L’école sénégalaise est secouée de façon récurrente par des mouvements cycliques de revendication. A l’entame de cette année scolaire 2012-2013, les déclarations faites par les différents cadres syndicats inquiètent plus d’un. Cette situation de tension permanente, dans le système éducatif sénégalais, amène le spécialiste de l’Education, Silèye Gorbal Sy, dans cette rétrospective des faits de l’année 2012 qui ont rythmé l’espace éducatif, à dire que ces actes risquent de compromettre les chances d’atteindre les objectifs de l’éducation pour tous fixés par le forum de Dakar 2000.
Les perturbations de l’espace scolaire et universitaire risquent encore de compromettre sérieusement l’année académique qui vient, à peine, de démarrer. Des nuages de discorde continuent de planer sur nos têtes et qui peuvent à tout moment rallumer l’étincelle de la confrontation. L’inquiétude et le désarroi recommencent à envahir la communauté éducative tout entière.Des problèmes sérieux continuent de persister dans le secteur de l’éducation. Il s’agit, d’abord, du nombre croissant d’enfants en marge du système. Le taux d’analphabétisme des jeunes et des femmes reste toujours élevé malgré les investissements consentis ces dernières années. L’accès à une formation professionnelle pour tout demandeur reste faible. Les capacités d’accueil des structures de formation professionnelle restent généralement insuffisantes par rapport à une demande de plus en plus forte. Dans le domaine de la qualité, il faut noter que la proportion des apprenants de l’élémentaire au supérieur qui terminent leur cycle d’éducation et de formation, est faible. A cela s’ajoute également la faible capacité de gestion, de capitalisation des connaissances et des bonnes pratiques apprises dans le contexte des nombreuses expériences, pilotes, menées dans tous les sous-secteurs par divers acteurs. La performance du système demeure généralement en deçà des attentes en quantité comme en qualité. Les taux de déperdition et de redoublement sont renforcés par les conditions d’accueil, d’hébergement et de nourriture des élèves surtout ceux qui sont issus du milieu rural et qui fréquentent un établissement en ville dont la distance moyenne à parcourir est plus de 8 km. Ces conditions déteignent sur les performances scolaires et sont des facteurs d’abandon surtout en ce qui concerne les filles.
Les problèmes récurrents de l’Ecole sénégalaise
L’Ecole sénégalaise est souvent perturbée. Aujourd’hui, on constate, pour le regretter, que l’école souffre énormément et les causes sont multiples. Malgré la concertation initiée par la Coalition nationale pour l’Ept, les pré-assises de 2007 et la rencontre du Saes du 3 octobre 2012 pour une année apaisée, le mal persiste. Mais, les faits les plus manifestes et qui reviennent tout le temps sont liés au manque d’infrastructures et de matériels. Il s’agit, entre autres, de la pénurie d’eau et d’électricité dans des écoles ; de l’insuffisance générale des tables bancs, des moyens de reprographie et de documentation ; de l’inexistence d’équipements informatiques ; de manque d’installations sportives et des équipements complémentaires inexistants et des installations sanitaires déficientes.
L’alphabétisation et l’éducation inclusive, parents pauvres du système
L’alphabétisation qui avait connu des avancées considérables est en train de régresser pour les raisons de sous financement. Car il n’atteint pas les 1 % du budget alloué à l’éducation contrairement à la recommandation de Bamako 2007 qui était de 3 %. Ce manque criard de financement a occasionné d’importants reculs dans le processus de lutte contre l’analphabétisme. Aussi, il y a l’absence d’une politique linguistique claire et cohérente du développement des langues nationales. L’introduction de ces langues à l’école n’est pas encore mise en œuvre. Si rien n’est fait pour que les langues nationales retrouvent leur véritable place dans la gestion des affaires publiques et la transmission des connaissances et des informations, le Sénégal risque d’arriver en retard au concert des nations émergentes.
Déficit de coordination de l’action gouvernementale
L’autre problème réside dans le déficit de coordination de l’action gouvernementale en matière d’éducation non formelle. D’où la dispersion dans les interventions tous azimuts des différents ministères et services de l’Etat. Par ailleurs, si les mêmes tendances sont maintenues, la population analphabète va augmenter avec une stagnation ou une légère hausse du pourcentage des femmes. De même si les Daaras ne sont pas modernisés et intégrés dans le système éducatif, le Sénégal connaîtra des difficultés à atteindre l’objectif de scolarisation universelle en 2015.C’est pourquoi, eu égard aux enjeux de développement aux plan national et international, il est temps de réorienter les actions pour relever les défis qui nous interpellent. C’est dans ce contexte qu’il doit y avoir un vaste chantier de réactualisation de la politique de l’alphabétisation qui devra s’adapter aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Il est important de rappeler que l’un des Objectifs du millénaire pour le développement (Omd) est de parvenir à la scolarisation universelle en 2015.
Cependant, la faible prise en charge des enfants aux besoins éducatifs spéciaux pose non seulement une question de justice et d’équité, mais aussi constitue un frein pour atteindre cet objectif. Pourtant, dans le cadre du Programme décennal de l’éducation et de la formation (Pdef) du Sénégal initié par le gouvernement, des progrès remarquables en matière d’accès ont été notés à tous les niveaux. Les autorités compétentes ont réduit de manière significative l’écart entre garçons et filles en matière de scolarisation. De nouveaux centres régionaux de formation ont été mis en place. Un nouveau curriculum destiné aux enseignements est expérimenté. Ce qui veut dire que l’élaboration, le suivi et la revue des politiques constituent un acquis certain. Pourtant, depuis 1989, avec la convention sur les droits des enfants, renforcée par la convention mondiale de Jomtien sur l’éducation pour tous, «tout individu a droit à une éducation de base de qualité». Mieux, en juin 1994, à Salamanque, en Espagne, la conférence mondiale a réaffirmé l’accès et la qualité de l’éducation pour les enfants à Besoins éducatifs spéciaux. C’est pourquoi, la conception de l’Education Pour Tous présentée lors du Forum mondial de Dakar, en Avril 2000, a clairement établi que l’éducation basée sur l’intégration est décisive si l’on veut atteindre l’objectif de scolarisation universelle.
Loi d’orientation sociale, toujours une chimère
Au Sénégal, malgré la loi d’orientation 91-22 du 16 février 1991, qui dispose que «l’éducation nationale est démocratique : elle donne à tous, des chances égales de réussite», l’intégration harmonieuse des enfants de la rue, des enfants en situation difficile, des enfants orphelins, des enfants traumatisés par les conflits armés, dans le système est quasi inexistante. Deux principales raisons expliquent cette situation. D’abord, la méconnaissance des handicaps et des besoins éducatifs spéciaux des concernés par les enseignants. Ensuite, la non prise en compte de ces besoins éducatifs spéciaux dans le référentiel de formation initiale et continue des enseignants ainsi que dans le nouveau curriculum de l’éducation de base des élèves. L’éducation inclusive dans nos écoles est une nécessité parce qu’elle présente des avantages sur plusieurs plans. Sur le plan social : elle contribue au changement d’attitude à l’égard de la différence, en éduquant tous les enfants ensemble et en fondant ainsi les bases d’une société juste et non discriminatoire. Sur le plan éducatif, elle favorise l’élaboration et la mise en œuvre de méthodes, procédés et techniques pédagogiques adaptés à tous les apprenants quelles que soient leurs différences. Sur le plan économique, il est moins coûteux de créer et gérer des écoles qui éduquent tous les élèves ensemble que de mettre sur pied un système complexe de différents types d’écoles spécialisées dans l’éducation des groupes spécifiques d’enfants.
Il est donc temps de doter les enseignants et futurs enseignants de savoir, de faire et de savoir-être axés sur l’éducation intégratrice, leur permettant de tenir compte de besoins spécifiques d’apprentissage afin que la discrimination et l’exclusion des enfants à différents handicaps soient bannies de notre système éducatif. En 1989, la convention relative aux droits de l’Enfant stipulait dans ses articles 28 et 29 que l’enseignement primaire devait être obligatoire pour tous et devrait permettre aux enfants de réaliser leur potentiel. Les représentants de 164 pays et 150 organisations ont adopté le cadre d’action de Dakar 2000 qui comprend les six objectifs de l’Education pour Tous. Le dernier rapport mondial de suivi publié par l’Unesco montre que de nombreux défis restent encore à relever notamment en Afrique et le Sénégal ne constitue pas l’exception. Les facteurs qui entravent la progression vers l’Education pour Tous sont connus : les crises et les conflits, le Vih sida, l’extrême pauvreté, la mauvaise gouvernance.
Par Silèye Gorbal SY,
Expert en Education,
Président de la Coalition nationale
pour l’Education pour tous
(Cnept)
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