[ Contribution ] On prend les mêmes et on recommence

Le ralliement d’Idy du 4 novembre, ou si vous voulez le baisebottes qu’il a fait à Wade remet en cause le tissu même de la politique sénégalaise et de ses principaux acteurs.
 
Idy s’est-il regardé dans le miroir une fois de retour chez lui ? Etait-il fier de l’image qui s’y reflétait ? Si oui, c’est que l’homme venait de perdre en ce jour fatidique du 4 novembre le peu de dignité qui lui restait. Si la réponse est non, ce serait quand même trop tard pour se rattraper, le peuple a entendu la pathétique métaphore de l’œuf. Et quand il parle de l’obéissance qu’un enfant doit à son père en faisant référence au sacrifice d’Abraham, il fait pitié.
 
En fait, Idy a été à bonne école. Nous avons encore en mémoire les querelles et réconciliations entre Wade et Diouf. Après les élections présidentielles de 1988, Diouf met Wade en prison à cause des troubles causées par la contestation des résultats. Wade sortira de prison pour participer, sous le patronage de son ancien geôlier, au gouvernement d’union nationale. Diouf et Wade vont répéter le même scénario en 1994 avec le retour de Wade en prison, et sa réintégration dans le gouvernement en 1995. Lors de ses passages dans le gouvernement, Wade ne s’est pas privé de courbettes devant le maître de céans, ouvrant et refermant les portes de la limousine présidentielle en lieu et place de Bruno Diatta, le chef du protocole.
 
La prison est peut-être un arrêt obligatoire en route vers le palais présidentiel. Cela a marché pour Wade, pourquoi cela ne marcherait-il pas pour Idy ? La différence, et elle est fondamentale, est qu’en 2000, les Sénégalais étaient prêts à tout, sauf au parti socialiste. Et puisque le discours du PDS à l’époque était plus neuf que celui usé et du PS, Wade semblait être l’homme de l’heure. La suite sera une cuisante désillusion pour le peuple sénégalais.
 
Beaucoup de choses ont été dites sur l’entrée de Karim Wade au gouvernement. Ce seul phénomène n’en constitue nullement un évènement. Les « récompenses » politiques qui impliquent parfois les membres de la famille du pourvoyeur de postes sont monnaie courante, même dans des démocraties considérées comme solides. Aux Etats-Unis, John F. Kennedy a nommé son frère Robert comme ministre de la justice entre 1961 et 1964. François Mitterrand a fait de son fils Jean-Christophe, alias « papamadit », conseiller personnel pour les affaires africaines entre 1986 et 1992. Plus récemment (1994), encore aux Etats-Unis, Bill Clinton a nommé sa femme Hilary au poste de coordinatrice  du plan de réforme du système de santé ; plan qui a lamentablement échoué. Ce qui choque surtout, c’est cet entêtement borné de Wade de vouloir faire d’un banquier plus ou moins doué (Karim) son dauphin. Il est vrai que d’autres ont tenté l’expérience : Faure Gnassingbé– Togo, Ali Bongo – Gabon, Joseph Kabila – République démocratique du Congo, et à moins que quelqu’un ne vienne troubler la fête, un des fistons de Kadhafi succèdera au guide libyen.
 
Les Sénégalais auront à choisir en 2012 le remplaçant de Wade car il est inimaginable que le peuple élise un homme de 86 ans. La politique est l’une des rares fonctions où il n’y a pas d’âge requis de retraite. Toutefois, il serait suicidaire de reconduire au poste de Président un vieillard au bilan désastreux. Un citoyen qui aimerait marginalement son pays ne pourrait jamais voter pour Wade, à plus forte raison les Sénégalais qui ont le patriotisme à fleur de peau.
 
Wade exclu, quel sera le choix des Sénégalais ? La coalition Benno Siggil Senegaal nous donne aujourd’hui l’image d’une bande de copains qui s’aiment bien, mais qui ne peuvent s’empêcher de se chamailler. Ces petites prises de becs « innocentes » sont en réalité des tests de positionnement, on jauge les adversaires. A l’approche des échéances de 2012, Benno Siggil Senegaal sera obligé de jouer cartes sur table : qui sera le candidat de la coalition, si jamais le groupe arrive à s’entendre sur une candidature unique ? La tâche suprême reviendra au peuple sénégalais de choisir parmi ces dinosaures qui hantent le décor politique du pays celui qui semblera plus cohérent que les autres.
 
Djibo Kâ a les convictions d’une hyène affamée. Tanor Dieng, Moustapha Niasse et Robert Sagna totalisent à eux trois plus de 90 ans de pouvoir. S’ils n’ont pas fait preuve d’imagination pendant tout ce temps, je doute qu’ils ne soient illuminés sur le tard par une étincelle de génie. Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho, Landing Savané et Madior Diouf sont des poids légers qui n’ont pas la base électorale adéquate pour se faire élire. Puisqu’Idy est un malpropre infréquentable, il ne reste plus que Macky Sall, de qui il faudra aussi se méfier. L’homme a été évacué de la Primature quand il a voulu manger au râtelier réservé à Karim. Il a eu ensuite « l’ingratitude » de demander des comptes à ce même Karim sur la gestion du budget de l’ANOCI, d’où sa chute du siège de président de l’Assemblée nationale. Ce que le peuple connait des convictions de Macky Sall se limite à ses démêlées avec Wade, la création de l’APR-Yakaar, et sa réélection à la mairie de Fatick ; un peu mince comme curriculum vitae !
 
On prend les mêmes et on recommence, à moins d’une surprise de la dernière heure (Aminata Tall? Cheikh Tidiane Gadio ?). En 2012, le peuple sénégalais sera condamné à faire un choix parmi les hommes cités ci-dessus malgré le relent de réchauffé.
 
Edgard Coly, PhD
Monterey Institute of International Studies
Californie
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