La CEDEAO a été créée par le traité de Lagos signé le 28 Mai 1975 par quinze pays de l’Afrique de l’Ouest : Bénin, Burkina, Côte d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo. Le Cap-Vert a rejoint la Communauté en 1976 et la Mauritanie a décidé de la quitter en 2000. Véritable serpent de mer, le projet de monnaie unique africaine a cependant été repoussé à plusieurs reprises depuis 1983, date du projet de création de la monnaie unique, l’Eco. Il faut rappeler que la CEDEAO compte 356 millions d’habitants, avec un PIB 480 000 milliards de F CFA. Si l’union monétaire venait à être concrétisée, la CEDEAO serait la 18e puissance économique du monde. Au départ, l’idée de la CEDEAO était de faire en sorte que les sept pays ouest-africains non-membres de l’UEMOA créent une union monétaire en 2015 – la zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest (ZMAO) – avant de fusionner ensuite avec les huit pays de l’UEMOA en 2020. Malheureusement les Etats, constatant l’insuffisance de la convergence, repoussèrent l’Union Monétaire.
Récemment la CEDEAO a décidé d’adopter une nouvelle méthodologie avec une option graduelle en trois phases.
- Dans un premier temps les 8 pays de l’UEMOA vont commencer à utiliser la monnaie Eco en 2020, car ce sont eux qui sont plus proches des critères de convergence (déficit <3%, inflation <3%, endettement <70%). Mais le problème qui risque de se poser se situe au niveau de l’agenda du F CFA qui n’est pas le même que celui de l’Eco. Le Franc CFA est imprimé en France (Chamalières et Pessac), 50% des réserves sont gardées par la France, et la politique monétaire contrôlée par Paris.
- Ensuite les autres pays doivent rejoindre la Zone Eco, mais le géant Nigeria et le Ghana n’accepteront d’adopter la monnaie unique que lorsque le cordon ombilical avec la France sera définitivement coupé, afin de mettre en place une banque centrale fédérale avec un ciblage de l’inflation globale comme cadre de politique monétaire. Muhammadu Buhari avait dénoncé au Ghana, en 2018, la non-préparation de certains États au processus de création de la monnaie unique et la mauvaise articulation des étapes à franchir.
- Enfin la dernière étape consiste à mettre en place une politique économique et commerciale, la signature des traités et du statut de la banque centrale. Or, le problème c’est qu’il y a jusqu’à présent une absence de définition de la politique monétaire à mener, pas encore de traité de la CEDEAO, ni de statut de la Banque Centrale de la CEDEAO.
Finalement, on voit bien qu’avec l’Eco, la seule chose qui sera faite c’est le changement de nom tandis que la même politique de sujétion monétaire serait menée.
La CEDEAO ne constitue pas encore une ZMO (Zone Monétaire Optimale) et il existe de sérieux problèmes à résoudre entre les zones UEMOA et ZMAO (divergence des chocs, différences de termes de l’échange et de la fiscalité, absence de coordination budgétaire). Face à ce constat, les autorités de la CEDEAO doivent mettre l’accent sur leur programme de convergence (révision des critères, renforcement institutionnel). Les critères de convergence comprennent quatre indicateurs que les États membres de la CEDEAO doivent remplir avant de pouvoir participer à l’union monétaire : déficit budgétaire / PIB < 3%, taux d’inflation annuel < 10%, financement du déficit par la BC / Revenus fiscaux < 10%, et réserves extérieures / importation > 6 mois.
Lors de la rencontre du 29 juin, les chefs d’Etat ont opté pour une parité flexible. Mais selon Alassane Ouattara, président en exercice de l’UEMOA, l’Eco conservera sa parité fixe avec l’Euro, donc c’est clair qu’il n’y a absolument pas de rupture avec le système CFA. Les deux représentants de la France que sont Ouattara et Macky Sall ont décidé de renoncer à toute tentative de se libérer de l’emprise monétaire de l’ancienne puissance coloniale. Ils ont tout simplement balayé du revers de la main tous les principes fondamentaux qui caractérisent la création et la mise en circulation de la nouvelle monnaie africaine. Le Nigéria et le Ghana se sont simplement retirés car ne se reconnaissant pas dans la politique monétaire définie et imposée par Ouattara. Il faut rappeler que le Nigeria à lui seul représente plus de 70 % du PIB de l’Afrique de l’Ouest (Mauritanie incluse) et 51 % de sa population. Pour Macky Sall, le FCFA est une bonne monnaie à garder, les autres pays doivent tout simplement abandonner leur monnaie souveraine et rejoindre la sujétion monétaire sous prétexte qu’elle assure une stabilité. C’est ce qui a poussé Ousmane Sonko à dire que « Le système du franc CFA consacre l’aveu de nos élites politiques du postulat selon lequel nous, Africains des anciennes colonies françaises, sommes incapables de gérer de manière responsable une monnaie souveraine… »
À l’occasion d’une rencontre avec Alassane Ouattara à l’Elysée en août 2017, Macron avait suggéré à ce dernier de procéder à la modernisation de la zone francs. En novembre 2017, le président français s’est de nouveau exprimé sur le sujet lors d’une visite au Burkina Faso, mais cette fois-ci de manière ambivalente : « J’accompagnerai la solution qui sera portée par l’ensemble des présidents de la zone franc. S’ils veulent en changer le périmètre, j’y suis plutôt favorable. S’ils veulent en changer le nom, j’y suis totalement favorable »
Ce qui est sûr, c’est que la création d’une monnaie unique apparaît comme prématurée avec des conséquences incertaines. Il s’agit donc tout simplement d’une tentative de calmer la demande grandissante de souveraineté monétaire, portée par une large majorité de jeunes africains, des penseurs, des économistes… Avec l’Eco, on assiste uniquement à un changement de nom du F CFA, qui aurait pour objectif d’étouffer les mouvements de protestation contre le vieux système pervers de la Françafrique. Finalement, pour ne pas dire retour à la case de départ, avec l’Eco, les pays africains restent dans la servitude volontaire avec une monnaie toujours au service de la Françafrique et du pacte colonial.
En définitive, nous devons sortir du Franc CFA si nous aspirons au développement. Tous les problèmes sont liés au régime de change fixe d’une monnaie africaine arrimée sur l’Euro, dans une économie sous-financée, résultat d’une « répression monétaire » (l’octroi de crédit est plafonné à 23% du PIB) qui favorise le mécanisme de drainage des ressources vers l’extérieur à cause du principe de libre transfert. Cette monnaie de plomb :
- est un facteur du sous-développement : douze des quinze États africains de la zone franc sont classés parmi les « pays à niveau de développement humain faible », soit la dernière catégorie de l’IDH conçu par le PNUD
- ne favorise pas l’intégration régionale (moins de 10% du total des échanges commerciaux de ses pays membres)
- représente un frein à l’attractivité de la zone (3% seulement des investissements directs étrangers (IDE) entrants en Afrique)
L’article 36 du traité de l’UEMOA stipule « Tout Etat membre peut se retirer de l’Union monétaire ouest-africaine. Sa décision de retrait doit être notifiée à la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UEMOA ». Il suffit donc pour chaque pays de prendre ses responsabilités. Une sortie du système CFA peut être motivée par une ambition « nationaliste » ou « panafricaniste ». Dans ce dernier cas c’est la France qui sortirait de la zone CFA. C’est l’option de la CEDEAO, mais au lieu d’avoir une monnaie CEDEAO, on va se retrouver avec une monnaie ADO.
Nous ne pouvons pas parler de nouvelle monnaie :
- tant qu’il n’y a pas une souveraineté dans la définition d’une politique monétaire distincte de la politique monétaire françafricaine
- tant que les accords sur l’arrimage à l’euro ne seront pas supprimés
- tant que la monnaie ne suit pas l’activité économique des pays africains
Afrique, yewouleene !
Amadou BADirecteur Adjoint Ecole du Parti
PASTEF-Les PATRIOTES
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