M. Cheikh Diallo, portefaix de M. Karim Wade, sous couvert d’une analyse critique de l’œuvre littéraire de Jean-Christophe Rufin, a estimé devoir commettre un texte pro domo dans un style ampoulé, mélange de locutions adverbiales superfétatoires et de références politico-littéraires douteuses. On aurait pu prendre le parti d’en rire si cette charge, qui ne laissera nulle trace, contre un écrivain immense, ne révélait dans sa substance quelque chose de glaçant, poison spécifique propre au régime podagre qu’il défend et qui a déjà fait les ravages que l’on sait. On aurait pu en rire, si l’exercice auquel il se livre, avec une fausse délectation aussi évidente, ne participait d’un réflexe quasi pavlovien, venant rappeler sans cesse la tapisserie de Pénélope, «ces damnés descendant, sans lampe, d’éternels escaliers sans rampe».
On admet d’emblée que les ratiocinations de M. Diallo, au-delà de leur seule caractéristique polémique, renseignent surtout sur les pratiques à l’œuvre dans l’espace du pouvoir libéral, incarnation parfois spectrale de ce qu’on appelle l’Esprit de Cour. Dans ce mot est tout le mal où l’on voit se substituer le vice à la vertu, lieu de positions, de courses aux honneurs, de rêves misérables, de combines et de jouissances, de faveurs échangées, bref, un cloaque où une caste étroite de prêtres attachés à leurs autels, recherchent fiévreusement promotions et nominations.
La Cour, en définitive, ne serait pas la Cour, si elle ne laissait pas d’être égocentrique et superficielle. La Cour, telle qu’on l’envisage chez nous ici au Sénégal n’échappe guère à une règle universelle, une règle de tous les temps, depuis Louis XIV, inventeur du mot. C’est toujours quand un pouvoir se meurt et chancelle, que se resserre la coterie autour des rayons mourants du soleil. C’est à ces moments typiques, et cela reste d’ailleurs un insondable mystère, que les flatteurs et les coryphées redoublent d’ardeur, donnant l’image de ces courtisanes de Juvénal qu’aucun fromage ne peut faire vomir. Clairement, la lecture, même en diagonale du texte de M. Diallo, ne manque pas d’inspirer un double sentiment de malaise et de commisération. Il ne fait pas de doute que le choix d’une réponse à opposer à M. Rufin, écrivain complexe et exemplaire de fécondité, par une tentative désespérante d’une biographie caricaturale, forcément massacrante, relève de l’imposture. M. Diallo a toutes les chances d’être le seul «biographe» de Rufin, le seul au monde à résumer l’œuvre de l’académicien autour d’un abcès de fixation anti-Wade. Apparemment, ni l’éthique, ni la morale n’étoufferont de remords M. Diallo. Elles lui sont inaccessibles. Précisément, est-il digne de procéder par amalgame conscient en juxtaposant des ouvrages de la production littéraire et romancière de M. Rufin devant chaque point soulevé pour donner à penser que le point incriminé est abordé dans le livre cité et accréditer l’idée d’un acharnement ?
Ainsi, M. Rufin, avant même que d’être diplomate et ambassadeur de France au Sénégal, aurait conçu ses livres en fonction de son séjour chez nous, dans un pays dirigé par Abdoulaye Wade. Quelle formidable prescience !
Résumons, pour marquer les repères : amalgames et mauvaise foi, désir de notoriété et imprudences théoriques. Par un curieux retournement assez cocasse, les philippiques de M. Diallo se retournent contre lui-même. Prenons ce morceau d’anthologie qu’il cite en l’empruntant à Nietzsche «nul ne ment autant qu’un homme indigne». Vouloir interpréter au premier degré cette assertion nietzschéenne en lui assignant un sens hors contexte et hors texte, c’est témoigner d’une crasse ignorance de l’auteur qu’on invoque. S’il fallait se suffire de ce premier degré, alors tout votre argumentaire de «répondeur» indigné, serait sans objet et tomberait à l’eau. Je vous recommande, M. Diallo, de lire, à la condition que vous en soyez capable, l’ouvrage fondamental de Nietzsche «Par delà le bien et le mal» et vous comprendrez alors la portée de ce mot et les raisons pour lesquelles vous êtes proprement affligeant. Je reste sur Nietzsche et vous conjure de rester concentré sur le chapitre intitulé «La morale des faibles». Comment ne pas s’indigner à juste titre de constater la fausseté de vos analyses en usant de ce que Bourdieu nomme «la dialectique du brouillard» ? Ainsi, pour asseoir les prétendues incohérences et supposées inconstances de Rufin, vous montez en épingle des extraits puisés des ouvrages de l’auteur, des extraits que vous n’hésitez pas à torturer en les soumettant au service de vos desseins personnels et pour la crédibilité de votre démonstration. Or, il est évident que l’auteur lui-même ne les posait qu’en tant que partie antithétique de ses exposés. Il faut, au fond, convenir de l’extrême vanité de toute cette débauche de ruses rhétoriques.
Rufin, qui lui, n’a pas subtilisé son titre d’écrivain, est un intellectuel solide, d’une grande densité morale, adossé à des convictions fortes, engagé non sans panache et témérité dans les débats de son temps. Chez cet homme, que la critique mondiale dépeint comme un humaniste intransigeant, la défense des valeurs de justice, d’égalité, de développement et de paix, est une exigence, un impératif catégorique pour le triomphe desquelles il n’y a ni frontières, ni pauses. Il a comme tous ceux qui, comme lui, se revendiquent des mêmes références normatives, le droit, mieux, le devoir imprescriptible de s’exprimer, quel que soit le pays, de condamner et de dénoncer. Naturellement, de tels engagements sont inconnus de la valetaille libérale pour qui tout dissensus, toute contradiction, toute critique, est par essence subversive. Il faut enfin sourire du dessein sous-jacent de M. Diallo, derrière cette compilation de citations «copier-coller», d’apparaître comme le parfait encyclopédiste. La différence entre lui et l’académicien Rufin, c’est juste que l’un et l’autre évoluent et vivent sur deux planètes différentes. M. Diallo se pique de littérature et se définit comme écrivain avec la production que l’on sait, c'est-à-dire rien qui vaut d’être cité. M. Rufin est l’auteur, l’académicien, l’intellectuel que l’on sait et qui, universellement, est célébré.
Relevons enfin l’expression suivante «inhabituellement sénégalais et nerveusement français» ainsi que l’écrit M. Diallo. Une question : quelle est donc la nationalité de M. Diallo ? Serait-il devenu nerveusement sénégalais ?
Allez très vite, refermons cette mauvaise parenthèse.
*Le titre est de la rédaction
Madina TALL
Informaticienne
6 Commentaires
Kokou
En Mai, 2011 (15:24 PM)Zouk
En Mai, 2011 (15:32 PM)Merci madina
Laadj
En Mai, 2011 (15:49 PM)Sidi
En Mai, 2011 (18:07 PM)Undefined
En Juin, 2011 (13:05 PM)li diarna kharou djii ....
Daz
En Juin, 2011 (03:40 AM)Merci Madina d'avoir remis ce lâche à la place qu'il mérite
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