Les lendemains de victoire sont bien plus savoureux que le jour même où on a réalisé l’exploit de battre l’adversaire. Normal, puisque le débat après-match va se poursuivre, n’en déplaise aux chefs d’entreprises intraitables sur la dichotomie entre les loisirs et le travail. Il est clair que mes compatriotes vont grignoter sur leurs horaires pour revenir sur cette belle moisson de nos vaillants Lions : 1 but à 0
1 . De mémoire de Sénégalais, les Indomptables n’ont jamais essuyé un revers devant les Lions de la Téranga. Les plus vaillants de nos braves Lions ont, à la limite réussi, jusque-là, l’exploit du nul ! Seulement l’Histoire nous apprend que les victoires viennent même des échecs car on en sort en tirant bien des leçons. Je paraphraserais en avançant que nous ferions aussi bien de tirer les enseignements de cette victoire acquise de haute lutte : sur les toutes dernières minutes de jeu, un capitaine remplaçant le titulaire, avec un autre attaquant, lui aussi en provenance des bancs des remplaçants, pour ne pas les nommer, Issiar Dia et Demba Bâ (mes vaillants cousins et non moins esclaves puular !)2 ont fait la différence après plus de 90 minutes de jeu : chapeau Messieurs !
Après l’euphorie, lisons entre les lignes de cette victoire à l’arrachée sur les Lions Indomptables du Cameroun : il faut y croire jusqu’au bout. Et pas n’importe comment : dans un esprit de discipline et de fair play et en faisant confiance au groupe et pas à une seule personne ! Lire entre les lignes aussi, sur le choix des hommes qui ont conduit à cette victoire. Ce n’est qu’une victoire d’un seul match et il y aura la phase retour qui, celle-là va se jouer en terre camerounaise avec l’avantage mental que procure le fait de recevoir à domicile me diriez-vous. En effet, je concède que rien n’est encore gagné, mais dans cette vie dites- moi ce qui est acquis pour de bon ? Le Mythe de Sysiphe nous le démontre de manière existentielle3
C’est à domicile justement que l’on s’est servi pour désigner un entraîneur national, après plusieurs années à la recherche du sorcier blanc qui règlerait, une bonne foi pour toute, les problèmes de notre onze national.
Après le goût encore amer du Mondial 2002, qui a vu plus d’un Sénégalais rêver de voir la Coupe du Monde faire le voyage en terre sénégalaise, on s’est ressaisi. Peut-être pas à temps puisque des millions ont encore été payés à des étrangers. Mais au moins, on a cru pertinent de réessayer l’expertise locale. On avait auparavant tenté, mais avec toujours la circonspection de voir un Sénégalais réussir à « maîtriser des professionnels évoluant à l’étranger et qui auraient plus de cran et de personnalité que le compatriote qui se trouverait être leur coach » avançait la majorité des observateurs !
L’interjection n’est pas de trop et je souhaiterais qu’on la considère à la hauteur de l’affront. Oui, affront devant une grossièreté pareille. En termes plus précis, un Sénégalais évoluant à l’étranger, qu’importe le pays, mais ici en l’occurrence en Europe, serait de meilleure qualité qu’un Sénégalais du Sénégal c'est-à-dire vivant, travaillant et respirant Sénégal. Que nenni ! Il n’y a pas un Sénégalais et un autre type de national. Et c’est souvent que l’étranger n’a pas la solution. La solution, elle est en nous.
Nous nous valons tous et cette vérité gagnerait à être comprise et appliquée par tous, à commencer par nos élites qui nourrissent encore un complexe à peine dissimulée pour tous ce qui traverserait la Méditerranée. Cela a bien sûr des conséquences désastreuses sur le vécu. Je me souviendrai de ce jeune homme, qui, interpellant un aîné, lui demandait de lui filer les bons tuyaux pour se faire inscrire dans une des nombreuses universités de l’Hexagone. Lorsque son vis-à-vis lui affirma que de Grandes Ecoles existaient sous nos cieux comme de tout aussi bonnes Universités, le bachelier lui répondit que oui mais qu’il était beaucoup plus facile de se faire embaucher au Sénégal si on avait fait des études à l’étranger.
Triste réalité confirmée récemment dans une entreprise qui a signé un CDI, en un temps record jamais égalé, à une personne tout simplement parce que cet individu était fils ou fille de et par-dessus le marché venait d’ailleurs laissant de fait sur le carreau d’autres qui avaient totalisé, pour certains, dix ans de présence à travers des CDD renouvelés ad vitam aeternam. De manière tacite donc, de telles attitudes sapent le moral des plus jeunes, ceux qui sont appelés à diriger ce pays ; sapent leur moral mais également, de manière inconsciente, pérennisent de tels actes en semant le doute sur toute contestation de la véracité d’un tel argument. Non, tout ce qui est étranger n’est pas bon. Récemment, si mes souvenirs sont bons, le Président de la République lui-même relevait, pour s’en offusquer, que beaucoup de nos compatriotes falsifiaient des diplômes d’universités étrangères sans doute pour se faire accepter plus rapidement au regard de ce que je viens de développer (la précision est de l’auteur). Les châteaux en Espagne, on ne les voit jamais! 4
Par conséquent, construisons- nous nous-mêmes un mental d’acier, du genre que l’on retrouve chez les Japonais dont la discipline fait des admirateurs aux quatre coins du monde devant la tragédie des tremblements de terre. Cette discipline n’est pas née ex nihilo mais bien le fruit d’une éducation puisque la morale, chez eux, plus qu’une tradition, est enseignée dans les écoles et appliquée, sans hypocrisie, dans la vie de tous les jours. Le respect de son prochain et surtout des anciens, la discipline dans la vie de tous les jours, le culte du travail bien fait, l’effort comme moyen d’accéder à une meilleure qualité de vie, en somme l’individu acquière respect, dignité et bonheur parce qu’il applique ces lignes de conduite et par conséquent, il a le respect du groupe . Non pas parce qu’il est fortuné ou né avec une cuillère en or dans la bouche mais par ce qu’il est respectueux de l’autre. La « méritocratie » devrait faire l’objet d’un débat sérieux chez nous ; elle sous-tend des efforts constants, à quelque échelle où l’on se trouve dans la société et tout individu qui n’entrerait pas dans ce canevas se verrait appliquer des mesures à la hauteur de son acte.
Après, il ne faudrait pas se voiler la face. On ne vit pas en vase clos et le monde est, secret de polichinelle, un village planétaire. Mais ceux qui arrivent à y tirer leur épingle du jeu sont bien ceux qui ont su préserver leurs valeurs
5 : la Chine, le Japon que j’ai cité supra et bien d’autres pays en Asie ont fait des bonds importants parce que s’étant d’abord appuyés sur leurs valeurs, à commencer par leurs ressources humaines. La plus grande leçon s’assimilant par l’exemple, il n’est pas trop tard pour prouver à Axelle Kabou que le continent refuse bien le sous-développement
.6 Autre stratégie de communication que nous apprend la victoire des Lions, c’est que le culte de la personnalité ne conduit jamais vers la victoire. Le groupe c’est la star et tout est permis, par les moyens légaux s’entend, pour arriver à la gagne, réussir son projet. Quel plus beau geste que celui de notre capitaine Mamadou Niang, enfilant lui-même le brassard à son coéquipier remplaçant et lui tapotant gentiment l’épaule après avoir mouillé le maillot pendant plus de 75 minutes d’âpres jeux. Cela s’appelle tout simplement fair play ! C’est un mot facile à prononcer mais un peu plus difficile à expérimenter, tant cela demande un don de soi, j’allais dire de la générosité dans l’effort.
En 90 minutes, nos Lions de la Téranga ne nous aurons pas seulement gratifié d’un match où le suspense était garanti jusqu’au bout, mais bien d’une leçon politique et de politique7.
Gouverner nos pays demande bien d’autres talents que je laisse à l’appréciation de ceux qui assimilent les sciences politiques. Toutefois, sans être une spécialiste de la discipline, j’avancerais que ce dont nos populations ont le plus besoin, c’est de dirigeants qui, maîtrisant les enjeux de l’heure (ils sont savamment résumés dans les OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement) prennent la juste mesure de leur responsabilités ( nos Lions savent que ces phases finales sont capitales et qu’une victoire conforte notre position de leader du Groupe E et par conséquent augmente nos chances de nous qualifier pour la prochaine Coupe d’Afrique), utilisent à bon escient les maigres ressources dont nos pays disposent et fassent un peu plus confiance à l’expertise locale, en érigeant en exemple les plus méritants d’entre nous et en cultivant l’amour de sa patrie.
Nafissatou Diouf- Journaliste
[1] Le 26 mars 2011 le Sénégal et le Cameroun ont joué un match comptant
pour les phases finales de la Coupe d’Afrique. Le Sénégal a battu, pour la
première fois, le Cameroun par un but à zéro confortant du coup sa place de
leader du Groupe E de son poule.
[3]Albert Camus, Le
Mythe de Sisyphe, Paris, Gallimard, 1942 ; Albert
Camus y met en scène l’Homme à la
recherche éternel de son moi, d’une passion.
[4] « Se bâtir des châteaux en Espagne » expression qui désigne une action vaine, un projet irréalisable
[5] Le Président poète Léopold
Sédar Senghor a largement débattu de la notion de « Civilisation de l’Universel »
dans les tomes I, II et III de sa trilogie Liberté en 1961, 1964 et 1977
[6] Axelle Kabou, Et
si l’Afrique refusait le développement ? , Paris, l’Harmattan, 1991
12 Commentaires
Rebelle
En Mars, 2011 (17:40 PM)ALGERIE 90 SENEGAL -CAMEROUN 2-0 pour le senegal
Barada Ak Kass
En Mars, 2011 (17:44 PM)Makson
En Mars, 2011 (17:52 PM)York
En Mars, 2011 (17:52 PM)Serer Diamou Toucouleur
En Mars, 2011 (17:55 PM)Bakh
En Mars, 2011 (18:34 PM)SENEGAL - CAMEROUN: 5 victoires partout
4 NULS
Dougeul
En Mars, 2011 (19:39 PM)Pertinent
En Mars, 2011 (21:28 PM)Becar
En Mars, 2011 (23:23 PM)Khan
En Mars, 2011 (07:18 AM)Un Kaolackois
En Mars, 2011 (11:15 AM)Hot
En Mars, 2011 (13:09 PM)Participer à la Discussion