À moins de 10 kilomètres de Diourbel, sur la route de Touba, se trouve Sambé Péthie, un village médiéval méconnu du commun des Sénégalais. Cette localité peut s’enorgueillir d’avoir un patrimoine historique et culturel assez riche. De son passé glorieux, on retiendra le refus catégorique opposé par les populations à Lat Dior alors puissant Damel du Cayor qui voulait passer sur leur territoire. Sambé, c’est aussi son tam-tam aux origines mystérieuses qui avait le pouvoir de se taper tout seul et dont la disparition n’en finit toujours pas de susciter des interrogations.
Les croyances populaires sont légion au Sénégal. Elles sont très bien ancrées dans la mémoire collective. Certaines ont rythmé le quotidien de nos ancêtres et continuent, aujourd’hui, d’alimenter les conversations, d’aiguiser les curiosités. Dans le Baol, particulièrement à Sambé, un tam-tam mystérieux qui se tapait tout seul a fait de ce village historique un véritable centre d’attraction. Sur place, on se rend compte que le mythe du « Diam Sambé » est loin d’être le produit de l’imagination populaire. Ce tam-tam est bien une réalité. Et il suffit d’évoquer son nom pour s’en rendre compte. El Hadji Alé Niang, considéré comme la mémoire vivante du Baol, confirme son existence.
Sambé n’est pas de ces villages qui regorgent d’édifices ou de vestiges historiques. Mais cette localité dispose d’un patrimoine culturel et historique assez intéressant.
Situé à quelque 8 km de Diourbel, dans l’arrondissement de Ndoulo et la commune de Patar, ce village sérère raconte plus de 8siècles d’histoire. Assane Ngom, professeur d’histoire et de géographie et principal du collège de Dalla Ngabou, qui a accepté de nous guider dans ce Sambé ancien, précise que ce village médiéval date du 11e et 12e siècle. Le premier habitant serait venu du Sine, nous dit-il. « Quand on fait le recoupement, le premier venu s’appelait Mbabo Ndomane. Il est venu du Sine et s’est installé sur les berges de la vallée morte du Sine, à l’actuel site originel de Sambé. Quelques années plus tard, Ndiapaly Coura Ngom est aussi venu du Sine pour s’installer dans l’actuel site de Sambé Pethie. Il serait originaire de Sobène parce que quand on chante les éloges des Ngom d’ici, on fait toujours référence à Sobène », explique M. Ngom.
Le tam-tam sacré et les phacochères
À en croire le professeur d’histoire, Ndiapaly Coura Ngom serait le premier à s’installer définitivement, car Mbabo, père de Thiolté Mbamane, qui était éleveur, avait un gros cheptel. Il ne s’était pas fixé. Quelques années plus tard, on ne l’a plus revu. « Ndiapaly s’est marié à Thiolté Mbamane qui a donné naissance à deux enfants, un garçon qui s’appelle Sengado Ndiapaly, et une fille nommée Diamané Ngom. D’ailleurs, il y a un bois sacré qui porte son nom. C’était son refuge. Elle était possédée par les djinns et quand elle avait des problèmes, elle entrait dans le buisson qui est devenu bois sacré », indique M. Ngom. Thiolté Mbamane va divorcer d’avec Ndiapaly Coura Ngom et contracter un second mariage. De cette union va naître un garçon qui s’appelle Diéno Ndiass Kab. C’est ce dernier qui va ramasser le fameux tam-tam.
On ne peut pas parler de Sambé sans évoquer son mystérieux tam-tam découvert par le chasseur Diéno Ndiass Kab. Les récits entourant l’existence de cet instrument abondent depuis plusieurs siècles. Tout le monde ou presque dans le Baol connaît l’histoire de ce tam-tam qui a fait le tour du Sénégal. Les gens venaient de partout le découvrir et s’assurer de son existence. Selon El Hadji Alé Niang, le tam-tam de Sambé était extraordinaire. « C’était un instrument qui se battait tout seul. On raconte que des phacochères organisaient des séances de lutte quand un chasseur les a vus. Ce dernier a voulu les tuer, mais ils lui ont demandé de prendre le tam-tam et de leur laisser la vie sauve », fait savoir le vieux Alé Niang. Assane Ngom qui l’a vu à maintes reprises dit être beaucoup marqué par le « Diam Sambé » qui était d’une curiosité inouïe. « Dans l’actuel Sambé Digue se trouvait un buisson peuplé de phacochères. Diéno Ndiass Kab était parti à la chasse et avait aperçu un phacochère. Il avait visé et l’avait atteint, mais ne l’avait pas tué. Touché, l’animal a retourné au buisson.
En suivant ses traces, le chasseur découvre, dans le buisson, que d’autres phacochères étaient en train de soigner les phacochères blessés. Ils dansaient autour de lui et il y avait le résonnement d’un tam-tam tapé par un phacochère », explique-t-il. Par la suite, indique-t-il, le chasseur, ayant compris que ce tam-tam avait des pouvoirs, avait tiré en l’air. Après la fuite des phacochères, il a ramassé le tam-tam.
Conçu à partir d’un tronc d’arbre et avec une peau de phacochère, le « Diam Sambé » n’était pas esthétiquement beau. Son résonnement était particulier. Les notes qu’il diffusait étaient très étranges, selon M. Ngom. Les anecdotes sur ce tam-tam sont nombreuses. L’instrument, nous dit-on, annonçait tous les phénomènes et évènements à venir dans le village de Sambé. « On disait que celui qui devait, au besoin, refaire la peau n’avait pas le droit de regarder à l’intérieur du tam-tam. S’il le faisait, il risquait de perdre la vue. De même, si l’on plantait un couteau dans le tam-tam, le sang giclait », fait savoir Assane Ngom. De plus, indique-t-il, « il fut des moments où l’on ne pouvait pas traverser la route avec ce tam-tam. Quelque que soit le véhicule qui le transportait. Certains qui en doutaient sont venus et ont essayé, mais n’ont pas réussi à faire bouger l’instrument ».
Un tam-tam jalousement gardé par les griots
Sambé PéthieCe tam-tam était visible lors des très populaires séances de lutte organisées chaque année à Ngalo Bak, renseigne M. Ngom. « Il était toujours accroché au baobab qui surplombait les lieux. Quand la séance de lutte devait commencer, le tam-tam donnait le coup d’envoi et quand la cérémonie devait se terminer, il tombait à terre », fait-il savoir.
Quand le chasseur Diéno Ndiass Kab a ramassé le tam-tam, un griot l’a vu avec l’instrument. Il lui a alors raconté l’histoire. « C’est un tam-tam qui a certes des pouvoirs, mais un noble ne garde pas de tam-tam, laisse-nous le garder », avait dit le griot au chasseur.
Depuis, la tenue du mystérieux tam-tam est confiée à des familles de griots. Le vieux Cheikh Faye fut le 15ème et dernier dépositaire de Sambé à porter cet instrument énigmatique qui étonnait plus d’un par ses agissements.
Au total, quinze griots qui se sont succédé à la tenue du tam-tam. Mbessa Ndimbor Faye, le premier d’entre eux, le conserva pendant 38 ans. Mais le record est détenu par Bathie Faye qui l’a gardé pendant 46 ans.
Notre équipe est allée à la rencontre de Cheikh Faye, ce nonagénaire à Sambé Tague, village situé à quelques encablures de Sambé Péthie. Chapelet en main, il était assis au milieu de ses petits fils et neveux qui s’affairaient, ce jour-là, autour de la confection de pagnes traditionnels. Quand on lui a fait part de l’objet de notre visite, le vieux Cheikh Faye qui garda le tam-tam pendant 23 ans était dans tous ses états. Le vieil homme ne veut pas entendre parler de cet instrument du fait des souvenirs qu’il en garde. Puis, il revient à de meilleurs sentiments. « Il se déplaçait régulièrement chaque fois qu’il sentait le danger venir et orientait même les populations dans la conduite à tenir. Surtout lors des manifestations telles que séances de lutte où le tam-tam se tapait lui-même pour annoncer le début et la fin des combats », explique-t-il. Suffisant alors pour deviner le mythe qui entourait l’existence du tam-tam de Sambé. « Il était conçu dans une chambre noire, avec une peau de vache qui n’a jamais procréé », nous lance-t-il. Le tam-tam, selon lui, « pouvait sortir de lui-même comme son dépositaire pouvait aussi le porter sur la tête. Il était partout où des rassemblements s’organisaient pour des manifestations. On l’apercevait souvent près de la mosquée du village ». Il y a aussi, indique le vieux Cheikh Faye, « le fait qu’on lui versait souvent du lait de vache pour invoquer les esprits et faire des offrandes telles que le recommande la tradition chez le Sérère ». Le tam-tam de Sambé a disparu de la circulation, il y a plus d’une décennie, selon le vieux Cheikh Faye. Cette disparition n’en finit pas de susciter mystères et interrogations, ne laissant derrière aucune trace, si ce n’est que des spéculations et hypothèses. Pour son dépositaire, il a tout simplement été volé. « C’est en 2010 qu’on a vu, pour la dernière fois, le tam-tam et je peux certifier qu’il a été volé. C’était lors d’une séance de lutte traditionnelle », laisse-t-il entendre.
Sambé, terre de refus !
Depuis cette disparition mystérieuse, le vieux Cheikh Faye ne veut plus entendre parler de ce tam-tam. À Sambé, il se raconte même qu’un marabout a dit que pour revoir ce mystérieux tam-tam, il faudrait aller jusqu’en enfer.
Sambé, ce n’est pas seulement son tam-tam mystérieux. Le village a marqué l’histoire et est resté célèbre grâce à la fameuse bataille qui a opposé Lat Dior aux gens de Sambé qui n’ont jamais accepté le passage d’un roi dans leur terroir. Et pour cause, le passage du roi à l’époque était souvent synonyme de désordre. « Les rois étaient craints et partout où ils passaient, les dégâts étaient énormes. Ils amenaient les belles femmes, les moutons, les vaches et tout ce qu’ils trouvaient. Et cela, les gens de Sambé ne pouvaient pas l’accepter », indique Assane Ngom. Selon ce professeur d’histoire, Lat Dior qui était un peu à l’étroit au Cayor voulait aller dans le Sine pour rencontrer Bour Sine et Maba Diakhou. Et pour gagner du temps, il devait forcément passer par Sambé qui était une ligne directe.
Pour El Hadji Alé Niang, Sambé constitue un lieu de bataille très important qui opposé Lat Dior et Yacine Diop Gala Gana. Avant cet affrontement, Lat Dior avait envoyé un émissaire à Sambé pour avertir les populations de son projet de passer sur leur territoire. Ces derniers lui ont alors répondu que leur village n’avait jamais accepté le passage d’un roi et que Lat Dior ne serait pas une exception.
« Malgré ce refus catégorique, le Damel du Cayor était résolu à passer par Sambé. Avertis de son dessein, les gens de Sambé ont commencé à se préparer. La bataille a commencé autour d’un puits appelé Njan Pouye du nom du plus grand guerrier de cet affrontement », raconte Assane Ngom. « Quand Lat Dior a senti ses guerriers diminuer, il s’est replié pour revenir ensuite. Sa stratégie était de se positionner entre le puits et les gens de Sambé pour les empêcher de se ravitailler en eau. C’est ainsi qu’il a envoyé un guerrier qui s’appelait Mandoumbé Mara qui était monté sur le tamarinier qui surplombait le champ de bataille avec son fusil et abattait tous ceux qui s’approchaient du puits », narre M. Ngom. Cette stratégie, selon Assane Ngom, allait vite être déjouée par le tireur d’élite de Sambé nommé Njan Pouye. La légende raconte que même si sa cible se cachait derrière un arbre, sa balle pouvait contourner l’arbre et l’atteindre. « Quand les gens de Sambé avaient besoin de bois ou avaient soif, Njan Pouye se levait pour aller puiser l’eau. Les hommes de Lat Dior tiraient sur lui, mais les balles tombaient à terre. Il revenait et continuait la bataille. Par la suite, quelqu’un a compris le subterfuge et a montré à Njan Pouye le tireur d’élite de Lat Dior caché dans le tamarinier. Très adroit, Njan Pouye l’a visé et d’une balle l’a descendu, réduisant à néant l’espoir de Lat Dior. Ainsi, le Damel du Cayor n’est jamais passé par Sambé », explique-t-il.
Pour Assane Ngom, il y a nécessité de réécrire cette histoire. Car, soutient-il, certains griots ont voulu dénaturer le passage de Lat Dior à Sambé en disant qu’il a vaincu les gens de Sambé et qu’il est passé par Sambé. « Lat Dior n’a jamais traversé Sambé. Il a contourné le village pour aller dans le Sine », insiste-t-il.
Aujourd’hui, ce village, naguère considéré comme le cœur de la province du Mbayar, (Sambé avait toute son importance dans la région de Diourbel), est plongé dans l’anonymat. « Avec la domination coloniale française, Thiès était un cercle. Touba Toul et Sambé abritaient les résidences du chef de Canton à l’époque. Mais en 1895, celle de Sambé fut transférée à Diourbel et logeait à l’actuelle direction de l’agriculture, un bâtiment plusieurs fois centenaire », renseigne Assane Ngom. Mais, regrette-t-il, Sambé, malgré le rôle majeur qu’il a joué dans l’histoire de la contrée, a perdu son prestige. Ce village n’a eu droit à aucune reconnaissance. « Même quand il s’est agi de l’arrondissement, les autorités ont choisi Ndoulo au détriment de Sambé du fait des tiraillements entre ses habitants », regrette-t-il.
Seule satisfaction, Sambé a connu une expansion extraordinaire. Beaucoup de villages portent aujourd’hui le nom de Sambé. « Ndiapaly Coura Ngom a fondé Sambé et c’est de ce Sambé-là que sont partis tous les Sambé ; que ce soit Sambé Niakhène, Sambé Digue, Sambé Tocassone, Darou Sambé, Sambé Sante Yalla, Sambé Peul, sans compter les autres excroissances de Sambé à savoir Khodjil, Patar, Gappo, Diakael », relève M. Ngom. Selon le professeur d’histoire, le terroir de Sambé englobe l’ensemble de ces villages, mais l’origine, souligne-t-il, c’est Sambé Pethie, Sambé Guenth.
22 Commentaires
Anonyme
En Août, 2017 (19:01 PM)Anonyme
En Août, 2017 (19:08 PM)Ousseynou
En Août, 2017 (19:08 PM)Ousseynou
En Août, 2017 (19:08 PM)Ousseynou
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En Août, 2017 (19:08 PM)Anonyme
En Août, 2017 (19:14 PM)Anonyme
En Août, 2017 (09:08 AM)Maimouna Diouf
En Août, 2017 (09:43 AM)Diola
En Août, 2017 (10:27 AM)Anonyme
En Août, 2017 (12:03 PM)Diom
En Août, 2017 (12:36 PM)Koromac
En Août, 2017 (13:14 PM)Anonymek
En Août, 2017 (12:21 PM)Cheikh Kama
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