pareils même les gens qui ont fait des études en France ou au canada, sans avoir une première expérience avant de rentrer au pays, ne sauront rien faire au Pays par ce qu'ils savent encore comment donner de l'importance au travaille et comment montrer un bon exemple. Ils seront comme les gens de là bàs.
Arrêtez vos arrogances et travaillez.
WASSALAM
Deg Deug
En Septembre, 2012 (08:20 AM)"Même si l'Afrique a besoin intellectuels, ils NE vont pas travailler et se donner le meilleur d'eux même pour faire avancer l'Afrique".
à bons entendeur......
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