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Diplomatie

Face aux menaces de Trump, le Mexique raffermit son discours

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Une femme brandit une pancarte «Non au mur», au cours d'une manifestation devant un concessionnaire Ford, à Mexico, le 20 janvier. Photo Carlos Jasso. Reuters

Presque serein, le Mexique reçoit ce jeudi les premiers émissaires de Donald Trump. Le président Enrique Peña Nieto rencontrera le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, et le secrétaire à la Sécurité nationale, John Kelly. Ensemble, ils rouvriront les dossiers du commerce, de l’immigration et de la sécurité frontalière, dans l’impasse suite à l’annulation de la visite du président mexicain à Washington fin janvier.

A l’époque, les exigences stridentes de Trump de faire payer au Mexique la construction du mur sur la frontière avaient ébranlé le gouvernement de Peña Nieto. Trois semaines ont passé. Trois semaines de répit pour les Mexicains, contre trois semaines mouvementées pour Trump, qui a vu son pouvoir présidentiel contesté dans les rues, dans les médias et dans la sphère judiciaire.

Le Mexique esquive les coups

S’il est un endroit où ces déboires divers sont observés avec davantage de contentement qu’ailleurs, c’est dans ce pays qui craint de voir ses migrants expulsés de l’autre côté d’un mur infranchissable, ses exportations vers les Etats-Unis lourdement taxées – 20% selon les dernières annonces de la Maison Blanche – et ses usines automobiles démantelées pour rapatrier la production et les emplois au nord de la frontière. Le menu des relations bilatérales concocté par Trump a beau être diablement pimenté, le palais drillé des Mexicains s’y accoutume. Leur gouvernement esquive les coups et raffermit son discours. Cette semaine, le ministre de l’Economie, Ildefonso Guajardo, passait aux menaces : si Washington refuse de renégocier l’accord de libre-échange d’Amérique du Nord (Alena) dans des termes favorables à tous, le Mexique ne collaborera plus sur les questions migratoires et sécuritaires, déclarait-il en substance. Autrement dit : laisser passer la drogue et les migrants.

L’extrême dépendance commerciale du Mexique vis-à-vis des Etats-Unis, auxquels il destine 80% de ses exportations, explique cet attachement officiel à l’Alena, dont la renégociation aura lieu en juin. Au cœur de ce système, se trouve l’industrie étrangère destinée à l’exportation, comme l’automobile. Profitant de nombreux avantages, dont les bas salaires, cette industrie a converti le pays en gigantesque plateforme d’assemblage, ou «maquiladora». Concurrence déloyale, selon Trump. Début janvier, il célèbre comme sa victoire la décision de Ford d’annuler la construction d’une usine au Mexique. Cependant, le constructeur américain annonce l’ouverture en 2017 de deux autres centres de production en terre aztèque. «Ford ne quitte pas le Mexique», clame l’entreprise.

Entre confiance et inquiétude

A l’usine de Cuautitlán-Izcalli, au nord de Mexico, les employés de Ford sont ballottés entre la confiance et l’inquiétude. «J’ai peur de perdre mon travail», raconte Ana María López, une technicienne de trente ans qui affirme avoir suivi avec angoisse l’élection aux Etats-Unis. «Il y a des appels au boycott de Ford au Mexique. Mais ce sont nous, les travailleurs, qui en pâtiront !» déplore-t-elle, attablée à une échoppe de sandwichs à l’entrée de l’usine. Sur le parking attenant, Jorge Alberto Reyes, qui travaille pour un sous-traitant de Ford, affirme que la réalité de son quotidien contredit le pessimisme : «A l’usine, il n’y a jamais eu autant de travail. Je suis inquiet pour mon pays. Mais concernant les emplois, je crois que le Mexique continuera d’attirer d’autres entreprises. Le problème, c’est la corruption de notre système politique. C’est ce qui nous mine, économiquement.»

Le Mexique doit-il perdre pour que les Etats-Unis gagnent, selon la logique Trump ? Les économistes mexicains, comme José Luis de la Cruz, spécialiste des politiques industrielles, démontent cette rhétorique : «Pour récupérer les emplois, il ne suffit pas de démanteler une usine existante, mais aussi toute la chaîne de production, avec ses fournisseurs. C’est impensable. Par contre, les investissements futurs se feront plutôt aux Etats-Unis, dans des chaînes de montage robotisées. En termes d’emplois, les deux pays perdent.»

Naïveté du gouvernement

L’ouragan Trump essaime aussi ses effets positifs : le gouvernement et le secteur privé parlent de relancer l’industrie nationale, le «hecho en México» (fabriqué au Mexique). Les principaux problèmes de l’économie mexicaine, comme la pauvreté dans laquelle vit la moitié de la population (55 millions de personnes), dérivent, selon les économistes, de décisions politiques internes, comme l’abandon de l’industrie nationale et de l’agriculture. Pour José Luis de la Cruz, cette inertie est le reflet d’une certaine naïveté du gouvernement face au libre-échange : «Nos dirigeants pensaient qu’en ouvrant notre économie, il suffirait d’attendre que les investissements étrangers arrivent et que la manne dégringole sur tous les autres secteurs. Trente ans plus tard, rien ne s’est produit. Il faut une politique industrielle et agricole qui se greffe sur le libre-échange.»

Renonçant à compter sur leurs propres dirigeants, les Mexicains misent, plus que sur l’habileté de leurs négociateurs, sur les errements de l’occupant de la Maison Blanche pour éviter la crise. Quand Trump dérape – «Trump trompica», disent certains, usant d’un verbe rare remis au goût du jour –, le Mexique se délecte.



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